Si El Hachemi Assad. Secrétaire général du HCA : «Notre pays célèbre de manière éclatante le nouvel an amazigh»

12/01/2025 mis à jour: 19:54
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Photo : D. R.
  • Le HCA organise la célébration officielle nationale du nouvel an amazigh dans la wilaya de Timimoun. Pouvez-vous nous dire comment ces festivités peuvent-elles contribuer à la promotion  de tamazight ?

Notre fierté est de constater que notre pays célèbre de manière éclatante les festivités du Nouvel an amazigh, sans tabou et avec un élan populaire remarquable qui couvre l’ensemble du territoire national. Le sens profond d’une telle célébration dans son algérianité familiale la plus festive est d’enraciner Yennayer comme un héritage vivant, un patrimoine partagé et un symbole géographique généré forcément par la même matrice ethnolinguistique, ce qui explique le sentiment national très fort des Algériens vis-à-vis de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale.

Sur un plan sociétal, c’est une expression patriotique forte de l’unité du peuple et d’une nation attachée à un ensemble de repères qui assurent la continuité spatiotemporelle dans ce qu’il est convenu d’appeler le socle commun national des références identitaires algériennes, profondément travaillées par l’histoire et l’homme de l’Algérie. Cette dernière réflexion sur le socle commun des références identitaires est inscrite dans le programme de célébration officielle de Yennayer à Timimoun, dans le cadre d’une journée d’études.

Tout ceci pour dire que cette fête, typiquement algérienne, s’inscrit comme une célébration officielle, consacrée par l’Etat depuis 2017, et consolidée par le Prix du Président de la République en 2020, a renforcé son caractère scientifique compétitif dans les secteurs académique, pédagogique et de recherche, dans le but de mettre en place un véritable chantier pour la promotion de la langue et culture amazighe.

A cet égard, le prix d’excellence dédié à tamazight a été institué et est devenu un événement annuel. Le Prix est célébré le jour du Nouvel an amazigh et toute la symbolique politique et éclairée des hautes autorités témoigne d’un engagement sincère envers cette dimension structurante de l’identité de tous les Algériennes et Algériens.

C’est pourquoi aussi, depuis cinq ans, nous célébrons cette occasion d’une manière grandiose dans différentes régions du pays, ce qui témoigne de la dimension nationale de tamazight, de l’engouement et de l’adhésion de divers partenaires institutionnels et associatifs ainsi que de larges segments de la société. L’objectif est de renforcer l’idée que cette diversité culturelle et sa richesse constituent un élément clé pour consolider la cohésion sociale et renforcer l’unité nationale.

  • Dans le programme de cette célébration figure, depuis 2021, la remise du Prix du Président de la République de la littérature et de la langue amazighe. Quels sont les résultats obtenus depuis le lancement ce prix et comment les œuvres des participants à cette compétition contribuent-elles aussi à la promotion de la langue amazighe ?

Depuis le lancement du concours, au cours des cinq éditions, nous avons enregistré 695 œuvres réparties sur les quatre axes de la compétition, toutes conformes au règlement intérieur. A mon humble avis, cela constitue un succès et témoigne de l’engouement de certains Algériens et Algériennes  qui travaillent pour la promotion de notre langue nationale et officielle. Cela montre également un intérêt annuel pour toutes les variantes de notre langue.  De plus, nous avons enregistré avec grande satisfaction la qualité des œuvres primées qui sont publiées grâce aux efforts de notre institution.

Ne pas laisser ces travaux en friche ou enfouis est, en soi, une œuvre utile qui donne davantage de visibilité aux lauréats, tout en contribuant de manière significative à la promotion de notre langue, puisque ces œuvres sont distribuées dans les départements universitaires de langue et cultures amazighes et mises en ligne publiquement et gratuitement sur une plateforme numérique dédiée au contenu linguistique, littéraire et technologique de ces productions primées.

  • Souvent vous évoquez, dans vos interventions, la question de l’enseignement de Tamazight. Peut-on connaitre les difficultés rencontrées dans sa généralisation et quelles sont les mesures prises justement pour surmonter ces obstacles ?

Pour faire court, l’enseignement de tamazight est désormais une réalité dans l’école algérienne, et c’est un acquis majeur dont nous sommes fiers. Il convient de le renforcer en privilégiant la concertation avec les acteurs du secteur, loin de toute surenchère, quelle qu’elle soit, et dans un esprit de sérénité et d’engagement patriotique. L’Etat est pleinement engagé dans cette démarche de promotion de notre langue, et ce, ne sont pas les problèmes pédagogiques ou bureaucratiques qui remettront en cause cet acquis.

De plus, nous sommes déterminés à prendre des initiatives pour contrer ceux qui exploitent ces situations pour propager de la propagande ou diffuser des idées de discrimination. Notre pays est un pionnier dans ce domaine, et aujourd’hui, tamazight n’est plus une carte de pression ou de chantage que certains cercles, qu’ils soient internes ou externes, peuvent utiliser.

La place de tamazight, ainsi que les autres constantes de la nation, est désormais clairement établie et définitivement protégée par la constitution de novembre 2020. Il est important de comprendre aussi le sens du plaidoyer constant de notre institution. Nous travaillons dans une perspective de généralisation graduelle d’ici 2038, mais cela, bien entendu, dépend de la mise en place d’une concertation et d’une coordination avec le secteur de l’éducation nationale.

Sur le plan politique général, nous sommes dans un processus qui confirme que généraliser ne signifie pas précipiter les choses. Dans le domaine des politiques linguistiques et éducatives, il faut avoir et garder le sens de la mesure. La précipitation est contre-productive et la généralisation est consubstantielle à l’accumulation des savoirs académiques et à la formation des élites dans ce domaine.

Cependant, des difficultés sur le terrain liées à cette opération d’enseignement-apprentissage sont signalées ici et là. Ces problèmes, en grande partie dus à des raisons endogènes, proviennent de facteurs extra-scolaires, souvent liés à la prégnance, pas souvent visible mais encore tenace de certaines visions politiques et idéologiques, ainsi qu’à l’opposition de cercles hostiles à la promotion de tamazight, ce qui, il faut le souligner, est contraire à la constitution.

Depuis 2019, nous avons constaté un recul dans certaines régions, alimenté par des hostilités qui utilisent comme argument le caractère facultatif de cette langue. Notre conviction demeure inchangée : il est impératif de remettre en question ce point essentiel et d’expliquer au ministre de l’Education nationale pourquoi toutes les matières d’enseignement sont obligatoires, y compris les langues étrangères, à l’exception de la matière tamazight. Cette aberration doit absolument trouver une solution, et seule l’initiative du secteur concerné peut faire évoluer la situation.

Nous plaçons notre entière confiance en l’actuel ministre qui saura trouver la clé pour déverrouiller ce blocage et permettre une avancée significative dans la promotion de notre langue, tant au sein des établissements scolaires de toutes les wilayas que dans les trois paliers de l’enseignement. A ce jour, la dimension nationale de cet enseignement n’est pas pleinement atteinte, ce qui constitue un défi majeur. C’est précisément cet objectif politique de généralisation, en adéquation avec la Constitution, qui vise à garantir l’implémentation effective de tamazight à l’échelle nationale.

  • Dans quelques mois, le HCA bouclera sa 30e année depuis sa création. Pouvez-vous nous parler des défis qui attendent votre institution ?

Cette année marque le début de la troisième décennie de notre institution qui a accompli de nombreuses réalisations dans divers domaines liés à ses missions. Nous avons évolué positivement grâce au soutien politique des pouvoirs publics, mais également grâce à l’engagement de l’équipe de fonctionnaires qui la compose. Je suis fier de mon équipe qui m’accompagne dans l’accomplissement de cette noble mission au service de notre cher pays, avec un profond engagement patriotique. Notre reconnaissance va également aux hautes autorités du pays qui nous apportent un soutien sans faille dans la réalisation de nos missions.

Cependant, personne ne saurait occulter les problèmes structurels auxquels nous faisons face. Notre institution doit évoluer, car le contexte dans lequel elle a été créée n’est plus le même. De nombreux défis demeurent, et il est désormais nécessaire de réviser et d’adapter les textes et l’organigramme aux nouvelles réalités.

Cela inclut la prise en charge des problématiques liées à la sécurité identitaire, à une meilleure didactisation d’un domaine de langue laissée confinée dans son statut d’oralité pendant des milliers d’années, à une politique de recherche plus poussée ciblant toutes les variantes linguistiques sur tout le territoire national comme le stipule la Constitution ainsi que l’établissement logique intersectorielle avec les différents départements ministériels et les institutions œuvrant pour la promotion de tamazight, mais placées sous la tutelle d’autres entités. Malgré ces défis, les résultats obtenus sont tangibles et porteurs d’espoir.

Notre bilan est riche en réalisations concrètes, à la fois par des actions menées sur l’ensemble du territoire national et par des productions : ouvrages et publications de qualité sur divers thèmes liés à notre mission. Sur le plan interne, nous avons œuvré à l’aménagement de notre siège pour en faire un véritable espace de rayonnement, de conservation, de classement et d’exploitation de documents en rapport avec notre mission.

Cet espace est aujourd’hui au service des chercheurs, des associations et des citoyens. Sur un plan macro, six départements universitaires en langues et cultures amazighes ont été créés : en 25 années, l’université algérienne a formé en licence / master / doctorat dans le domaine amazigh, 13 200 diplômés, dont une bonne partie est affectée à l’enseignement sur tout le territoire national.

La formation universitaire touche les contenus suivants : linguistique et didactique amazighe, langue / littérature / civilisation, lettres et patrimoine culturel touareg, dialectologie amazighe, anthropologie onomastique, traduction... Aujourd’hui, il est également primordial de coordonner, ou même de fusionner, avec l’académie algérienne de la langue amazighe, qui doit être réactivée dans le cadre de ses prérogatives importantes.

Cette institution joue un rôle-clé en plaçant la langue tamazight au centre du développement de la langue et en s’occupant de son aménagement et de sa normalisation. Sans aucun doute, nous sommes sur la voie d’un changement positif pour ce segment de l’identité nationale. Le président de la République positionnera tamazight sur cette voie, celle de sa promotion et de son développement, afin de renforcer son rôle et sa place au sein de notre société.

                                                                                             



 

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