Stations polaires : Des candidats pas refroidis par le travail ou la paie

24/10/2023 mis à jour: 01:17
AFP
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Plus de 200 personnes se sont bousculées pour participer au premier «job dating» de l’IPEV

C’est une expérience humaine et environnementale de dingue», sourit Lola Breuilly, 27 ans, à l’issue d’un «job dating» organisé à Brest (ouest) par l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV   ), qui permet chaque année à 320 scientifiques de mener leurs travaux sur les pôles.

 La menuisière postule pour une mission à la station Dumont d’Urville, sur la côte antarctique, comme volontaire en service civique. «C’est hors du temps, lunaire, on est complètement déconnecté du reste du monde, une vie parallèle», décrit la jeune femme, après une première expérience de six mois sur les îles Kerguelen.
 

Plus de 200 personnes se sont bousculées pour participer la semaine dernière au premier «job dating» de l’IPEV  . «On cherche des compétences mais aussi un savoir-être, des gens vraiment motivés qui savent où ils vont mettre les pieds», explique Laurence André-Le Marec, directrice des ressources humaines.
 

Les plombiers et électrotechniciens sont très recherchés. Mais aussi les conducteurs d’engins, chargés de diriger le raid de dameuses et tracteurs qui parcourent en 15 jours les 1 150 km séparant la station franco-italienne Concordia de la côte. «C’est pire que la station spatiale internationale» (SSI), prévient Nathalie Metzler, directrice adjointe de l’institut. Sur la SSI, ils peuvent évacuer en 48 heures alors que nous, il faut attendre plusieurs mois le prochain bateau».
 

Les candidats doivent se soumettre à un examen médical et psychologique. Car à Concordia, les conditions sont particulièrement hostiles avec une température moyenne de -63°C en hiver et -30°C en été, et une nuit continue pendant l’hiver austral.
 

Mille euros pour les volontaires

«Il y a le métier mais il y a aussi tous les à-côtés. Tout le monde participe à la vie de la base», précise Anne 
Savary, chargée de recrutement à l’IPEV  . Le tout pour une rémunération allant d’à peine mille euros net pour les services civiques... à plus de 5000 euros brut pour les contrats à durée déterminée (cuisinier, mécanicien, électricien, etc.). «Sur ce genre de mission, la motivation financière ne tient pas la route», assure Mme André-Le Marec. Cet aspect a pourtant été le déclencheur, en juin dernier, d’une fronde d’hivernants en service civique, qui ont vu leur paie fondre, à la suite d’un redressement obligeant l’IPEV  à prélever des cotisations sociales. «Dans nos contrats, il était bien précisé que l’indemnité à laquelle nous avions droit serait de 1 024 euros, sans prélèvement de charges», assure Julie (elle n’a pas donné son nom), naturaliste de 28 ans, qui a accosté sur l’archipel Crozet en novembre dernier.

Or fin juin, un mail adressé aux volontaires leur a annoncé que leurs indemnités mensuelles seraient réduites, passant «à 850 euros jusqu’en octobre puis 950 euros» jusqu’à la fin de leur contrat, détaille la jeune femme.
Trente-sept d’entre eux ont chargé un avocat de mettre en demeure l’Institut polaire pour obtenir un statut de salarié. «On n’a pas fait d’irrégularité, on est dans les clous», rétorque Yan Ropert-Coudert, directeur de l’institut, assurant avoir «rétabli le dialogue pour essayer de trouver des solutions aux revendications». Mais «si jamais les VSC (volontaires en service civique) s’arrêtent, c’est terminé : il n’y a plus de recherche française en Antarctique, dans les milieux polaires et subpolaires», prévient-il.

La marge de manœuvre est limitée pour l’institut, dont le budget (18 millions d’euros en 2022) est plombé par la flambée des prix du fioul.

En attendant, le travail dans les pôles «continue à faire rêver», assure M. Ropert-Coudert, qui dit recevoir «600 à 700 candidatures» pour des VSC chaque année.  
 

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