Un numéro spécial de la revue Tamazgha Studies Journal (TSJ) se penche sur son œuvre : Quand Idir intéresse l’Université américaine

15/09/2024 mis à jour: 16:22
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Le recueil d’essais du numéro spécial de la revue pluridisciplinaire Tamazgha Studies Journal (TSJ) présente le chanteur Idir comme un artiste aux multiples facettes dont la vie et l’œuvre artistique ont touché de nombreuses vies et laissé une empreinte sur de nombreuses personnes.

 

Le chanteur Idir, nom de scène de Hamid Cheriet (1949-2020), suscite depuis quelques années l’intérêt des chercheurs en sciences sociales d’ici et d’ailleurs. 

Reconnu mondialement, l’interprète d’A Vava Inouva voit sa vie et son parcours singuliers auscultés par l’Université américaine. Le deuxième numéro de la revue pluridisciplinaire biannuelle  Tamazgha Studies Journal (TSJ), dirigé Nabil Boudraa et Karim Ouaras, est consacré à la vie et à l’héritage d’un des artistes légendaires de Tamazgha. 

«La célébration par le TSJ de l’héritage musical d’Idir n’est pas seulement une façon d’exprimer notre reconnaissance pour le bonheur que sa musique a apporté à d’innombrables foyers tamazghas. Au-delà de cette reconnaissance, le TSJ célèbre l’héritage d’Idir pour l’importance qu’il revêt pour la compréhension des dynamiques locales, nationales et mondiales de la culture amazighe», soulignent Aomar Boum, Brahim El Guabli et Katarzyna Pieprzak dans la préface intitulée : «Une Tamazgha musicale : les contributions d’Idir à l’Amazighité». 

Le recueil d’essais du numéro spécial présente l’auteur-compositeur, originaire d’Ath Yenni, comme un artiste aux multiples facettes dont la vie et l’œuvre artistique ont touché de nombreuses vies et laissé une empreinte sur de nombreuses personnes. «Dans ce volume, nous avons rassemblé un ensemble d’articles universitaires, de réflexions personnelles et d’entretiens qui explorent en profondeur l’héritage multiforme d’Idir. A travers ces contributions, nous explorons le génie artistique d’Idir, son rôle d’ambassadeur culturel et la profonde influence qu’il a eu sur le paysage musical kabyle. Nous examinons également le contexte socioculturel dans lequel sa musique a émergé, mettant en lumière les dimensions historiques, linguistiques et politiques qui ont façonné sa carrière artistique», résument Nabil Boudraa, enseignant-chercheur à l’université d’Etat de l’Oregon, et Karim Ouaras, chercheur à l’université d’Oran 2/ Centre d’études maghrébines en Algérie. 


Aït Menguellet : «Idir était un génie musical»

Dans son étude «A Vava Inou va de Idir : Tissage et Transmission du conte ( tamacahut ) de la tradition Kabyle», Lyna Ami Ali, chercheuse à l’université Emory, relève que la chanson composée par Mohamed Ben Hamadouche dit Ben Mohamed (1976) «renouvelle la transmission des contes amazighs ( timucuha ) en privilégie l’oral et la reconstitution du cadre d’origine de révélation du conte à la fixation de ce dernier en français et à l’écrit à laquelle beaucoup d’écrivain.es, tel .lles que Jean Amrouche, Taos Amrouche et Mouloud Mammeri ont eu recours», précise le rédacteur. 

 L’anthropologue, Paul A. Silverstein (Reed College) explique dans sa contribution intiultée «Idir l’arrière-pays amazigh», comment la musique d’Idir et ses nombreuses collaborations «ont mondialisé la lutte amazighe, mettant la Kabylie en dialogue direct avec une multitude de mondes autochtones menacés qui survivent dans l’arrière-pays des milieux urbains et diasporiques». Kamel Igoudjil, éducateur d’anglais au DCPS, dissèque «les paroles (qui) incarnent un contre-récit qui établit la ‘‘véritable identité authentique’’ des Imazighen». 

Dans «Idir dans le Midwest des Etats-Unis», Alek Baylee Toumi, enseignant à l’université du Wisconsin-Stevens Point «raconte comment le chanteur kabyle algérien Idir et la musique berbère sont arrivés à être diffusés sur la station de radio Wort à Madison, Wisconsin, et dans le Midwest américain».  En sus des analyses savantes, le volume présente des anecdotes personnelles et des entretiens avec ceux qui ont connu et collaboré avec l’artiste. «Leurs témoignages de première main offrent un aperçu unique de l’homme derrière la musique, révélant l’esprit doux, le dévouement inébranlable et les histoires inédites qui ont façonné son parcours artistique», peut-on lire dans le recueil. L’entretien avec Lounis Aït Menguellet, un autre immense chanteur, nous permet de connaître une autre facette du génial chanteur kabyle. Interrogé sur les moyens mis en place par Idir pour «négocier la double approche (locale et universelle)»,

 M. Aït Menguellet a répondu : «Les managers de Sony Music n’auraient pas pu internationaliser facilement un autre chanteur local comme ils l’ont fait avec Idir, car avec son talent et sa voix, il était prédisposé, après le succès d’ A Vava Inou va , à se lancer dans une grande carrière musicale. Idir était un génie musical tant au niveau de la composition que de l’interprétation.

 Cela a bien sûr joué en sa faveur, et sa voix collait bien à son style musical. Cela dit, il avait quelques faiblesses au niveau des paroles, mais grâce à son intelligence, il savait toujours choisir ses auteurs-compositeurs et leur demander des textes sur les thèmes qu’il voulait aborder. Il contrôlait tout. Même s’il n’écrivait pas de poésie, il contrôlait ce qu’il chantait comme paroles.

 Musicalement, il était unique. Idir était un magicien de la musique.» Les textes de l’excellente revue proposent de faire connaître des lecteurs américains la musique populaire et le mouvement culturel amazighs des années 1970 (Ben Jones). Le recueil est composé aussi d’une sélection de chansons d’Idir et de diverses traductions. A consulter en toute urgence. N. Iddir


Lien pour lire la revue : https://www.tamazghastudiesjournal.org/
 

 

 

Extrait de l’entretien avec Aït Menguellet

’«[…] En fait, ma rencontre avec Idir a été un peu le fruit du hasard. C’était en 1968-1969, après avoir participé à l’émission Icenayen u zekka (Chanteurs de demain) de la Radio kabyle (Chaîne 2), animée par le chanteur et compositeur kabyle Chérif Kheddam [2] . Avec des amis, nous avons décidé de former un groupe, que nous avons appelé Groupe Imazighen (Groupe berbère). Un Père Blanc d’Alger nous a gracieusement offert un logement pour nos répétitions à l’organisation Caritas. C’est par l’intermédiaire de sa secrétaire, Ouali, que nous avons trouvé une salle pour nos répétitions. Juste à côté de cette salle, il y avait une autre salle où le célèbre écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri enseignait le tamazight (berbère). Idir y venait sous son nom civil, Hamid. A cette époque, il n’était pas du tout prédisposé au chant, mais je me souviens très bien qu’il était un excellent guitariste. Quand nous nous sommes connus, il venait à nos répétitions. Il prenait souvent la guitare pour jouer, et nous nous sommes vite rendu compte qu’il jouait parfaitement. Cela dit, il me semblait (à nous) qu’Idir n’était pas destiné à être chanteur ni à faire carrière dans la musique. Et donc, j’ai connu Idir sous le nom de Hamid. J’ai découvert Idir, le chanteur déjà célèbre, bien après 1968. Je me suis installé définitivement en Kabylie et j’ai ensuite effectué deux ans de service militaire à Constantine. En 1973, je suis allé quelques jours à Alger, et là encore, tout à fait par hasard, j’ai rencontré Hamid au Café des Artistes de la place Hoche. Nous étions heureux de nous revoir après quatre ans. Nous avons parlé de tout, mais surtout de la chanson phénoménale qui venait de sortir et du nouveau chanteur Idir. Je lui ai fait part de mes impressions en lui demandant : «Hamid, as-tu entendu parler de la phénoménale et renversante chanson A Vava Inou va qui vient de sortir ? » Et Hamid m’a timidement répondu : «Je suis Idir !» Chaque fois que j’y repense, cette anecdote me fait encore sourire. C’est ainsi que j’ai rencontré l’étoile montante kabyle prénommée Idir. Et depuis, notre amitié a résisté à l’épreuve du temps. Nous avons toujours entretenu d’excellentes relations. […]»

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