Traitement des eaux usées : La feuille de route mise en place

02/01/2025 mis à jour: 02:10
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L’engagement de l’Etat s’articule sur la mise en service de 27 STEP et lagunes à l’arrêt et la réhabilitation de 18 autres stastions STEP - Photos : D. R.

Le ministère de l’Hydraulique a inscrit dans sa feuille de route les grands projets de collecte et d’interception des rejets des eaux usées et leurs acheminements vers les «usines de traitement» (Constantine, Alger, Oran), et les projets intégrés (El Oued, Ouargla et la requalification de Oued El Harrach).

Lors de la célébration du 50e anniversaire de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dans son allocution, avait instruit les départements ministériels concernés par l’irrigation des terres agricoles à agir afin que le pays arrive à récupérer les eaux traitées par les STEP, jusqu’à un taux qui varie entre 30 à 40% du volume d’eau. Cela permet d’irriguer, grâce à la réutilisation de cette eau traitée par les STEP, une nouvelle superficie d’un million d’hectares, d’ici à l’horizon 2027.

L’Algérie s’attelle à concrétiser sa politique d’assainissement pour participer à la préservation de la santé de la population et de l’environnement, d’une part, et d’autre part, à introduire l’eau traitée dans le processus du développement économique national. «Les conclusions de l’analyse du ministère de l’Hydraulique, selon notre source du département ministériel de Taha Derbal, ont permis de définir les principaux axes pour atteindre dans un premier temps les objectifs assignés.

Il s’agit du rattrapage accumulé relatif à la réalisation de nouvelles infrastructures, la mise en place d’un mécanisme de gestion, de formation et d’exploitation adapté pour garantir la continuité de la politique de l’assainissement au service des citoyens et de l’économie, et enfin la remise à niveau du patrimoine existant qu’il faut récupérer à travers la réhabilitation».

Un nombre important des rejets illicites des eaux usées et des fosses septiques avait été éliminé, en raison de la concrétisation du programme de réalisation d’un réseau national d’assainissement qui avoisinait 97 000 kms au 31 décembre 2023.

Proximité des grands périmètres agricoles

Au lendemain de l’Indépendance du pays, 20% de la population algérienne étaient raccordées au réseau d’assainissement, alors que ce taux, grâce aux efforts de l’Etat, vient d’être porté à 92% en cette année de 2024. L’Algérie est un vaste pays pourvu de 232 STEP, dont 50 sont gérées par les collectivités locales. Le parc des STEP fonctionne à présent à moins de 50% de ses capacités, soit un volume d’eau usée traité qui s’élève à 590 hm3.

Selon le ministère de l’Hydraulique, le taux d’épuration des eaux usées à l’échelle nationale est de l’ordre de 54%. En l’an 2000, l’Algérie avait construit 45 STEP pour une capacité de traitement installée qui s’élève à 90 hm3, tandis qu’en 2020, notre pays avait construit 200 STEP pour une capacité de traitement installée de 1000 hm3. La politique de rattrapage en matière de réalisation de ces infrastructures demeure en cours.

Le gouvernement, à travers la création de l’Office national d’assainissement (ONA) met l’accent également sur la mise en place d’un nouvel outil de gestion de ces infrastructures d’assainissement. Le ministère de l’Hydraulique a inscrit dans sa feuille de route les grands projets de collecte et d’interception des rejets des eaux usées et leurs acheminements vers les «usines de traitement» (Constantine, Alger, Oran), et les projets intégrés (El Oued, Ouargla et la requalification de Oued El Harrach).

Il n’en demeure pas moins que la poursuite de la réalisation des STEP est en cours, celle de la mise en place des réseaux de collecte des eaux usées, y compris également l’éradication des fosses septiques, afin de pouvoir accroître le taux de raccordement de l’ensemble des rejets vers les réseaux.

Selon notre source du Ministère de l’hydraulique, «le programme de réalisation de 68 STEP réparti comme suit, 43 en cours de construction et 25 en voie de procédures de lancement, l’achèvement de ce programme en cours de réalisation, dans le but de passer à 1500 hm3/an, qui consistera à réaliser 359 kms de réseau d’assainissement et 14 stations de relevage».

Notre interlocuteur du département ministériel Derbal Taha précise : «La situation actuelle de réutilisation des eaux traitées par les 232 STEP en exploitation est peu reluisante, seules 21 STEP sont concernées par la réutilisation d’une manière directe ou indirecte de leurs eaux épurées, pour un volume réutilisé de 50 hm3 par an, soit environ 10% des eaux épurées, mais il y a un effort de l’Etat pour remédier à cette situation», indique-t-il.

Le président de la République avait instruit le gouvernement à réagir pour augmenter le volume des eaux traitées et épurées à l’horizon 2027. Une très importante enveloppe financière qui s’élève à 34 832 milliards de dinars avait été mobilisée pour la prise en charge de ce volet.

L’engagement de l’Etat s’articule sur la mise en service de 27 STEP et lagunes à l’arrêt ; la réhabilitation, la mise en service de 18 STEP, la réalisation des potences pour l’irrigation du barrage vert au niveau de 6 wilayas ; l’intégration du traitement tertiaire (3e étape du traitement dans les STEP, ndlr) pour la réutilisation des eaux épurées des STEP, à proximité des grands périmètres agricoles et des zones industrielles, telles sont les opérations inscrites dans la feuille de route de cette 1re phase en vue d’augmenter la capacité de production de l’eau épurée de 152 millions de mètres cubes actuellement à 403 millions de mètres cubes à l’horizon 2025. Un parc de 213 STEP génère une production de 68 000 tonnes de boue.

La valorisation de la boue obtenue lors du traitement de l’eau au niveau de la STEP, permet son utilisation comme fertilisant pour l’agriculture et comme substitut énergétique dans les grands fourneaux des cimenteries. Certains pays, très peu nombreux, ont réussi à transformer l’eau déjà exploitée en une eau potable.

On peut citer Singapour, le Japon, la Zambie, l’Afrique du Sud qui est un pays très avancé dans le traitement des eaux usées. Des pays qui disposent de 3 réseaux d’assainissement avant l’arrivée de cette eau dans la station (W.C ; douche et autres domestiques avec les eaux pluviales ; eaux toxiques). En Algérie, on jette toutes les eaux à l’oued ou à l’égout.

Des agriculteurs des wilayas de l'ouest algérien ne se sont pas empêchés d’irriguer leurs superficies agricoles avec de l’eau épurée produite par les STEP, en raison de la forte sècheresse et de l’assèchement des nappes phréatiques. Il s’agit d’éviter la faillite pour ces fellahs, après avoir investi des sommes faramineuses dans la production agricole. Ce liquide indispensable est déversé vers la mer ou la nature après son utilisation et sa contamination.

Des perspectives prometteuses

C’est une forme grave de pollution de la nature avec ses impacts négatifs sur l’environnement térrestre et le milieu  marin. Le Dr. Igoud Sadek, scientifique et chercheur à l’UDES de Bou-Ismail (Tipasa) déclare : «Je réitère une fois encore, avec le changement climatique, les citoyens et les responsables du secteur de l’hydraulique qui doivent respecter sans concessions, à la lettre les lois de notre pays.

Je me permets de les citer, le décret exécutif n°10-23 du 12 janvier 2010 qui fixe les caractéristiques techniques des systèmes d’épuration des eaux usées, qui stipule dans les détails l’étape de prétraitement qui permet l’extraction les matières flottantes ou en suspension au moyen de procédés physiques tels que le dégrillage, le déssablage et le dégraissage-déshuilage ; l’étape du traitement primaire ; l’étape du traitement secondaire ; l’étape tertiaire indiquée dans la loi, mais en réalité, elle n’est jamais effectuée, en raison de l’absence de l’équipement et il y a également l’arrêté interministériel du 02 janvier 2012 qui fixe les spécifications des eaux usées épurées utilisées à des fins d’irrigation, tout est indiqué dans ses lois. Il suffit de les appliquer pour obtenir une eau épurée et désinfectée avant sa réutilisation», dit-il.

A titre d’exemple, quand il y a beaucoup de ruissellements, afin d’éviter les problèmes et les colmatages au niveau des STEP, on installe le bypass à l’entrée de l’infrastructure et rapidement la décision rapide de dévier les eaux polluées et pluviales vers la plage du Chenoua (Tipasa) est prise.

Les sédiments relevés dans la plage du Chenoua sont contaminés, car l’eau traitée par la STEP du Chenoua (Tipasa) n’a pas été désinfectée. «L’Etat avait annoncé sa volonté d’atteindre un taux de 60% du volume d’eau épurée pour sa réutilisation dans l’irrigation à l’horizon 2030 indique notre interlocuteur, mais je regrette, l’effort de l’investissement mobilisé pour la  Station de dessalement de l’eau de mer (SDEM) n’est pas comme celui de la STEP, la raison pour laquelle, je dirai qu’il faut aller en urgence par priorité vers le traitement tertiaire au niveau des STEP qui se trouvent à proximité des grands projets agricoles ou ceux du secteur de l’industrie», ajoute-t-il. L’équipement du traitement tertiaire coûte le tiers du montant global de la STEP.

Selon le chercheur de l’UDES, Dr. Igoud Sadek, chercheur et spécialiste dans le traitement des eaux usées par énergies renouvelables, «il y a lieu de fractionner les STEP en 3 groupes, il y a celles qui doivent être équipées en 1re priorité avec le système à UV (ultra-violet) pour les grands projets ; ensuite celles qui seront installées plus tard avec l’équipement de désinfection et enfin la 3e catégorie de STEP, sont celles qui doivent être installées mais dotées d’équipement de désinfection de l’eau traitée, précise-t-il, il faut agir selon les priorités et les rentabilités, car c’est un investissement lourd», précise-t-il.

L’autre membre de l’équipe de recherche de l’EVER de l’UDES (Unité de développement des équipements solaires) de Bou-Ismail, Madame Lebik Hafida, Docteur en génie de l’environnement continue à faire des recherches au niveau des STEP dans la wilaya de Blida. 

Dans son bureau, elle nous présente son prototype intitulé, «système de validation de la dose UV court pour le dimensionnement  des réacteurs de désinfection». «Cet équipement purement algérien n’existe pas pour le moment en Algérie. Il s’agit d’un prototype que nous avons développé dans notre laboratoire à l’UDES et l’avons expérimenté. Nous allons le monter à la STEP de Boufarik, en collaboration avec nos amis de l’ONA.

Au sujet de son coût, il avoisinera sans doute 500 000 DA, ajoute-t-elle. Nous espérons que des industriels nationaux vont s’intéresser à cet équipement de désinfection à UV dans les STEP, car il revient très cher quand il est importé», enchaîne-t-elle. Une opportunité s’offre pour les opérateurs économiques. En effet, autour des SDEM et des STEP, les investisseurs sérieux peuvent construire des usines de sous-traitance des pièces et des équipements pour les usines à eau. 

L’installation des équipements pourvus de nouvelles technologies oblige la formation du personnel. La maintenance et l’entretien de ces infrastructures des eaux sont vitaux et incontournables pour le fonctionnement des machines. 

Des perspectives prometteuses pour créer les emplois et les ressources se profilent à court terme, si les décideurs ne se confinent pas uniquement sur l’importation onéreuse des SDEM et des STEP clé en main. Les orientations du président Abdelmadjid Tebboune sont claires sur ce sujet.              

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