Trouver de l’eau dans les pays où il ne pleut pas

09/03/2024 mis à jour: 13:18
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INTRODUCTION
 

Déjà dans le titre, il y a comme un étonnement, comme lorsque l’on se trouve devant une aberration, et une question en se disant «Mais ! Comment faire ?»

C’est un peu tout cela, en réalité, c’est le challenge que l’Algérie affronte, gouvernance et peuple compris, encore plus dans cette nouvelle Algérie qui prend racines et plus concrètement la communauté des géoscientistes algériens en premier lieu.
 

Cette problématique va prendre une importance encore plus cruciale avec les perturbations climatiques de ce début de changement climatique global. Nous sommes obligés d’y faire face car elle avance vers nous, nous ne pouvons y échapper.

Notre vision globale concerne la place de l’eau, dans notre conception tous azimuts, pour l’alimentation en eau potable (AEP) des Algériens, pour les besoins de l’agriculture et de l’industrie, pour le développement de l’économie du Sud.
Il y a matière à faire blanchir les cheveux des géoscientistes à travers des nuits blanches, en séries successives, l’une après l’autre.

Dans ce texte, il s’agit de quelques éléments méthodiques qui gravitent dans mes réflexions depuis ces dernières années, un embryon de méthodologie, que je voudrais partager avec vous tous pour certains passages, mais beaucoup plus avec des géoscientistes pour d’autres paragraphes.
 

Il s’agit, à mon avis en premier lieu, de réfléchir d’une autre manière, de se débarrasser de certains  acquis et routines techniques et scientifiques de notre savoir-faire, de notre travail quotidien. Des schémas classiques, conventionnels qui ont des effets négatifs actuellement, alors que dans le passé,  leurs effets en question avaient des résultats positifs.

Remplacer quoi par quoi alors ? Est-il possible de nous réinventer dans ces domaines technologique et scientifique ? Est-ce que nous avons un choix ?

Il faut se dire que nous n’avons pas de choix ! Et il faut faire vite, car pour passer de la réflexion à sa maturité au point de générer de nouvelles méthodologies, et pour que dans notre société, elles percent le bouclier des habitudes et de la routine, il faut aussi du temps comme partout dans le monde, mais encore plus de temps dans notre société.
Je prendrai comme premier exemple le cas de la Mitidja.

2.) Les drains pour éviter les marécages... sont à revoir !

Il fut un temps, au début de la colonisation au XIXe siècle, des travaux avaient été engagés pour éviter les résultats marécageux d’un surplus d’eau de pluie. Aussi, des drains sous forme de tunnels en pente en douce vers la mer avaient été creusés, permettant d’évacuer le surplus d’eau de pluie vers la mer. Une excellente technologie, adaptée à ce cas précis, mais qui n’est plus adéquate actuellement, car il n’y a, très probablement, plus de surplus d’eau y compris dans la Mitidja.

Aussi, il faut fermer ces drains, ils ont fait leur temps !
 

3.) Des nappes souterraines sont à recharger artificiellement
Reprenons le cas de la Mitidja comme exemple, il faut au contraire augmenter la recharge des différents niveaux aquifères en dirigeant les eaux de ruissellement vers l’infiltration et non vers la mer. Une technologie simple, à notre portée, qu’il faut développer et généraliser pour réduire de plus en plus les eaux de ruissellement de stagner en surface et/ou de s’écouler vers la mer. Il s’agit de concevoir cela par des travaux d’aménagement, utilisant la morphologie du sol, pour faire ruisseler les eaux de pluies vers les nappes souterraines les plus proches.
 

4.) Protéger ces nappes de la pollution !
La pollution provenant de l’urbanisation galopante et l’utilisation intense des engrais et insecticides dans certaines régions agricoles, prend de l’ampleur, d’autant plus que les rejets néfastes de certaines industries s’ajoutent.
Le recyclage doit prendre une importance aussi grande que l’approvisionnement en eau potable.

4.) Eviter de construire des barrages à ciel ouvert, les barrages d’inféroflux sont mieux adaptés
Cette technologie est connue depuis longtemps, il s’agit tout simplement d’édifier un barrage souterrain étanche dans le lit de l’oued, dans les alluvions déposés par l’oued. Une pelle mécanique suffirait à faire une tranchée pour la remplir d’argiles, par exemple. 

On crée une réserve d’eau souterraine pour la protéger de l’évaporation. Certes, dans certains cas, ce sera des réserves minuscules, mais nous entrons dans une époque où les goutes d’eau comptent dans le bilan. Il ne s’agit pas uniquement des oueds qui débordent d’eaux atmosphériques pendant certaines périodes au nord du pays, mais aussi parfois au sud où les pluies des moussons, en été, engendrent des inondations avec des dégâts subséquents pour s’évaporer tout simplement rapidement. Seuls les enfants en profitent pour se baigner dans des mares éphémères.
 

5.) Les eaux souterraines fossiles du sud
Avec les premiers forages pétroliers au Sud au début des années 1950, on découvre cette nappe dite de l’albien, renommée plus tard avec l’accumulation de données, le SASS (Système d’aquifères du Sahara septentrionale). En une phrase, il s’agit des formations géologiques réservoirs d’eau d’âge quaternaire à secondaire, regroupées sous le nom de CT (Continental terminal) et CI (Continental intercalaire) qui avaient emmagasiné des eaux de pluie durant une période miraculeusement pluvieuse. Période où la foret recouvrait le Sahara que nos ancêtres des cavernes nous ont décrites sur les parois rocheuses de plusieurs régions du Sud. Cette ère s’étalait approximativement de - 40 000 à -10 000 ans.

Cette abondance aqueuse avait, non seulement rempli les réservoirs du SASS au Sahara, mais aussi engendré des fleuves, comme celui de Tamanrasset.

Et là, on constate maintenant que depuis les années 1950, nous puisons abusivement de cette nappe du SASS. Que ce soit pour l’alimentation en eau potable des agglomérations s’étalant de plus en plus, l’agriculture saharienne en plein développement croissant, l’industrie en pleine accroissement dans le Sud également et d’autres activités économiques. Et maintenant que le secteur minier entre par la grande porte dans l’économie de notre pays, les besoins sont encore plus grands.

Un des premiers points que les géosciences nous enseignent, est que les eaux de pluies de cette période passée fabuleuse, ont rempli les réservoirs disponibles et pas seulement le sass !
 

Il appartient aux géoscientistes de les découvrir !

Et comme dans toutes recherches scientifiques, les géosciences n’échappent pas à cette logique, on commence par le plus facile, le plus abordable et tout en empruntant pas à pas, l’un nous permettant d’apprendre plus pour aller vers le pas suivant moins facile, et encore plus loin vers le plus difficile pour ne pas dire l’impensable... Mais on y est déjà ! Puisse que nous commencions à chercher l’eau dans les régions où il ne pleut pas, même s’il a plus dans le passé lointain. Je dirai ce que je pense actuellement, qu’il faut peut-être initier la recherche des eaux souterraines par retrouver le tracé les fleuves anciens, découvrir des réservoirs autres que le SASS, initier le tracé probable des circuits souterrains des eaux, et... tout en étant baigné dans de telles idées et nouvelles données initier les nouveaux chemins qui émergent dans nos esprits.
 

6.) Rechercher le tracé des fleuves fossiles (O. Tamanrasset, ...)
L’exemple le plus élémentaire est celui de l’O. Tamanrasset. Des études appropriées de son tracé nous permettra de déceler des réservoirs possibles dans les alluvions, mais aussi le cas probable d’aquifères profonds. Cela ouvrira la porte à la découverte d’autres fleuves anciens.
 

7.) Initier la recherche des aquifères perchés
Depuis des lustres les géoscientistes ont prospectés les aquifères des plaines et dépressions, car de visu, on constate que les eaux de ruissellement s’y accumulent. On continue encore à le pratiquer. Il faut actuellement chercher plutôt à protéger les aquifères bien connus de la pollution

En revanche, la recharge artificielle de telles nappes en usage actuellement n’est pratiquement pas encore initiée.
Mais par contre, la prospection des réservoirs perchés est inexistante, alors que l’exemple frappant du Djurdjura n’a pas encore convaincu beaucoup des uns et des autres, alors que l’industrie locale s’y alimente. La recherche dans ce domaine est encore loin d’être initiée.

8.) Initier la recherche des eaux profondes contrôlées par les failles

Certaines failles peuvent constituer des conduits (et même des réservoirs !) d’eau. Cela dépend de plusieurs facteurs, comme l’ancienneté, les rejeux, l’épaisseur, des terrains accolés, d’une part et d’autre part, et d’autres facteurs. C’est un tout nouveau chemin !

9.) Mais dans tout cela il s’agit de gisements d’eau... !

Bien que toutes ces méthodes nouvelles à découvrir  ne consistent finalement qu’à découvrir des gisements d’eau fossile, gisement qui veut dire épuisable. Dans combien de temps ? Tôt ou tard, cette réserve s’épuisera !
La source alternative restera le dessalement des eaux de mer et des chotts...
 

Mais la recherche devrait nous permettre de baisser le prix, car actuellement, il coûte trop cher !
 

A quand la technologie nous permettra-t-elle uniquement par l’énergie solaire et une installation sommaire de fournir l’eau dessalée en quantité suffisante pour pourvoir aux besoins de l’industrie et de l’agriculture en plus de l’AEP ! ?

 

Par  Saadallah Abdelkader ,   Dr en Géosciences conseiller auprès du ministre de l’Energie et des Mines 

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