Tant attendu, le cessez-le-feu à Ghaza est entré officiellement en vigueur, comme prévu, mais avec un retard de trois heures durant lesquelles 19 Palestiniens ont été tués et 36 autres blessés par des raids aériens et des tirs d’artillerie sionistes ayant ciblé plusieurs zones du nord, du centre et de Ghaza.
L’armée israélienne a poursuivi son offensive militaire, faisant fi du début du cessez-le-feu prévu à 8h30 (heure de Ghaza), en réponse au retard de la remise, par le Hamas, des noms des trois otages devant être libérés au cours de cette première journée de trêve, comme le prévoit l’accord de cessez-le-feu. Dans un communiqué, le mouvement de la résistance a réaffirmé sa «volonté de respecter» ses «engagements», et expliqué le retard par «des raison techniques».
Une fois cette liste remise aux médiateurs, un communiqué du bureau du Premier ministre israélien a annoncé que l’entrée en vigueur du cessez-le-feu est à 11h15 (heure locale) et que les trois premiers otages seront libérés vers 16h (heure locale) et remis aux éléments du CICR (Comité international de la Croix-Rouge). Il s’agit de Doron Steinbrecher, 31 ans, et Emily Damari, une ressortissante israélo-britannique, âgée de 28 ans, ainsi que Romi Gonen, 24 ans, enlevées en octobre 2023. A Ghaza, des scènes de liesse de joie sont indescriptibles. Des milliers de personnes expriment leur joie de ce temps de répit après les horreurs qu’ils ont vécues durant 471 jours d’une guerre dévastatrice et génocidaire.
La joie de revenir chez soi
De longues processions de femmes, d’enfants et d’hommes font leur chemin du retour vers leurs demeures, dont il ne reste que les débris. Ils font des kilomètres de pistes, jonchées par des restes de corps en décomposition, de chars et de véhicules calcinés et les décombres de maisons et bâtiments terrassés à la recherche de leurs foyers et de ceux de leurs proches perdus. Cette joie du retour a été partagée par les membres de la résistance, notamment du Hamas, en tenue de combat, majoritairement le visage cagoulé, les armes à la main, qui sillonnaient la ville à bord de véhicules tout-terrain sous les acclamations et les chants révolutionnaires d’une foule imposante.
A Tel-Aviv, le Premier ministre fait face à une crise politique croissante. Son ministre de la Sécurité, l’extrémiste Itamar Ben-Gvir, a annoncé sa démission et celle des ministres de son parti messianique, de la coalition gouvernementale, alors que le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, du parti religieux sioniste, menaçait de faire tomber le gouvernement, dans le cas où l’armée ne poursuivrait pas la guerre à Ghaza. Un coup qui affaiblit lourdement Netanyahu, mais ne risque pas de faire avorter l’accord de cessez-le-feu. Devant la prison Ofer, où les prisonniers palestiniens devant être libérés, de nombreux manifestants israéliens opposés à l’accord se son rassemblés avant que les services de l’ordre ne les dispersent, sur fond de nombreuses arrestations.
Pendant ce temps, l’armée israélienne poursuit son mouvement de retrait partiel du corridor Netzarim, qui relie le nord de Ghaza au sud, notamment des principaux points de passage des rues Al Rashid Al Sahili à l’ouest et de Salah Al Din à l’est, après avoir démonté les barrières en béton érigées dans la rue Al Rashid pour permettre la circulation automobile fermée durant la guerre.
De nombreux chars, véhicules et équipements militaires ont également été déplacés. Des mesures qui entrent dans le cadre de la première étape de 42 jours de l’accord de cessez-le-feu. A 16h (heure locale), le Hamas libère les trois otages israéliens au camp de Reim, à Ghaza, et les remet au CICR. Selon le site israélien Wala, citant un «responsable israélien» sans le nommer, «le CICR a affirmé que l’état de santé des trois femmes est bon».
Les trois femmes sont par la suite évacuées par la Croix-Rouge pour être remises à l’armée israélienne. Dans un communiqué, celle-ci a confirmé que les trois otages ont été transférées vers Israël, en précisant que les otages «sont actuellement en route vers un premier point d’accueil dans le sud d’Israël, où ils subiront une première évaluation médicale».
Transfert de 90 prisonniers palestiniens à Ofer
Cette libération sera suivie par celle des otages israéliens devront être libérés samedi prochain, dans le cadre de la première phase de l’accord qui porte la libération d’un total de 33 otages, durant 42 jours. Les Israéliens ont suivi en direct, sur des écrans géants, la remise des otages au CICR, par les membres des brigades d’Al Qassam, armés de kalachnikovs, avec un bandeau vert cernant le front, le visage cagoulé, devant une immense foule de Palestiniens. Au même moment, une délégation du CICR est arrivée à la prison d’Ofer, où un important dispositif de sécurité était déployé, pour transporter les prisonniers palestiniens devant être libérés. Israël avait, auparavant remis aux médiateurs une liste nominative de 90 prisonniers, parmi eux 69 femmes et 21 enfants, transférés la veille par l’administration pénitentiaire, à la prison d’Ofer, située dans la ville de Beitunia, à l’ouest de Ramallah, au centre de la Cisjordanie, occupée, en prévision de leur libération.
Selon des informations obtenues par la chaîne qatarie Al Jazeera, les prisonnières étaient détenues à la prison de Damon et parmi elles, des journalistes femmes, des militantes dont la leader du Front populaire, Khalida Jarrar. Le site israélien Walla a écrit que «contrairement à l’accord de novembre 2023, ils (les prisonniers) seront transportés dans des bus du Service pénitentiaire, et non des bus de la Croix-Rouge, aux vitres teintées, dans le but d’empêcher les expressions publiques de joie».
Les membres du CICR ont entamé une longue procédure de contrôle de l’état de santé et de l’identité des prisonniers à Ofer. Aux alentours, une foule compacte de Palestiniens attendant la sortie de leurs proches, alors que les forces de sécurité se sont déployées autour de la prison.
En début de soirée, les premiers véhicules transportant les prisonniers quittaient l’établissement, sous les cris de joie de la foule. Salima Tlemçani
L’accord «est une grande preuve de force»
Le responsable des relations politiques et médias du mouvement de résistance palestinien Hamas au Liban, Abdel Majid El Awad, a déclaré hier que l’accord de cessez-le-feu à Ghaza, après 15 mois d’agression sioniste, constituait «une victoire et une grande preuve de force». Dans un communiqué repris par l’Agence nationale d’information libanaise (ANI), le responsable du Hamas a indiqué que l’occupation sioniste, «après avoir perdu son prestige (lors de l’opération Déluge d’Al Aqsa, le 7 octobre 2023), n’a pas pu le regagner malgré une agression génocidaire soutenue par toutes les forces du mal dans le monde. La résistance et notre peuple palestinien ont mis en échec les plans et les objectifs de l’occupation». «La cause palestinienne a retrouvé son statut mondial, après que le monde a essayé de normaliser la présence de l’entité sioniste dans la région», a dit le responsable du mouvement palestinien, ajoutant que cet accord de cessez-le-feu marquait «une étape importante dans l’histoire de la lutte du peuple palestinien, c’est une victoire et une grande preuve de force». «Ce qui s’est passé durant l’agression génocidaire a confirmé que l’occupant sioniste ne respectait aucune résolution ou convention», a-t-il enchaîné. L’accord de cessez-le-feu est entré en vigueur dimanche à Ghaza après avoir été retardé de plus de deux heures et demie, en raison de la décision des autorités d’occupation de ne l’appliquer qu’après réception de la liste des prisonniers de guerre à libérer.