Si dès le début de l’épidémie de l’infection VIH/sida, l’Algérie s’est investie dans la riposte au sida de façon volontariste et déterminée à travers un engagement politique régulièrement réaffirmé et traduit par un financement conséquent avec plus de 95% du budget alloué par le Trésor public qui garantit, à titre gratuit et universel, toutes les prestations, certains tabous persistent, ce qui dissuade beaucoup de personnes à se faire dépister. C’est pourquoi les spécialistes estiment important que les facteurs sociaux soient pris en compte dans les stratégies de prévention et de sensibilisation, afin de créer un environnement où les personnes se sentent soutenues et en sécurité pour se faire dépister et suivre un traitement. Explications !
En Algérie, le VIH/sida est une maladie à faible prévalence dans la population générale, mais il est concentré au sein des populations dites clés, identifiées dans le Plan national stratégique comme prioritaires pour les interventions de prévention, affirme tout d’abord Othmane Bourouba, président de AIDS Algérie.
A savoir que ces populations incluent les professionnels du sexe (PS), les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les usagers de drogues injectables (UDI). «Ces groupes, souvent marginalisés et particulièrement vulnérables, constituent un réservoir important de l’épidémie», explique M. Bourouba. Ils peuvent, selon lui, jouer un rôle de «populations ponts», susceptibles de transmettre le VIH à la population générale à travers leurs interactions.
C’est pourquoi il estime que cette situation nécessite des efforts spécifiques et adaptés pour renforcer les actions de prévention, de dépistage et de prise en charge, tout en réduisant les barrières sociales et la stigmatisation qui compliquent leur accès aux services de santé. En termes de chiffres, M. Bourouba affirme que depuis 1985, environ 24 000 personnes vivant avec le VIH ont été identifiées en Algérie. «Cependant, les estimations actuelles suggèrent qu’il y aurait entre 26 000 et 28 000 cas», poursuit-il.
Affirmant au passage que ces chiffres ne représentent que la partie visible de l’iceberg. La raison : «une grande partie des personnes vivant avec le VIH n’ont probablement pas encore été dépistées». Cela s’explique en partie, selon lui, par le fait que de nombreuses personnes découvrent leur statut à un stade tardif de la maladie, ce qui complique leur prise en charge et augmente les risques de transmission.
M. Bourouba affirme par ailleurs que près de la moitié des personnes vivant avec le VIH sont des femmes, ce qui souligne la nécessité de cibler particulièrement ce groupe dans les efforts de prévention et de dépistage. «Par ailleurs, moins de 200 enfants naissent chaque année avec le VIH, ce qui démontre des progrès qui restent à accomplir dans la prévention de la transmission mère-enfant», poursuit-il.
Ces données mettent en évidence, selon lui, l’urgence de renforcer les efforts de dépistage précoce et ciblé, en particulier parmi les populations-clés et les groupes vulnérables, pour améliorer la détection, l’accès rapide au traitement et limiter les risques de transmission.
«S’il est vrai que la prévalence du VIH/sida en Algérie est faible dans la population générale, elle est néanmoins concentrée dans des populations-clés», affirme Othmane Bourouba. Selon lui, la prévalence est de 1,1% chez les usagers de drogues injectables (UDI), 4,4% chez les PS et 14,4% chez les HSH. Ces données montrent, selon M. Bourouba, que l’épidémie est particulièrement présente dans ces groupes vulnérables. «Cependant, il est important de noter qu’il y a une évolution des nouvelles infections depuis 2019/2020, avec une augmentation de plus de 2000 cas en 2023», soulève-t-il.
De son avis, cette tendance à la hausse des nouvelles infections est «un signe que les efforts de prévention et de contrôle de l’épidémie n’ont pas encore réussi à inverser cette dynamique. Depuis 2019, ce sont plus de 2000 nouveaux cas qui ont été enregistrés, ce qui constitue une source de préoccupation», affirme-t-il.
A cet effet, Othmane Bourouba appelle à la prudence : «Il est crucial de ne pas oublier que les pays subsahariens ont commencé avec une situation similaire, avec une faible prévalence initiale, avant de connaître une explosion de l’épidémie.»
Par conséquent, il estime que l’Algérie doit rester vigilante et poursuivre ses efforts pour contenir l’épidémie, afin d’éviter une situation similaire. «La vigilance est de mise pour éviter une propagation incontrôlée du VIH dans le pays», conclut-il.
Et l’Etat n’a pas lésiné sur les moyens pour tenter de limiter les contaminations par le virus. «Effectivement, l’Etat a mis en place plusieurs programmes de prévention et de sensibilisation à travers différents intervenants de la réponse nationale, coordonnés par le Comité national de prévention et de lutte contre les IST/VIH/sida), qui regroupe plusieurs acteurs institutionnels (11 ministères) et associatifs (4 ONG thématiques)», affirme M. Bourouba.
Selon lui, ces actions sont détaillées dans le Plan national stratégique de lutte contre les IST/VIH/sida 2024-2028, qui couvre tous les aspects prioritaires de la réponse nationale, avec une attention particulière à la prévention d’une manière holistique, afin de réduire l’impact de l’épidémie en Algérie.
D’ailleurs, le Plan national stratégique de lutte contre les IST/VIH/sida (2020/2024) affirme que dès le début de l’épidémie de l’infection VIH/sida, l’Algérie s’est investie dans la riposte au sida de façon volontariste et déterminée, à travers un engagement politique régulièrement réaffirmé et traduit par un financement conséquent avec plus de 95% du budget alloué par le Trésor public qui garantit, à titre gratuit et universel, toutes les prestations, y compris le traitement ARV pour tous et une approche participative et multisectorielle qui a impliqué tous les acteurs gouvernementaux, la société civile et les partenaires au développement.
Dans ce sens, Soraya Alem, directrice d’ONUSIDA en Algérie, a affirmé, lors de la rencontre organisée à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le sida, que «l’Algérie a de tout temps été leader en matière de lutte contre le VIH/sida au niveau régional, consacrant depuis 1998 la gratuité de l’accès au traitement». En termes d’actions, on retrouve tout d’abord les campagnes de sensibilisation et de prévention.
Celles-ci sont, selon M. Bourouba, organisées dans plusieurs structures, notamment les universités, les résidences universitaires, les mosquées, ainsi que par le biais des médias et de la communication. «Ces campagnes ciblent la population générale, en particulier les jeunes, pour renforcer la prévention et lutter contre la stigmatisation», explique-t-il.
Ensuite, il y a les programmes de dépistage. En effet, pas moins de 68 centres de dépistage ont été mis en place à travers tout le territoire algérien, afin d’encourager le dépistage précoce et d’identifier rapidement les personnes vivant avec le VIH. On retrouve aussi les formations pour les intervenants.
Celles-ci sont dispensées à tous les acteurs impliqués dans la réponse au VIH, qu’ils soient institutionnels ou communautaires, pour garantir des pratiques adaptées et non stigmatisantes. «Des réglementations ont également été établies pour assurer une prise en charge optimale, notamment en matière de traitements, tout en garantissant que ces soins sont dispensés dans un environnement respectueux et non stigmatisant», poursuit M. Bourouba.
Toujours en termes d’actions menées par l’Etat, il y a les centres de prise en charge. Ces centres offrent non seulement des services de traitement aux personnes vivant avec le VIH, mais jouent également un rôle essentiel dans la prévention à travers la réduction de la charge virale.
«Le principe U=U (Undetectable = Untransmittable, soit indétectable = intransmissible) est largement promu, ce qui signifie qu’une personne vivant avec le VIH et ayant une charge virale indétectable ne peut pas transmettre le virus à ses partenaires», explique M. Bourouba. Selon lui, ces actions montrent un engagement national pour la prévention, la détection précoce et l’accès à des soins de qualité, dans le but de réduire l’impact du VIH/sida en Algérie.