Tiaret : Des cafés chargés d’histoires

10/08/2023 mis à jour: 11:49
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Contrairement aux cafés d’antan à Tiaret, les cafés d’aujourd’hui apportent à leur décor une touche de modernité

Le chef-lieu de wilaya, Tiaret, qui compte près de 400 000 habitants, dispose, officiellement, de 180 cafés ou autres établissements du genre. Des commerces qui obéissent à une règlementation stricte car impliquant la santé, la sécurité et la salubrité publiques nonobstant les impacts sur le voisinage et sur l’environnement. 

A l’instar de presque toutes les régions du pays, Tiaret, une des plus anciennes villes d’Algérie, deux fois capitale, se distingue, outre ses autres spécificités liées à la nature de sa géographie, par ses nombreux cafés. Que ce soit ceux que la vox-populi continuent d’affubler du qualificatif de «cafés maures» ou ceux qui se targuent d’avoir une touche plus modernes. 
 

Ayant joué, plus d’un siècle durant, un rôle social important, les anciens établissements officiant en qualité de cafétéria à Tiaret ont presque tous baissé rideau. Certains du fait de la décrépitude du temps, d’autres du fait de contentieux liés à l’héritage entre autres. Au cœur de la ville de Tiaret et même au-delà jusqu’à l’entrée de la ville par le nord (Rass-Essoug), plusieurs cafés maures ont ainsi joué ce rôle social voire culturel important et ce, pendant plusieurs époques. 

Au centre-ville, cœur battant de Tiaret, au niveau de la place nommément appelée «El Blaça», point de convergence de jeunes comme quidams, la morosité est ambiante. Et pour cause : les cafés d’antan qui faisaient dans l’animation ont disparu pour ne laisser à leurs bons souvenirs que les rideaux corrodés. De nos jours, on ne jure que par le passé pour se les remémorer. Qui des anciens Tiarétis ne se souvient pas des «Quahwat Couscoussa», «Quahwat Tlemçani», «Quahwat Kharoubi», «Quahwat El Gouatna», «Quahwat  Bouranda», «Café du ballon», «Café de la Bourse», «Quahwat Hallouz», «Qahwat El ballon», «Le central» etc. ? 
 

Des lieux témoins 

Impossible d’énumérer tous ces cafés d’antan dont les plus anciens comme «Le grillon» sont aujourd’hui gravés dans la mémoire collective. Des espaces où convivialité rimait avec instants de décompression. Ils ont été des lieux témoins d’une vie ou l’on venait pour traiter, régler, s’allier ou se séparer d’une affaire, voire même de sa douce moitié comme on pouvait les fréquenter tout simplement pour «tuer son temps». Décor austère mais pleins de vie et de partage, les cafés d’antan ont joué un rôle social lié au contexte de l’époque. 

On évoque le contenant, idem pour le contenu : Siroter un café à l’ancienne avant l’intrusion de la machine à presse fut un rituel tout autre où marc de café se mêle à l’envoûtement des voix et des chansons que distillaient les gramophones et/ou autres tourne-disques. Certains nostalgiques en gardent encore de bons souvenirs quand ils écoutaient, qui un cheikh accompagné de «gasba» (flûte) qui une voix sublime comme jadis avec les Farid El Attrach, Hafez, Wahbi, Blaoui voire les cheikhs Adda et Ahmed Tiareti et Hamada. Deux sites, à Tiaret, regorgeaient de cafés : en haut du côté de «Rass essoug», autrefois point de convergence des caravansérails et populations paysannes des environs du nord de la wilaya venant faire leurs emplettes le temps d’un «souk hebdomadaire» et en ville du côté de la rue Emir Abdelkader ex-Rue Bugeaud, la place «El Blaça» jusqu’à la remonte (Larmoud). 

Chaque café avait sa catégorie de clients : certains en avaient même leur couleur politique. Les licences d’exploitation étaient délivrées aux moudjahidine et par extension aux ayants droit. Au-delà du confort des cafés d’aujourd’hui il y a le fond. C’est-à-dire le breuvage lui-même qu’on sert à la clientèle. «Café safaya», avec brindille d’armoise (chih) ou café pressé, au lait ou au chocolat. 

Café Chaouch (ex-redoute) et «café l’Allemania», «Tonton» (Bouabdelli Hadj Ahmed) à la rue Thiers, Café Mekki face au marché couvert spécialisé dans le jeu de domino et muni d’un «juke-box», Jeu de la «bazga», «Café Gouatna», «Café Bouranda» face à l’escaliers Rocca (spécialisé dans le jeu de la «rounda»), «Café Zidane», «Si Yahia», près de hammam Belabbes à Rass essoug, «Café Benchaib»,  rue Hamdani Adda, à côté de la clinique Metidji, «Qahwat les Belaid». Il y a aussi, dans le registre des vieux cafés, «Khatir», «Couscoussa», «Kharoubi», «Mimouni» près de hammam Sidi M’hamed, «Café Laghouati» (actuellement une pharmacie), «Kahwat Bouazza», «Le Grillon» (ex-Bettefal), «Zelassi» qui se trouve sous les arcades, «Qahwat hallouz» (Ex-bar kahwat koulali) et haloufa (ex-snack bar), «La princière», «Kahwat taibi» en face station Mokhtari, «Café Tlemçani» près du cinéma Vox, là ou Ali Maachi venait jouer occasionnellement pour accompagner un marié. Tout ça se conjugue au passé. 
 

Rareté des espaces de détente accentuée par un désert culturel ambiant  

Par la suite, au début des années 1990, «El Tiempo», «Le Pourquoi pas», «El Intifadha» ouvert après les évènements douloureux d’octobre 1988 sont venus suppléer la disparition du «café de la joie» des frères Boudjemaa. Beaucoup d’entre eux ont fermé à leur tour pour laisser place, aujourd’hui, à d’autres qui se veulent plus branchés et plus modernes comme le «Coffee house», «Infinity», «le 6e continent», «Le Jazz», «Café le palmier», «Le Bon Coin», «le Regina», «Le golden House», «l’expresso», «Chez Madani», «Classic-House» etc. 

Peu gardent les caractéristiques qui ont fait les cafés d’antan. Côté mixité, quelques rares établissements du genre le sont à l’exemple du Golden House et même le «Classic house». Pour tous les autres, exceptées les cafétérias des hôtels, la mixité n’apparaît pas. 

La nostalgie emprunte au modernisme mais ce dernier est très prononcé même si certains, à l’exemple d’Amin Hallouz, tentent de perpétuer le métier du défunt père selon les règles. Les nouveaux espaces restent branchés où confort rime avec variétés de mets, glaces et surtout tasses de café pressés, histoire de passer du «bon temps» entre amis. Il fut un temps où un confrère disait qu’entre un café et un café on trouvait un autre café. 

De nos jours, ces cafés ou salons de thé comme les affublent leurs tenanciers sont tellement si nombreux qu’ils ont fini par être les seuls espaces où les communs des mortels peuvent encore se rencontrer. Tiaret fait peut-être l’exception avec cette rareté des espaces de détente qu’accentue ce désert culturel ambiant: pas de théâtre ni de grands parcs de loisirs encore moins de grands espaces verts pour se délasser. D’où la singularité de ces cafés. 
 

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