Travailleurs étrangers en Algérie : Deux catégories de migrants et de nouveaux défis

26/06/2023 mis à jour: 00:01
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Les activités des travailleurs syriens en Algérie sont prospères - Photo : D. R.

Des chercheurs du Cread viennent de rendre publique une enquête qui évoque un début de constitution de trois communautés d’immigrés en Algérie qui seront formées par «les Subsahariens, les Syriens et les Chinois».

Quelle est la situation des travailleurs étrangers en Algérie ? Combien sont-ils ? Quels sont leurs objectifs ? Ces questions viennent de faire l’objet d’une étude réalisée par six chercheurs du Cread, en l’occurrence Mohamed Saïb Musette, Samir Djelti, Hocine Labdelaoui, Idir Smail, Mohamed Maamar et Fethi Lahouel.

L’enquête intitulée «Les trajectoires des travailleurs étrangers en Algérie : projet, expérience et perspectives migratoires», publiée le 13 juin courant, fournit, en effet, des données et des conclusions permettant d’avoir une idée plus claire sur l’identité de la main-d’œuvre étrangère, sa situation sur le marché du travail et ses projets pour l’avenir.

Couvrant cinq wilayas, à savoir Alger, Oran, Tlemcen, Béjaïa et Tamanrasset qui sont considérées comme les principales régions d’emploi des travailleurs migrants, l’étude a concerné, selon ses auteurs, un échantillon de 309 travailleurs étrangers choisis selon la technique «boule de neige».

Le document fait ressortir plusieurs conclusions, dont celle concernant le profil des travailleurs étrangers en Algérie. Ce dernier, précise l’étude, «a connu un changement depuis le début de ce millénaire». «On relève une tendance à la baisse des travailleurs migrants en situation régulière et une hausse sensible des travailleurs étrangers sans aucune couverture sociale. L’intégration économique des migrants en situation irrégulière, exerçant dans l’économie informelle est désormais un défi constant», notent les chercheurs.

Deux catégories et des profils différents

L’étude s’attarde sur l’analyse des profils des travailleurs migrants en Algérie. Elle relève l’existence de deux catégories distinctes. Il y a, d’abord, les nouveaux migrants arrivés au cours des cinq dernières années en provenance généralement de l’Afrique subsaharienne. Ces derniers viennent, selon le document, «avec un niveau d’instruction faible, une expérience professionnelle limitée, une situation financière mauvaise, une intégration très faible et une espérance de réduction de la durée de transit par l’Algérie». «C’est un profil de migrants temporaires», soulignent les chercheurs du Cread. La deuxième catégorie est composée, selon l’enquête, d'«anciens travailleurs migrants» qui sont arrivés, généralement, des pays arabes et asiatiques. Ces travailleurs «sont plus instruits et expérimentés et plus intégrés dans l’économie algérienne».

Trois communautés d’immigrés en formation

Face à l’absence de statistiques officielles sur le nombre de travailleurs étrangers en Algérie, les enquêteurs ont été contraints de s’appuyer sur les données des organismes internationaux, à l’image de l’agence onusienne Undesa. Cette dernière a estimé, selon l’étude, le stock des étrangers à 250 400 personnes en 2020, soit 0,6% de la population algérienne résidente.

«De ces données, nous ne retiendrons que le volume des réfugiés et de demandeurs d’asile qui semble être cohérent, soit 66% de l’ensemble des étrangers en Algérie. Pour établir les rapports entre les travailleurs étrangers migrants et le marché du travail en Algérie, il convient de préciser que tous les étrangers en Algérie ne sont pas nécessairement des migrants. De même, tous les migrants ne sont pas automatiquement des travailleurs et que tous les étrangers en âge d’activité n’ont pas systématiquement accès au marché du travail. Il y a également des travailleurs étrangers qui n’ont pas besoin d’un permis de travail pour exercer en Algérie», fait remarquer l’étude.

Sur le marché du travail, il y a aussi deux catégories : les salariés et ceux exerçant des activités commerçantes. Se référant aux données de l’ONS, l’étude donne un chiffre de 62 976 salariés venant de trois pays, à savoir la Chine, la Turquie et l’Egypte qui cumulent 75% des permis de travail délivrés, avec une forte intensité dans le secteur des bâtiments, travaux publics et de l'habitat (BTPH). «Ces salariés sont repartis sur tout le territoire, avec une forte concentration (50%) dans trois wilayas (Alger, Oran et Constantine).

On observe ainsi une tendance à la hausse, à compter de l´année 2000, passant de 1000 permis environ jusqu’en 2016, avec un pic de 92 000, puis une baisse située autour de 20 000 en 2022. Le volume des travailleurs étrangers ainsi estimé s'avérera plus important, si on doit ajouter ceux qui ne sont pas soumis à une autorisation préalable pour exercer en Algérie», note la même source.

Le nombre global des commerçants étrangers inscrits au registre du commerce, ajoute l’étude, s’élève à 15 228 répartis en 2648 personnes physiques et 12 292 personnes morales. «S’agissant des personnes morales, les nationalités des gérants les plus répandues sont française (15,7%), turque (11,1%), syrienne (10,2%), tunisienne (9,3%) et chinoise (9,0%)», indique aussi la même source.

Les personnes physiques, ajoute le document, sont syrienne (31,6%), tunisienne (25,4%), marocaine (14,3%), égyptienne (7,6%) et palestinienne (7,5%). Analysant ces chiffres, les enquêteurs concluent à un début de constitution de trois communautés d’immigrés en Algérie qui seront formées par «les Subsahariens, les Syriens et les Chinois».

Économie informelle

Précisant que les employeurs, comme les travailleurs étrangers, activent avec un permis de travail pour une durée limitée à la réalisation du projet, l’enquête précise qu’il existe un segment de travailleurs migrants, en situation irrégulière, qui exerce dans l’économie informelle, notamment dans les secteurs du bâtiment et du commerce. «Cette tendance est inversée actuellement.

Les migrants en situation irrégulière sont devenus dominants sur le marché du travail. Et les conditions de travail de ces migrants sont en fonction de la durée de présence en Algérie mais aussi du niveau de vulnérabilité (jeune, femme) ainsi que de la qualité de leur intégration dans le marché du travail», explique la même source.

Mais pour l’écrasante majorité de ces travailleurs étrangers, l’installation durable en Algérie n’est pas un véritable projet. «Les perspectives des travailleurs se déclinent en deux options : s’installer durablement en Algérie ou quitter le pays. Dans le cas de la deuxième option, les migrants ont deux probabilités : retour au pays d’origine ou engager un nouveau départ», conclut l’étude.

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