Un impact positif sur l’environnement naturel

17/02/2022 mis à jour: 17:12
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Photo : D. R.

Il s’agit d’une initiative louable, et ce, même si le nombre de plants est, de son avis, modeste», assure M. Djamel Belaid, ingénieur agronome, auteur de L’Agriculture en Algérie, qui estime tout de même que l’arganier «revient de loin».

A cet effet, il explique : «L’arganeraie est un exemple admirable de ces systèmes agro forestiers- originaux où, à travers l’agriculture, populations et arganiers cohabitent dans un environnement aride». Toutefois, il pointe du doigt son exploitation abusive qui a provoqué sa régression. «A Tindouf, les services forestiers n’en ont recensés plus que quelques milliers.

Aujourd’hui, universitaires et services forestiers en Algérie et dans le monde sont arrivés à mener des opérations de régénérations, considérées auparavant comme impossibles», affirme M. Belaid. En ce qui concerne la production traditionnelle de plants d’arganier en pépinière, le spécialiste fait savoir que cela demande des soins particuliers.

En effet, il est nécessaire de réaliser le démariage ou séparation des plants dès les premières semaines après la germination. Le fruit de l’arganier est composé de plusieurs amandes qui donnent naissance à deux ou trois plants serrés les uns contre les autres. «L’opération doit se faire sans abîmer les racines du plant restant.

Il est possible de semer directement les amandes, mais dans ce cas les attaques d’agents pathogènes sont à craindre. Il s’agit également que la future racine pivotante des plants élevés en sachet plastique ne soit pas abîmée lors de la plantation», explique-t-il. Tindouf

Même si les conditions climatiques sont marquées par l’aridité du milieu, la région de Tindouf reste favorable à ce type de plantation. En effet, comme les pluies sont rares et les températures extrêmes, peu d’espèces végétales peuvent donc s’acclimater. Mais certaines espèces sahariennes, telles que l’arganier, y ont toute leur place. «Cet arbre peut puiser de l’eau jusqu’à 30 m de profondeur.

Ses racines sont également largement développées en surface, elles représentent jusqu’à 5 fois la partie aérienne», explique M. Belaid. C’est finalement cette extension qui permet à l’arganier de profiter d’une particularité régionale, celle de l’utilisation de l’humidité liée aux brumes océaniques charriée par les courants froids des Canaries.

Ces brumes se condensent sur le feuillage, s’égouttent au petit matin sur le sol et sont récupérées par les racines. Si l’espèce Argania spinosa est endémique de la région de Tindouf, c’est donc pour l’influence de l’océan tout proche. «Dans les arganeraies existantes, les services forestiers sélectionnent les graines devant servir à la production de jeunes plants en pépinière», explique M. Belaid.

La technique de reproduction de l’arganier en laboratoire par culture in vitro a fait d’énormes progrès. D’ailleurs, le spécialiste ajoute que des travaux internationaux et ceux menés en Algérie, notamment au sein de l’université Hassiba Ben Bouali de Chlef, ont montré que la germination des graines et le développement de plantules par microbouturage est possible.

Ce processus nécessite l’emploi d’un traitement spécifique à base d’hormones végétales. «Les chercheurs ont longtemps buté sur le dosage hormonal nécessaire aux boutures pour assurer leur enracinement dans des tubes de verre en laboratoire. Aujourd’hui c’est chose faite ! Ces chercheurs ont pu annoncer que la micropropagation de l’arganier par vitro-semis et microbouturage est faisable. A l’avenir, le matériel végétal pourrait être prélevé à partir de ‘‘parcs à clones’’ avec des ‘‘plantations clonales’’ disposant d’une large base génétique», précise M. Belaid.

Impact sur l’environnement

«L’impact d’une telle plantation ne peut être que positif sur l’environnement naturel», assure M. Belaid. La flore, l’ombre mais aussi la matière organique procurée par l’arbre créent, selon lui, un milieu favorable au développement d’autres espèces telles que le jujubier, le genêt ou encore l’euphorbe. Quant à la faune, le spécialiste assure que des gazelles ont été aperçues au niveau de nouvelles plantations.

Outre son aspect économique à travers l’huile d’argan, «cet arbre peut contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations locales et du tourisme. Dans un environnement minéral et aride», affirme-t-il. Mais afin que ces plantations aient un réel impact sur l’environnement, il est important d’assurer leur installation puis leur maintien.

«Cela implique, de la part des services forestiers, des investissements dans la plantation et l’arrosage des jeunes arbres par irrigation au goutte-à-goutte ou par Water-Box, mais également la participation des agro-pasteurs à la plantation et à l’entretien des espaces qu’elles occupent», recommande M. Belaïd.

Il est à noter que ce dernier procédé consiste à installer un mécanisme de récupération des pluies autour du jeune arbre. Cette participation est, de l’avis de l’expert, essentielle afin de préserver, de la dent des chèvres et des dromadaires, les jeunes arbres et les arganeraies mises provisoirement en défens afin de permettre une régénération naturelle.

Frein à la désertification

Si pour certains il fait office de frein à la désertification, M. Belaïd estime que le couvert végétal apporté à lui seul par l’arganier ne peut suffire, car l’arbre ne se satisfait pas d’une trop forte densité de plantation. Cependant, le couvert permis par les plantes qui lui sont associées offre, selon le spécialiste, un obstacle à l’érosion éolienne.

C’est- à- dire un obstacle à la perte des particules les plus légères du sol en contribuant à une meilleure fixation de ces derniers, en évitant la formation de dunes. C’est pourquoi, pour M. Belaïd, il s’agit de veiller à la création d’emplois ruraux afin de réduire la pression humaine sur le seul secteur agricole. «L’élevage tel qu’il est conduit actuellement empêche toute régénération naturelle des arganiers.

Le pâturage sauvage ou vaine pâture, fait que les chèvres et les dromadaires s’attaquent aux jeunes plants», se désole-t-il. Affirmant qu’un programme de lutte contre la désertification doit également veiller à une diversité d’actions permettant d’assurer des revenus aux populations locales. A ce titre, l’expert assure que le développement actuel à Tindouf d’ateliers de germination de graines d’orge permettant de produire du fourrage est intéressant.

Frein à l’érosion

«En milieu désertique, l’arganier est un moyen de lutte contre l’érosion et en particulier l’érosion éolienne», assure M. Belaïd. Cela est en effet possible grâce à son double système racinaire à la fois profond et superficiel qui peut aller chercher l’eau en profondeur. A ce titre, les plantations seraient à effectuer en priorité dans les zones où il est possible de recharger les nappes superficielles par des ouvrages d’épandage de crues.

Quant au système racinaire superficiel, grâce au renouvellement racinaire, l’arganier assure une production de matière organique et ainsi le maintien de la vie biologique du sol. «Il crée ainsi les conditions de l’installation d’une flore associée, recouvrant le sol et évitant l’arrachement par le vent des particules à l’origine de la formation des dunes. Mais un tel processus implique un pâturage raisonné», ajoute l’expert.

La salinité

Si la salinité peut poser un sérieux problème à l’arganier, «cependant, la phase de germination n’est pas concernée», rassure M. Belaïd. En effet, des études en laboratoire montrent que des graines arrivent à germer en présence d’un substrat contenant 9 grammes de sel par litre.

C’est lors des stades ultérieurs que le sel nuit à la croissance et cela pour des concentrations de 1 g/l. Il a été observé que c’est plus la partie aérienne que la partie souterraine qui est affectée par la salinité. «Heureusement, l’espèce montre une forte variabilité de la forme du port des arbres, des feuilles et surtout des fruits qui peuvent être de forme ronde, ovale ou fusiforme», explique le spécialiste. Cette diversité de forme repose donc sur une variabilité génétique liée à une reproduction croisée.

Cette variabilité est finalement un atout pour sélectionner des écotypes possédant une résistance à la salinité du sol ou à la sécheresse.

A cet effet, M. Belaïd affirme  : «Comme les blés sahariens, aujourd’hui objet de convoitise des programmes européens de résistance des blés à la sécheresse, les écotypes d’arganier constituent un réservoir inestimable de gènes qui mérite d’être mieux connu.» Il faut savoir que des progrès ont été réalisés dans la connaissance du système racinaire de l’arganier.

Les racines ne possèdent pas de poils absorbants, ce qui rend primordiale la cohabitation avec des filaments de champignons du sol afin d’absorber eau et sels minéraux. Il a été démontré que sans leur présence, l’arganier ne peut pas se développer et serait même condamné à mourir de soif.

Valoriser l’arganier

L’arganier permet une activité économique à travers la production d’huile et l’élevage. La connaissance fine de la biologie de cet arbre millénaire permet aujourd’hui de maîtriser la production de plants vigoureux en pépinière. «Cette maîtrise de la régénération de l’arbre permet d’envisager, à côté de l’arganier forestier, l’arganier cultivé sous forme de vergers», explique M. Belaïd.

Un autre aspect non négligeable concerne l’aménagement du territoire et notamment du développement des zones d’ombre prôné par les pouvoirs publics. En effet, la population des pays du Maghreb étant essentiellement répartie sur le littoral, l’arganier, par sa capacité à se développer en milieu aride, peut donc accompagner le développement harmonieux d’agglomérations urbaines dans les régions arides. 


 

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