Sortie aujourd’hui du Tome 1 des Mémoires d’Abdelhafidh Yaha chez Koukou : Le récit sans complaisance du commandant de la Compagnie du Djurdjura

04/07/2022 mis à jour: 22:03
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Les Mémoires du grand baroudeur, Abdelhafidh Yaha, intitulés Au cœur des maquis de Kabylie (1948-1962), Mon combat pour l’indépendance de l’Algérie, ressortent aujourd’hui en librairie, annonce l’éditeur Arezki Aït Larbi. La grande moudjahida, Djamila Bouhired a écrit la préface. Au vitriol.

Les Mémoires d’Abdelhafidh Yaha ressortent aux éditions Koukou. Recueillies par le journaliste Hamid Arab, ils nous replongent dans la vie d’Abdelhafidh Yaha, officier de l’ALN en Wilaya III et l’un des cofondateurs du FFS. 

Natif de Takhlidjt Ath Atsou (Iferhounène, Tizi Ouzou), Yaha évoque avec force détails son long parcours, d’abord au sein du PPA-MTLD, ensuite dans les rangs de l’ALN, dont il était l’un des officiers les plus respectés. Très tôt engagé dans les Scouts musulmans algériens (SMA), il est dans le groupe rameuté par la direction locale du PPA pour accueillir Messali Hadj en visite en mars 1947 à Michelet (actuel Aïn El Hammam).

«J’allais sur mes 14 ans. Ce jour-là, j’étais parmi les jeunes scouts qui avaient constitué une haie d’honneur au leader. De mémoire d’adolescent, je n’ai jamais vu autant de personnes réunies en un même lieu», raconte-t-il dans le tome 1 de ses Mémoires épuisés depuis longtemps. Le jeune Yaha émigre en France, où il s’installe avec son père à Charleville-Mézières, dans les Ardennes.

Dans cette ville ouvrière, il intègre une cellule locale du parti indépendantiste. Militant actif, il raconte une scène horrible qui l’a marqué : des Algériens sont jetés à la rivière en 1952, bien avant les massacres d’Octobre 1961. De retour au pays, en 1954, il s’attelle à tisser un réseau de connaissances au niveau des archs (tribus) des Illilten, Illoulène et Ath Itsoura. Commandant de la Compagnie du Djurdjura, Yaha parle avec franchise des événements de la guerre de Libération, même les plus douloureux. Le tome 1 de la seconde édition publiée par Koukou est préfacé par Djamila Bouhired.

L’héroïne de La Bataille d’Alger regrette que pour les «nouvelles générations, nourries aux mensonges des faussaires de la mémoire et au révisionnisme des resquilleurs de l’Histoire, il est difficile d’imaginer un tel engagement pour un idéal, un tel défi quotidien à la mort pour vivre dans la liberté et la dignité». Pour la moudjahida, dans le récit de Yaha, le mot «révolution» prend tout son sens : «On y découvre des hommes – et des femmes – d’une droiture exemplaire, d’une intégrité à toute épreuve.

Il raconte également, avec pudeur mais sans complaisance, ce côté obscur de la lutte – comme la bleuite – et ses inévitables dérives, parfois sanglantes, qui ont emporté dans la tourmente d’irréprochables maquisards». Connue pour son franc-parler, Bouhired regrette qu’au moment «où le pays célèbre le soixantième anniversaire d’une indépendance chèrement acquise, force est de constater que le serment des martyrs pour libérer le citoyen de la peur et de la misère en lui rendant sa dignité bafouée a été trahi».

Preuve de cette trahison : «Après 60 années d’indépendance, des dizaines d’Algériennes et d’Algériens croupissent dans les prisons pour avoir clamé leur amour de la patrie et leur ardent désir de la servir pour y vivre en citoyens libres. Après 60 années d’indépendance, il ne reste de la Révolution, de ses épopées, de ses sacrifices, et de ses rêves de liberté et d’émancipation citoyenne qu’une pitoyable caricature.»

«Retardataires de la Guerre de libération»

La grande moudjahida ne s’empêche pas de lancer des piques acérées aux «retardataires de la guerre de Libération» et autres «professionnels du patriotisme». «Les retardataires de la guerre de Libération, qui tentent encore d’entretenir une guerre virtuelle contre la France, ennemi d’hier et d’aujourd’hui, disent-ils, les professionnels du patriotisme rentier qui ont fait de la Révolution un registre de commerce et des chouhada le bouclier de leurs turpitudes, ont fini par tomber le masque ; à la retraite, ils se sont repliés dans leur patrie de rechange, en réalité leur patrie de toujours protectrice de leurs biens mal acquis.»

Elle poursuit : «Dans l’opération de falsification en cours, faux dévots et maquisards du 19 mars se sont ligués pour outrager l’histoire et légitimer ainsi une idéologie totalitaire, liberticide, au nom de prétendues valeurs civilisationnelles.» Bouhired reparlera de l’épisode du Mouvement populaire et de la jeunesse qui a retrouvé dans l’Histoire le sens de son désir d’avenir : «Six décennies plus tard, la jeunesse, qui a renoué avec la gloire de ses aînés, a étonné le monde par son courage et sa détermination face à l’adversité.

Malgré les chausse-trappes des patriotes du journal télévisé, le hirak a retissé des liens, réinventé la fraternité, et consacré l’Algérie plurielle dans le respect de toutes ses composantes. Pour réconcilier Novembre et la Soummam que d’aucuns voudraient opposer pour prolonger leur oppression, Février 2019 a convoqué les héros de la nation effacés des tablettes officielles pour éclairer les chemins de la liberté. En revendiquant Ben M’hidi, Abane, Hassiba, Taleb Abderrahmane, Amirouche, et tant d’autres héros comme étendards de ses rêves contrariés et de ses libertés à reconquérir, la jeunesse en lutte a retrouvé dans l’Histoire le sens de son désir d’avenir.»

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