Technologies et patronat : L’intelligence artificielle peut-elle justifier un plan social ?

04/01/2024 mis à jour: 15:17
AFP
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Le développement de l’intelligence artificielle bouleverse certains secteurs d’activité

Les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle laissent entrevoir une nouvelle vague d’automatisation dans les entreprises, touchant les employés de bureau plutôt que les ouvriers d’usine. Certaines, comme la société de veille média Onclusive, sont soupçonnées de vouloir remplacer des salariés par des robots. 

Quand Onclusive, détenue par le fonds Symphony Technology Group (STG), a annoncé mi-septembre un «programme de transformation» visant à moderniser son outil industriel en France, ses salariés travaillant sur des logiciels vieillissants s’attendaient déjà à une mauvaise nouvelle pour leur emploi.

Mais «quand on a appris que ça serait 217 personnes (concernées, sur 383 contrats à durée indéterminée, ndlr), on a tous été un peu surpris. Il n’y avait pas eu d’augmentation (de salaire) cette année, car la direction souhaitait faire des investissements importants pour l’informatique», raconte un salarié qui affiche plus de 10 ans d’ancienneté et souhaite rester anonyme. Etait concernée la branche «Reputation Intelligence», dont la mission consiste à envoyer des synthèses de l’actualité à ses clients (des grands groupes et des institutions publiques). Celle-ci a été rachetée début 2022 par STG au groupe britannique Kantar. Son directeur France expliquait vouloir «améliorer le service» en «introduisant de nouvelles technologies et de nouveaux outils» et en misant notamment sur «l’apport de l’intelligence artificielle».

Un mois plus tard, machine arrière. «Après avoir reçu et entendu de premières observations de la part des membres de son Conseil social et économique (CSE), des organisations syndicales et de l’administration du travail, il semble nécessaire d’apporter des ajustements et des précisions au projet présenté initialement», a indiqué dans un courriel le dirigeant américain du groupe, Rob Stone. 

Un nouveau plan, pouvant concerner autant de personnes, doit être présenté en décembre. «Contrairement à ce qui a pu être relayé, l’IA  ne constitue qu’une part mineure du projet», assure la direction à l’AFP.

L’arrivée de l’IA dans une entreprise peut-elle justifier des licenciements ?

«Le fait d’introduire des nouvelles technologies dans l’entreprise peut justifier un licenciement pour motif économique», rappelle Christophe Noël, avocat spécialiste en droit du travail.

Mais la mutation technologique est une justification rarement invoquée, car il faut prouver que «les personnes deviennent obsolètes au profit des machines», sans recourir à l’externalisation ou à la délocalisation de tâches qui leur étaient confiées. Or, chez Onclusive, le développement de l’intelligence artificielle sert de paravent à «une délocalisation à grande échelle à Madagascar et en Inde de tâches initialement réalisées à Courbevoie et à Puteaux», en banlieue parisienne, soupçonnent des élus de l’intersyndicale, interrogés par l’AFP début octobre.

L’IA n’est, de plus, pas totalement une innovation dans l’entreprise car elle est déjà utilisée pour générer des transcriptions de l’audio en texte ou pour sélectionner des articles pertinents.

Avec la menace que cette technologie fait planer sur de nombreux métiers, l’encadrement de ce qu’est une «mutation technologique légitime devra faire l’objet tôt ou tard d’un débat» car, «aujourd’hui, c’est la boîte de Pandore», anticipe Christophe Noël.
 

Qui est concerné ?

En France, le phénomène de licenciements liés à l’IA est encore nouveau. 

Mais, en mars, Goldman Sachs prédisait que 300 millions d’emplois pourraient être automatisés dans le monde par l’intelligence artificielle générative, notamment dans les pays les plus développés. Pour Benjamin Fallot, directeur général du cabinet de conseil en transformation numérique Fabernovel, l’impact de l’IA générative sera aussi positif, en créant ou redynamisant certaines filières. «Les acteurs comme Onclusive ne se sont pas réinventés. Ils étaient sur des rentes, avec des entreprises qui prenaient des licences et fournissaient peu d’analyse et peu d’innovation. 

Ce sont ces modèles-là qui vont être bousculés», affirme-t-il à l’AFP. Outre-Atlantique, une vague de licenciements a déjà frappé le monde de la tech, en partie justifiée par l’essor de l’intelligence artificielle, comme chez Dropbox en avril (500 postes supprimés, 16% des effectifs). En septembre, un rapport du cabinet de reclassement Challenger estimait à près de 4000 le nombre de postes supprimés aux Etats-Unis depuis le début de l’année à cause de l’IA.
 

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