Un fléau à réfréner

08/07/2023 mis à jour: 00:39
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La courbe de la mortalité sur les routes n’est toujours pas inversée. Il n’est pas excessif de dire qu’un accident sur trois est une hécatombe.

 Huit morts et des dizaines de blessés la semaine dernière à Bordj Bou Arréridj à la suite du dérapage, au milieu de la nuit, d’un bus de transport de voyageurs. Le chauffeur a été mis en détention, mais cela ne résout pas, bien entendu, le problème dans cette affaire en particulier, ni le fléau hantant les routes dans toutes les régions du pays, été comme hiver, en période de fêtes, avant ou après les journées de labeur. 

Le dossier devra être de nouveau mis à plat pour concevoir de nouvelles mesures pouvant juguler les sinistres et rendre palpable la notion de «sécurité routière». Les chauffeurs des véhicules impliqués dans les accidents graves sont naturellement mis en accusation mais ils sont également des témoins. 

Ils donneront des indications importantes sur leurs conditions de travail, ce qui déterminera la part de responsabilité des employeurs. Les moyens permettant la traçabilité des temps de travail et de pause ne sont toujours pas mis en œuvre alors qu’ils sont rigoureusement adoptés à travers le monde. 

Le métier de chauffeur dans le transport de voyageurs est un véritable sacerdoce, encadré par une série de conditions d’exercice allant de la défense de palabre au volant jusqu’au repos obligatoire, et ne peut donc être assimilé à la conduite d’une voiture de tourisme, même si celle-ci a un potentiel de destruction parfois aussi étendu. 

Un dispositif renforcé a été annoncé l’année dernière, dont le contrôle technique régulier des véhicules de transport, une surveillance accrue des sociétés exerçant dans le secteur et l’aggravation des peines dans les cas de non-respect du code de la route. Un bilan d’étape dans la mise en application de ce train de mesures s’impose vu que la cadence effrénée des accidents paraît faire fi de la démarche coercitive engagée par les pouvoirs publics. 

Le contrôle technique tous les trois mois était une option opportune mais le contrôle de qualité ou de fiabilité devra aussi être introduit en amont de la mise en circulation des véhicules. Tous les automobilistes ont éprouvé sur les routes, dans des situations d’urgence, le rôle des équipements de sécurité quand le véhicule en est doté. Cela évite des accidents et épargne des vies humaines. Il y a comme un tabou qui entoure cette question pour des considérations manifestement économiques, et l’on se souvient que lors des drames survenus dans les foyers pendant l’hiver, suite à des intoxications au monoxyde de carbone, il y a eu rarement des interrogations sur les appareils de chauffage installés. 

L’investissement dans ce registre en réhabilitant la dimension de la qualité est aussi un gage de sécurité et les retombées économiques n’en seront que plus avantageuses. Interpellé par cet aspect du problème, le Conseil national, économique, social et environnemental (Cnese) a préconisé, en mai dernier, la mise en place effective du permis à points pour réduire le nombre des accidents de la circulation, tout en soulignant que ce fléau génère des coûts exorbitants à l’Etat. 

Le risque d’annulation du permis de conduire peut en effet amener nombre de chauffeurs à se soustraire à cette tentation de «terrorisme routier», une expression incidemment et improprement apparue dans le lexique national. C’est, en fait, l’équivalent du chaos urbanistique observé dans les villes et qui s’affiche en période de pluie sous forme d’inondations ordinaires. Transposé et mis en mouvement sur les routes, il devient meurtrier. 

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