Sidi Ahmed Ghozali au forum d’El Moudjahid : «Rien n’est possible dans un pays, quel qu’il soit, s’il n’y a pas de justice»

22/02/2024 mis à jour: 02:22
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Photo : D. R.

Intervenant au forum, l’ancien chef de gouvernement et premier PDG de Sonatrach Sid Ahmed Ghozali a affirmé : «Dites à un peuple la vérité, il pourra se tromper 100 fois mais tout seul, il reprendra le chemin, dites-lui un mensonge et c’est son esprit critique que vous aurez détruit. Donc, pour moi, le meilleur moyen d’aider le pouvoir politique, c’est d’informer.»

Le quotidien El Moudjahid et l’association Machaâl Echahid ont organisé, hier au siège du journal, une conférence sur le 53e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, animée par l’ancien chef de gouvernement Sid Ahmed Ghozali.

Le 24 février 1971, le président Houari Boumediène annonçait aux cadres syndicaux de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) sa décision de nationaliser l’industrie des hydrocarbures. Cette prise de contrôle par l’Etat de l’infrastructure de transport et de production, ainsi que de 51% des actifs des entreprises pétrolières françaises entraîne, à l’époque, un renversement des rapports de force entre anciens colonisateurs et anciens colonisé.

En prenant possession du pétrole et du gaz du Sahara, les Algériens ont accédé à des ressources qu’ils voulaient mettre au service des projets de développement du pays. Qualifiée de «nouveau 1er Novembre démocratique», allusion au 1er Novembre 1954, date du déclenchement de la Guerre de libération, cette nationalisation a pris de court les sociétés pétrolières françaises, qui considéraient le pétrole algérien comme une chasse gardée. La France a commis une erreur d’appréciation en pensant que les Algériens étaient incapables d’assurer par eux-mêmes l’exploitation et la gestion des hydrocarbures.

Pour Sid Ahmed Ghozali, «la préparation de cet événement a duré 10 ans, ce n’est pas un acte idéologique mais un acte de développement. Nous étions souverains dans nos bureaux mais sur les champs pétroliers, nous étions des étrangers. Même le président Boumediène n’est pas allé sur ces champs. C’est le président Ben Bella qui a inauguré en son temps le Centre africain des hydrocarbures.

A l’époque, on était une cinquantaine d’ingénieurs et aujourd’hui, il y en a des centaines de milliers». Pour l’ancien chef de gouvernement et celui qui a été le premier DG de Sonatrach, il s’agit de tirer les enseignements de cet événement dans un contexte mondial et régional très particulier.

«Les leçons à tirer du 24 février, ce n’est pas de faire ce qu’on a fait car les conditions étaient très différentes. Mais nous devons retrouver cette âme qui était prédominante. Les modalités techniques changent avec le temps.

Il faut éclairer les gens sur les enjeux. Aucun gouvernement ou autorité politique ne pourra réussir sans la participation de la société. Les citoyens feront le lien entre leurs intérêts personnels et l’intérêt général. Nous avons besoin de tirer les enseignements du passé au profit du présent et de l’avenir.»

«Union sacrée»

Pour affronter les défis, il faut se baser sur «le sentiment d’un destin commun qui existe depuis 2000 ans dans cette région. Nous sommes des Africains, des Afro-Berbères que l’islam a arabisés beaucoup plus anciennement que les Français. C’est ce qui me pousse à lancer un appel aux Algériens pour revenir à l’union sacrée». Notre intérêt, dira-t-il, «est dans l’équilibre des forces pour assurer la stabilité.

Dites à un peuple la vérité, il pourra se tromper 100 fois mais tout seul, il reprendra le chemin, dites-lui un mensonge et c’est son esprit critique que vous aurez détruit. Donc, pour moi, le meilleur moyen d’aider le pouvoir politique, c’est d’informer».

Pour lui, «la question pétrolière est vitale parce que c’est avec ça que nous vivons, voyons les chiffres : 99% des importations sont financés par le pétrole. Ce n’est pas normal, 75% du budget de l’Etat sont financés par le pétrole à cause de mauvais choix politiques passés dans des situations d’insécurité sur le plan économique. Nous n’avons pas créé le pétrole et il va s’épuiser».

La gouvernance a ses règles, met-il en exergue. «Pour moi, les instruments de la gouvernance, c’est quatre secteurs : la justice, la sécurité, l’éducation et la régulation économique. Sans ces quatre instruments, il est impossible d’avancer. Ne parlons pas de démocratie, ce sont des mots creux mais d’Etat de droit. Rien n’est possible dans un pays, quel qu’il soit, y compris l’Algérie, s’il n’y a pas de justice.

On peut parler de liberté d’expression, et alors, qu’est-ce qui la garantie ? C’est la justice. Idem pour la propriété. Il faut faire un pacte avec les juges. Il faut que les gens sachent, l’extérieur, notamment nos voisins de gauche.

On ne peut pas toucher à l’Algérie, on ne peut pas toucher à l’armée sans marcher sur le ventre du peuple. Les Etats-Unis par exemple, avec leurs forces, ne peuvent rien contre un pays où le peuple protège l’armée et l’armée protège le peuple.»

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