Sommet du G20, mondialisme et sentiment de vide

04/03/2023 mis à jour: 06:07
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Depuis la chute du mur de Berlin et, par extension, la mise au placard du communisme et la relégation de l'Union soviétique, une arrogance têtue s'est emparée de l'Occident, fort de sa puissance économique, qui le prédisposait, pensait-il, à se sentir dépositaire du destin planétaire, comptable (pas sûr), mais (sûrement pas), artisan de l'émancipation universelle. On l'a encore constaté cette semaine, où le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères, M. Blinken, s'est comporté comme un chef incontestable au-dessus de la mêlée en sommant son homologue russe M. Lavrov «d'arrêter la guerre». Quelle guerre ? Puisque celle-ci est perçue par ce dernier comme une «simple opération militaire spéciale». Déjà, au niveau de la sémantique, il y a un océan qui sépare les deux diplomates, tous deux droits dans leurs bottes, intransigeants sur leurs principes.

L'Inde, pays hôte de cette réunion du G20, qui se voulait l'intermédiaire entre la Russie, l'Occident et les pays du Sud, avait souhaité que sa présidence cette année se concentre sur des questions telles que la réduction de la pauvreté et le réchauffement climatique, n'a pas été entendue, la guerre en Ukraine ayant quasiment éclipsé les autres points de l'ordre du jour. «Nous devons tous reconnaître que le multilatéralisme est en crise aujourd'hui», avait asséné plus tôt le Premier ministre indien, Marendra Modi. Ainsi, le résultat de la réunion de Bengalore, l'indienne, rappelle celui du sommet du G20, de novembre dernier, à Bali, qui avait vu l'Indonésie publier également une déclaration finale mentionnant les divergences entre les membres.

Mis en place pour mieux faire face aux crises économiques, le G20 a de plus en plus de mal à parvenir à un consensus à chacune de ses réunions. Jeudi, la Chine a de nouveau rejoint la Russie et refusé de signer le communiqué commun à l'issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères. Les deux pays ont fait part de leur opposition à un paragraphe exigeant «le retrait complet et inconditionnel de la Russie du territoire de l'Ukraine», selon un résumé des discussions du G20 publié par la Présidence indienne. La Russie souhaitait, par ailleurs, inscrire dans le document «la nécessité» d'une enquête impartiale après les explosions qui ont endommagé, en septembre dernier, les gazoducs russes Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique. Par ailleurs, le communiqué comporte une menace à peine voilée de Blinken, qui a déclaré : «Si la Chine s'engageait dans un soutien matériel et létal à l'agression de la Russie, ou si elle s'engageait dans le contournement systématique des sanctions pour aider la Russie, ce serait un grave problème pour nos pays.» Comme on le constate, de nouveau l'Occident se comporte comme s'il refoulait son propre désarroi, ignorant le vide dont il se sait porteur. Vide que le théologien protestant Jacques Ellul avait appelé «l'idéologie du Néant». «Qu'y a-t-il donc au cœur de cette société bourgeoise ? Y a-t-il seulement un cœur ? Y a-t-il un point vital dont la pulsation assure à l'ensemble une vie autre qu'apparente ? Qu'attendre ? Un phénomène nouveau me paraît d'une gravité profonde : l'apparition de ce que l'on peut appeler maintenant l'idéologie du néant. Celle-ci ne serait-elle qu'un accident bientôt effacé, comme tant d'autres dans la dure concurrence de l'expansion de ce monde, ou bien, son affleurement, nous révèle-t-il une réalité cachée, plus profonde ?»

L'idée que l'Occident est sorti de sa mauvaise conscience et qu'il a rompu avec la haine de soi qui le tenaillait après les massacres hitlériens, Hiroshima, le grand péché colonial et les guerres qui ont semé la désolation depuis les années 1970, au Cambodge, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, aux Balkans, Salvador, Nicaragua, Panama, en Libye, etc., ne serait-elle qu'une illusion ?

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