Un bandit, un policier et une intrigue, c’est en gros ce qu’il faut pour écrire un film policier, même s’il peut y avoir plusieurs bandits et plusieurs policiers, voire des agents doubles qui travaillent dans les deux camps. Le procédé a l’air simple, beaucoup plus en tout cas que pour un film d’auteur ou d’anticipation, il est pourtant triste de voir la maigre production du genre. On peut bien sûr citer les films de l’Inspecteur Tahar, entre comédie et policier, Le Sang des loups (2019) de Amar Sifodil où Khaled, jeune inspecteur de police, infiltre une bande de malfaiteurs.
On peut aussi évoquer quelques séries TV (Hdach hdach de Oussama Kobi, 2023), le long métrage Les rues d’Alger, d’Amine Kaïs (2002), La voix de l’ennemi (2014) de Rachid Bouchareb mais qui se passe au Mexique où le récent Omar la Fraise dont une partie est tournée en Algérie, sans policiers.
Question de matériel ou absence d’autorisations pour les armes, tenues ou voitures de police ? Le sujet est sensible, à tel point que les réalisateurs et producteurs n’osent en parler par crainte pour les films à venir, évoquant à voix basse les fausses armes, fausses balles, faux chargeurs pour donner un semblant de crédibilité aux jouets utilisés dans les films, et les fausses voitures de police souvent filmées à la hâte dans des plans plus ou moins clandestins, avec le même problème d’ailleurs que les films de guerre.
Yacine Teguia, producteur de Tarik Teguia, se demandait ici même : «Pourquoi l’armée continue-t-elle à gérer les armes ou le matériel militaire qui sert dans les films de guerre ? Que deviennent ensuite les accessoires, décors et costumes ? » Bachir Derraïs, producteur d’un film de guerre, Larbi Ben M’hidi (en cours de sortie) et d’un policier, Morituri de Okacha Touita (2007) adapté du roman de Yasmina Khadra, résume la situation : «Les cinéastes algériens évitent le genre policier pour ne pas se ridiculiser, il faut des artificiers, cascadeurs et des sociétés qui louent des armes, tenues et véhicules, elles existent ailleurs mais pas ici.»
Double commission de lecture et double autorisation
Pour faire un film qui met en scène un ou des policiers, tout réalisateur doit avoir l’accord de la DGSN qui possède sa propre commission de lecture et délivre éventuellement une autorisation qui met souvent des mois à être donnée, l’autorisation de tournage du ministère de la Culture n’étant pas valable pour la DGSN. Pour les accessoires ou pour filmer un commissariat, même faux, c’est encore plus compliqué. Avec des limites, un réalisateur expliquant que dans le scénario, il est interdit de mettre en scène un policier corrompu, encore moins un agent double, et pour l’anecdote, si une histoire d’amour entre un policier et une policière est présente dans le scénario, il est rejeté.
On le comprend, la représentation de la police au cinéma est très sensible. Solution, le bricolage, la clandestinité ou tout simplement, ne pas faire de films policiers ou alors le faire ailleurs comme dans Halal, police d’Etat (2011), pastiche policier de Hawaï, police d’Etat réalisé par Rachid Dhibou et produit par Luc Besson où deux policiers algériens, l’inspecteur Nerh-Nerh et «Le Kabyle», qui a perdu tout accent arabe dans son français après avoir été enlevé par des extraterrestres, sont envoyés en France pour traquer un serial killer qui s’en prend aux épiciers arabes, une histoire qui ne se passe pas en Algérie même si c’est dans le quartier de Barbès, ce qui règle le problème.
En conclusion, ce n’est pas une histoire de talent, en janvier dernier, lors d’un concours organisé par le Conseil des ministres arabes de l’Intérieur aux Emirats arabes unis, deux prix pour le meilleur film de sensibilisation ont été décernés à la police algérienne, le premier sur les droits de l’homme dans l’action policière et le deuxième sur la lutte contre l’extrémisme. Doit-on demander aux policiers de faire eux-mêmes des films policiers ? Non bien sûr, mais il est plus facile de faire un film sur les extraterrestres du fait qu’on ne les ait jamais vus et qu’ils viennent d’ailleurs. D’ailleurs pourquoi n’y a-t-il pas de films de science-fiction en Algérie ?