Sur une barge dans un port anglais… : Les demandeurs d’asile «comme en prison»

24/12/2023 mis à jour: 04:15
AFP
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Vue aérienne de la barge d’hébergement Bibby Stockholm, amarrée au quai du port de Portland

Dans le froid humide de décembre, un bus bleu s’arrête aux abords du centre-ville de la station balnéaire anglaise de Weymouth. Une poignée d’hommes en descendent, soulagés de quitter pour quelques heures leur «prison», la barge à quai où ces demandeurs d’asile sont hébergés depuis plusieurs semaines. Hasan James, un Nigérian de 38 ans, a pris cette navette qui relie toutes les heures l’embarcation «Bibby Stockholm», située dans une zone interdite au public du port de Portland, à Weymouth, située à 20 minutes de là, sur la côte du Dorset (sud de l’Angleterre). «Nous avons une liberté de mouvement limitée. 

C’est comme la sécurité dans les prisons», témoigne-t-il emmitouflé dans une grosse parka et un bonnet sur la tête, détaillant les fouilles, les passages au scanner de détection, la nécessité de s’identifier quand on sort, quand on rentre. Avant que les autorités ne l’envoie ici il y a un mois, Hasan James, arrivé au Royaume-Uni avec un visa touristique aujourd’hui expiré, vivait dans un hôtel à Londres. 

«Tout n’est pas horrible à bord», dit-il, affirmant apprécier la nourriture par exemple, mais le sentiment d’enfermement est «vraiment difficile». Afin de réduire la facture de l’hébergement en hôtel des demandeurs d’asile et de décourager les arrivées de clandestins par bateaux, le gouvernement conservateur, qui a fait de la lutte contre l’immigration une priorité, a pris la décision controversée de loger jusqu’à 500 migrants sur le «Bibby Stockholm». 

Les premiers sont montés à bord en août dernier, mais ont été débarqués quelques jours plus tard, après une contamination dans le réseau d’eau. Revenus depuis octobre, ils étaient environ 200 en novembre. Lodman, un Iranien de 50 ans, est arrivé il y a deux semaines. Lui non plus ne se plaint pas de sa chambre ou de la nourriture, mais du fait d’être quasi-confiné, loin de tout. 

«C’est vraiment dur, comme une prison. C’est déprimant». «On est en mer, comme des poissons», s’indigne dans un anglais hésitant un jeune Irakien de 22 ans, arrivé clandestinement par bateau depuis la France et qui ne souhaite pas donner son nom, par peur de nuire à sa demande d’asile. Il raconte la promiscuité dans la barge, en montrant une vidéo de la chambre de quelques mètres carrés qu’il partage avec une autre personne, et l’indifférence des gardiens lorsque certains se plaignent. «Ils s’en fichent», lâche-t-il en tirant frénétiquement sur sa cigarette. A bord, il y a une salle de sport mais «il y a trop de monde». Le 12 décembre dernier, un des hommes vivant sur le «Bibby Stockholm» est mort. Alors que plusieurs  associations d’aide aux réfugiés ont mis en cause les conditions de vie sur la barge, une procédure judiciaire qui s’est ouverte jeudi a indiqué que Leonard Farruku, un Albanais de 27 ans, avait été retrouvé pendu. 
 

«Respirer»

Devant les barrières empêchant l’accès au port, on peut encore voir des fleurs et des messages destinés à ce demandeur d’asile. «Nous nous battrons jusqu’au bout pour faire cesser cette inhumanité», peut-on lire sur un des messages.

Si Hasan James ne connaissait pas ce résident, il s’inquiète : «Certains commencent à souffrir de problèmes psychologiques». Beaucoup viennent à Weymouth plusieurs fois par semaine, «juste pour marcher et respirer l’air frais», dit l’Irakien.

 Ou acheter du Coca-Cola, avec leur allocation hebdomadaire de 9,58 livres (environ 11 euros). Au milieu des passants qui achèvent leurs courses de Noël, ces hommes désœuvrés ne passent pas inaperçus. «Il n’y a pas beaucoup de noirs ici, alors les gens savent qu’on vient de la barge. Certains nous saluent, nous disent +Joyeux Noël+», sourit Hasan James. «Les gens ici nous regardent un peu... +oh, c’est un réfugié+. Ce n’est pas raciste, mais...», dit de son côté le jeune Irakien de 22 ans. Lorsque la décision d’installer la barge a été prise, certains habitants ont affiché leur hostilité à l’arrivée de migrants. En attendant, aucun demandeur d’asile ne sait quand il quittera le «Bibby Stockholm». Mais «on prie pour que ce soit bientôt fini», et avec le droit de rester au Royaume-Uni, espère Hasan James. 
 

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