Spectacle de «Mouss et Hakim» à l’IF Oran : Des hommages multiples pour une ambiance d’enfer

19/06/2023 mis à jour: 02:06
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C’est ce qui caractérise la soirée musicale organisée à l’IFO samedi soir et animée principalement par le duo Mouss et Hakim, deux anciens membres du groupe toulousain (France) Zebda. En effet, mis à part deux ou trois titres, tout le reste du répertoire interprété à cette occasion concerne un ensemble de reprises de divers horizons. 

Sans doute un choix compte tenu du contexte et du public local. Néanmoins, cette diversité confère à la prestation une richesse rythmique indéniable rehaussée par un choix instrumental pertinent alliant tradition et modernité avec l’introduction de l’accordéon, du violoncelle et, occasionnellement, du mandole, de la derbouka ou du bajon, etc.pour soutenir les sonorités électriques ou électroniques et d’où transparait le style propre du groupe. L’ambiance est d’enfer et le public s’est donné à cœur joie. L’entame s’est faite avec des  chansons de leur dernier album estampillé Mouss et Hakim et intitulé les «Darons de la Garonne», sorti en 2021. 

En plus du texte déclamé du titre «les bottes de banlieue» que Claude Nougaro (1929-2004)  a écrit spécialement pour eux au détour d’une rencontre, le public a pu se déhancher sur les rythmes proches du reggae de cette chanson-ci mais aussi sur celui du «saut de l’ange», extrait du même album par lequel ils rendent un hommage au célèbre chanteur français, leur ancien voisin. A noter à ce propos  la très belle reprise du titre « Nougayork », extrait de l’album éponyme qui a relancé la carrière de la star toulousaine en 1987.  «Dès l’aérogare / J’ai senti le choc/ Un souffle barbare/Un remous hard-rock (…) ».   Les solos de guitare et les cuivres remplacés par de l’électronique n’a pas déteint sur la qualité de la reprise revisitée de manière plus saccadée et tout aussi rock qui colle bien aux intonations du texte. 

Le titre Oualalaradime (je jure) renvoie quant à lui à la période du groupe Zebda et son âge d’or, un titre bien rythmé en même temps magnifié par l’accordéon. Pour le reste, les influences sont multiples mais, pour ce spectacle-là, le fond reste l’intérêt accordé à la chanson algérienne. Un ensemble d’hommages pour plusieurs artistes aujourd’hui tous décédés à des périodes plus ou moins lointaines. Comme le reste des anciens membres de leur ancien groupe, les frères Mouss et Hakim ont grandi dans les quartiers populaires de Toulouse,  certains étant issus de l’immigration. Et pour eux, introduire une chanson sur l’exil était une évidence. 

Quoi de mieux que la «Maison blanche» de Cheikh El Hasnaoui (1910-2002) qui dépeint ici l’affluence pour le départ, la Maison blanche (Dar el Beida) renvoyant directement à l’aéroport d’Alger à une certaine époque.

Ce chanteur algérien concentre sur lui toute cette symbolique car doublement exilé. Une première fois pour un aller sans retour en France métropolitaine et une seconde fois pour la lointaine Saint pierre de la Réunion où il s’installera jusqu’à sa mort. L’autre grande figure de l’immigration à qui le duo a tenu à rendre hommage car très respecté par l’ancienne génération, notamment leur propre père, n’est autre que Slimane Azem (1918-1983), décrit comme «un grand fabuliste», en référence à ses allégories sur l’état du monde mais aussi sur celui de son pays à son époque. 

Du célèbre Dahmane el Harrachi (1926-1980) ils puisé un titre dédié à la capitale Alger.«Toutes les villes sont des capitales pour ceux qui y vivent! Oran Toulouse, etc. », ironisent-ils 

Le duo chante indifféremment d’abord en français, leur première langue pour ne pas dire maternelle, mais aussi en arabe et en langue amazighe avec un accent toulousain par ailleurs.  Au voyage linguistique le public a eu droit à un voyage musical avec le titre « chahlatlaayani» qui «est à l’origine une chanson latino américaine qui a été ramenée en Algérie puis elle partie en France, à Toulouse pour revenir ce soir à Oran», déclarent les interprètes au milieu de l’ambiance. 

Une des autres chansons performée est d’ascendance italienne et elle représente aujourd’hui encore un hymne international à l’engagement et à la résistance, Bella ciao, une chanson des saisonnières italiennes dénonçant leur condition de travail au début du 20ème siècle. 

La chanson est Reprise par le groupe dès 1997 dans le cadre de l’album les Motivés. Le duo considère que cette œuvre est toujours d’actualité et elle est dédiée à «tous les peuples qui revendiquent leurs droits.»  Un hommage particulier a également été rendu au célèbre Idir (1949-2020), via une des chansons (Es-sendou), extrait de son tout premier album, une chanson mélodique qui a donné l’occasion a la violoncelliste, Lucie, le seul membre féminin du groupe, d’exprimer un pan de son talent, ce qui lui a valu d’être ovationnée. 

C’est par ailleurs avec une autre chanson du même artiste que le duo va clôturer son show «awahawah», extrait du deuxième album studio et qui est resté relativement méconnu. Un autre titre de la série des chansons algériennes concerne «gatlato», une composition propre du chanteur non moins talentueux et célèbre Djamel Allam (1947-2018) s’inspirant du genre «chaabi» et extrait de son troisième album (Si Slimane). Son nom n’a pas été évoqué lors du spectacle de la série des hommages, sans doute un oubli. 

Le premier groupe qui a assuré la première partie du spectacle, Rahala formé en 2014, n’a, lui, performé que des reprises, notamment de Khaled, accessoirement de Raina rai  à quoi il faut ajouter  l’éternel titre «Ghomari» dédié au genre «gnaoui». Histoire de faire le tour de la question avec, lancé à l’égard du public, un «merci pour l’énergie».

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