Tissage de tapis artisanal, une activité écoresponsable : Quand nos ancêtres respectent l’environnement

19/05/2022 mis à jour: 23:55
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Photo : D. R.

L’atelier Tigurarin de l’association de Adeafa de Timimoun œuvre non seulement pour la sauvegarde du patrimoine, mais confectionne aussi ses tapis dans le strict respect de l’environnement, et ce, à base de laine de mouton et de teinture végétale.

Au sein de notre atelier, nous confectionnons des tapis dans le strict respect de l’environnement», confie Nour El Houda Kadiri, teinturière végétale et gérante de l’atelier de tissage traditionnel intitulé Tigurarin, lancé en décembre 2006 par l’Adeafa, une association à but non lucratif créée en 2003 à Timimoun, dont la mission principale est la défense des droits de l’enfant, de l’adolescent et de la femme artisane. «Nos tapis sont réalisés de manière naturelle à 100%. On travaille sur la sauvegarde du patrimoine.

D’ailleurs, on a été subventionné, en 2019, par l’Union européenne dans le cadre du programme CapDel pour valoriser les techniques de teintures naturelles chez les artisans de Timimoun», assure-t-elle.

A base de laine pure, issue de moutons vivons et de teinture végétale, l’association Adeafa s’est donc engagée au profit des femmes de Timimoun et ksour du Gourara, dans un projet ambitieux, celui de la mise en valeur du tapis ancestral du Gourara, la formation intensive des formateurs en tissage d’art et la teinture naturelle végétale obtenues à partir des jardins des Jadis dans la région du Gourara.

Si aujourd’hui, elles sont pas moins de 30 tisserandes et teinturières, toutes bénévoles au sein de l’atelier, Nour El Houda Kadiri avoue que le l’idée de départ n’était pas si simple à concrétiser.

«Cela s’est finalement fait grâce un partenariat entre les associations TusAlsace France et Adeafa Timimoun, qui ont travaillé sur la formation pour récupérer les tapis ancestraux de Gourara», affirme-t-elle. A cet effet, Mme Nour El Houda Kadiri explique que de nombreuses sessions de prospection au niveau des musées d’Alger, à savoir le musée des arts traditionnels et le Bardo ont été effectuées.

«Ces derniers nous ont facilité l’accès aux réserves des anciens tapis confectionnés à Timimoun, Gourara, Touat, Tidikelt et Elgoléa», assure-t-elle. Une fois ces tapis pris en photo, l’association a alors lancé des séances de formation et recruté des artisanes au sein de l’atelier. Au total, pas moins de 15 sessions de formation ont été effectuées en 2 ans.

Les tapis sont donc 100% naturels. «La confection se fait dans des strictes règles et du respect de l’environnement, c’est pourquoi, on considère qu’on n’a pas droit à l’erreur», confie Mme Nour El Houda Kadiri.

Selon elle, cela commence par le choix de la bonne qualité de la laine, ensuite le choix de bons pigments. Ainsi, en termes de matière, l’atelier de Nour El Houda Kadiri utilise une laine tendue à partir de moutons vivants. La raison : la laine des moutons vivants serait plus fournie, plus résistante et tient mieux par rapport à la laine issue des traditionnelles haydourate.

En second lieu, il y a les pigments pour les couleurs. «Nous utilisons uniquement des pigments végétaux ou animaux, issus de plantes ou d’insectes. A titre d’exemple, il y a le henné, le thé, les pelures d’oignons, les écorces de grenade, la garance, l’armoise, la noix de gale ou encore l’insecte cochenille», soutient-elle. Mais qu’en est-il de leur confection ?

La laine est bouillie dans des cuves en inox, pour éviter l’oxydation des pigments avec la matière, surtout l’alun qui est un oxydant naturel, déposée sur des tripiers afin que les couleurs adhèrent mieux.

Ensuite, au bout d’une heure, la laine est retirée des cuves et passe par l’étape du lavage. Cette étape est répétée plusieurs fois jusqu’à ce que l’eau devienne transparente. Tout est évidemment fait de manière manuelle dans des bassines.

Pour ce qui est des pigments, ces derniers sont préparés dans des bidons, pour la plupart, la veille, ou alors quelques heures avant la coloration pour certains.

Mais l’étape la plus importante reste, selon Mme Nour El Houda Kadiri, la teinture des laines. La première phase est donc le mordançage, une étape incontournable de la teinture textile végétale artisanale qui consiste en l’adjonction de substances ayant pour fonction de créer un pont entre les fibres textiles et les teintures naturelles, et ce, pour la majorité des pigments sauf pour quelques-uns afin d’assurer l’adhérence et la fixation des couleurs.

A noter que les techniques de teinture diffèrent d’un pigment à un autre. « Pour certains pigments, on mesure la laine ensuite on mesure le pigment nécessaire étant donné que chaque kilo de laine exige un poids défini de chaque pigment», explique Mme Nour El Houda Kadiri. A titre d’exemple, teinter un kilo de laine avec du henné ou du thé ne nécessite pas l’étape de mordançage, qui est une phase de fixation faite par l’alun car ils contiennent la matière dite tanneur.

Autrement, il suffit de mesurer chaque produit nécessaire à la coloration de la laine. Et comme dernière étape : le choix des laines teintées afin de réaliser le tapis voulu, dont la confection peut prendre jusqu’à 6 semaines, et ce, en fonction de la difficulté des motifs et ses dimensions.

Mme Nour El Houda Kadiri insiste sur le fait que le respect de l’environnement est la pièce maîtresse du travail de l’atelier et assure que les produits chimiques sont strictement interdits.

Aussi, l’eau utilisée n’est pas gaspillée mais est réutilisée pour arroser les jardins, et les déchets des pigments sont utilisés comme composte où aliments pour les moutons.

Toutefois, Mme Nour El Houda Kadiri se désole du fait que certains produits et outils, notamment les tinctoriaux, indispensables à la confection des tapis, sont assez chers au niveau du marché. «C’est pour cela qu’on a pour objectif de reproduire certains pigments localement, et ce, après avoir acquis suffisamment d’expérience dans le domaine (8 ans)», confie-t-elle.

Cette dernière explique que les acquéreurs de ces tapis sont souvent des touristes étrangers mais aussi des propriétaires de gîtes et maisons d’hôtes, des hôtels. «On conclut aussi des ventes lors des expositions auxquelles on prend part», conclut-elle.

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