Tahar Ould Amar, journaliste et auteur en tamazight : «Il faut passer au tri dans la littérature amazighe»

31/12/2024 mis à jour: 19:29
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20 ans après son premier ouvrage, Tahar Ould Amar édite son deuxième roman Bururu

Invité de l'association culturelle Tanekra dans le cadre de son neuvième acte de son atelier Si Amer Boulifa de littérature amazighe, l'auteur Tahar Ould Amar a animé, samedi dernier, une conférence à Agouni Fourrou. 

Dans son intervention devant une vingtaine de présents, celui qui fut du tout premier contingent d'enseignants de tamazight qui devait assurer l'introduction de cette langue millénaire à l'école dans foulée de la grève du cartable ayant paralysé, une année scolaire durant (1994-1995), est revenu sur son parcours d'homme de lettres en tamazight. 

Un parcours qu’il doit à cette phase charnière du long combat identitaire qui a vu le natif de Sidi Aissa, dans la wilaya de Msila, lui l’originaire de Tiroual dans la région des Ouacifs, au sud de la wilaya de Tizi Ouzou, opérer une reconversion d'enseignant de langue française dans un collège en enseignant de langue amazighe dès la rentrée scolaire de septembre d'il y a exactement trente ans, après avoir été de l'historique promotion de Ben Aknoun qui avait assuré l'introduction de tamazight à l'école. Mais comment a commencé sa carrière d’écrivain en tamazight ? 

«Correspondant de presse et témoin comme, l'étaient mes confrères, de ce que nous faisait subir la décennie noire, l'idée d'écrire m'avait traversé l'esprit. Le choix de la langue ne se posait pas car écrire en français était tout naturel puisque c'était la seule langue que je maitrisais relativement. Après donc, ma conversion à l'enseignement de tamazight, un concours de circonstances a fait que je me suis retrouvé avec des amis à lancer un hebdomadaire bilingue (tamazight-français). Et c'est alors qu'écrire en kabyle devenait un «défi» à relever. D’où la naissance, en 2006, de Bururu qui a été récipiendaire du Prix Apulée, deux années plus tard, en 2008. Un roman «accrocheur» par la langue qui y est utilisée, soit le kabyle de «tous les jours», prenant le soin d’éviter au maximum l’usage des néologismes, justifiant ce choix par le fait que la littérature est d’abord le domaine des sensations où l’esprit cartésien a peu de choses à voir et obéit plus à une esthétique personnelle qu’à une illusoire éthique générale». 

Mezdad ou notre «Balzac»

Une option coulant de source pour un auteur qui a pour modèle Messaoud Oulamara dont il loue le «style fluide» de son livre Iberdan n tissas ou Les sentiers de l’honneur, la langue la «plus fluide que j’ai eu à lire en tamazight traduit plus tard en langue française, lui dont le tout premier roman en tamazight qu’il a lu est Askuti de Said Sadi. Tahar Ould Amar considère, par ailleurs, l’autre écrivain en tamazight, Amar Mezdad, comme le Balzac de la littérature amazighe voire de la littérature algérienne en général. «C’est compliquer, aux premiers abords, de lire Mezdad mais une fois qu’on y est, on y est emporté et envoûté», dit-il.  
Ce premier roman, Bururu sera suivi, en 2016, de son deuxième ouvrage intitulé Tafunast i i ttezgen pétrole (vache à pétrole), une œuvre où l’auteur a compilé nombre de ses chroniques publiées entre 2010 et 2011, dans le supplément en tamazight La Dépêche de Kabylie un journal régional aujourd’hui disparu. Des chroniques le long desquelles l’auteur met en scène sur fond d’humour un révolté mené par des bébés lassés par l’inertie des adultes.

Et près de 20 ans après son premier ouvrage, Tahar Ould Amar édite son deuxième roman Bururu, paru aux éditions Azur en 2006, Tahar Ould Amar revient avec un deuxième roman Murdus en juillet 2022 qui constitue, selon lui, la «suite» du premier roman Bururu. Un dernier roman nominé figurant sue la short liste des candidatures retenues pour participer à la 9e édition, cette année, du Prix littéraire Mohamed Dib pour le meilleur roman d'expressions, arabe, amazighe et française. 

Cela dit, l’auteur, qui dit être sur un autre projet d’écriture dont la forme tarde à être «tranchée», estime qu’un «tri se doit d’être opéré dans la littérature amazighe après  l’euphorie et la déferlante qui ont marqué le monde de l’édition en langue amazighe. «Il faut que le tri se fasse, et il n’est pas question d‘attendre encore», lâche-t-il sentencieux, préconisant que cette œuvre salvatrice se doit de «commencer par les maisons d’éditions»  qui «ne doivent pas éditer n’importe quoi» et qu’il invitera à installer en leurs seins des «comités de lecture». Il regrettera à ce propos, le fait que «des imprimeurs  procèdent à l’édition d’œuvres contre le paiement par leurs auteurs des frais y inhérents !» 

Ould Amar montrera également du doigt les médias, notamment la presse écrite au sein de laquelle, selon lui, la critique est «affreusement absente», se limitant à la «présentation d’œuvres sans aucune remise en question». Aussi, l’invité de l’atelier littéraire Si Amer Boulifa des Ouacifs dit que ce tri «commence par l'auteur lui-même qui prend de plus en plus conscience de ses limites ; ensuite l'éditeur qui refuse de laisser passer n'importe quel manuscrit et enfin à la médiatisation et critiques». 

Un tri qui ne sera que salvateur pour la littérature amazighe en vue de son «amélioration». M. K.

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