Services bancaires mondiaux : La grande transition

23/10/2023 mis à jour: 00:02
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Photo : D. R.

Le secteur bancaire a dû suivre une trajectoire difficile au cours des dernières années, au cours desquelles les institutions ont dû faire face à une surveillance accrue, à l’innovation numérique et à de nouveaux concurrents, et ce, à un moment où les taux d’intérêt étaient à des niveaux historiquement bas.

Les derniers mois ont également apporté leur lot de bouleversements, notamment des problèmes de liquidité et quelques faillites bancaires. Mais d’une manière générale, un vent favorable semble être revenu dans les voiles de l’industrie. Les 18 derniers mois ont été la meilleure période pour le secteur bancaire mondial depuis au moins 2007, la hausse des taux d’intérêt ayant stimulé les bénéfices dans un environnement de crédit plus favorable.

C’est du moins ce qui ressort d’un nouveau rapport du cabinet conseil McKinsey portant sur la revue annuelle 2023 des services bancaires mondiaux. Intitulé «La grande transition bancaire», le rapport estime que les bénéfices des banques sont en hausse, grâce à la hausse des taux d’intérêt, mais les institutions financières du monde entier doivent se réinventer face à des changements structurels et macroéconomiques majeurs.

Cette récente reprise découle, selon les rédacteurs du rapport, de la forte hausse des taux d’intérêt dans de nombreuses économies avancées, «y compris une hausse de 500 points de base aux Etats-Unis».

La hausse des taux d’intérêt a permis une amélioration tant attendue des marges nettes d’intérêts, qui a fait grimper les bénéfices du secteur d’environ 280 milliards de dollars en 2022 et a porté le rendement des capitaux propres (ROE) à 12% en 2022 et à 13% en 2023, contre une moyenne de seulement 9% depuis 2010, a-t-on indiqué.

Et d’ajouter : «Au cours de l’année écoulée, le secteur bancaire a poursuivi son parcours d’amélioration continue des coûts : le coefficient d’exploitation a chuté de sept points de pourcentage, passant de 59% en 2012 à environ 52% en 2022 (en partie grâce à l’évolution des marges), et la tendance est également visible dans le coefficient d’exploitation (qui est passé de 1,6 à 1,5)».

Les experts de McKinsey indiquent aussi que la croissance du rendement des capitaux propres s’est accompagnée de volatilité au cours des 18 derniers mois. «Cela a contribué à l’effondrement ou au sauvetage de banques de premier plan aux Etats-Unis et à la prise de contrôle de l’une des plus anciennes et des plus grandes banques de Suisse. Les stars des dernières années, notamment les fintech et les acteurs de la crypto-monnaie, ont eu du mal à faire face à ce contexte», a-t-on expliqué.

Les transactions et les paiements ont pris de l’ampleur

A l’avenir, les rédacteurs du rapport évoquent 4 tendances mondiales qui vont influencer les perspectives des institutions financières. Premièrement, l’environnement macroéconomique a considérablement changé, avec des taux d’intérêt et des chiffres d’inflation plus élevés dans de nombreuses régions du monde, ainsi qu’une possible décélération de la croissance économique chinoise.

Un éventail inhabituellement large de résultats est soudainement possible, ce qui suggère que nous sommes peut-être à l’aube d’une nouvelle ère macro-économique, souligne-t-on. Deuxièmement, les progrès technologiques continuent de s’accélérer et les clients sont de plus en plus à l’aise et exigeants à l’égard des expériences axées sur la technologie.

En particulier, l’émergence de l’IA générative pourrait changer la donne, en augmentant la productivité de 3 à 5% et en permettant une réduction des dépenses d’exploitation comprise entre 200 et 300 milliards de dollars, selon les estimations du cabinet Conseil. Troisièmement, les gouvernements élargissent et approfondissent la surveillance réglementaire des institutions et des intermédiaires financiers non traditionnels, à mesure que le système macroéconomique est mis à rude épreuve et que de nouvelles technologies, de nouveaux acteurs et de nouveaux risques apparaissent.

Quatrièmement, le risque systémique est en train de changer de nature, car la montée des tensions géopolitiques accroît la volatilité et stimule les restrictions au commerce et à l’investissement dans l’économie réelle. Et c’est dans ce contexte que la dynamique future de la «Grande Transition» est cruciale pour l’ensemble du secteur bancaire, alors que les preuves de l’effet profond de la transition sur le secteur abondent, estime-t-on.

Et de citer, à titre illustratif, qu’entre 2015 et 2022, plus de 70% de l’augmentation nette des fonds financiers se sont retrouvées hors des bilans bancaires, détenue par des fonds d’assurance et de pension, des fonds souverains et des fonds de pension publiques, des capitaux privés et d’autres investissements alternatifs, ainsi que des investisseurs particuliers et institutionnels.

Cinq priorités pour les banques

Quelles que soient les évolutions macroéconomiques, les institutions financières devront s’adapter à l’environnement changeant de la «Grande Transition», en particulier aux tendances en matière de technologie, de réglementation, de risque et d’échelle. Les fusions et acquisitions peuvent prendre de l’importance. Alors que les institutions financières réfléchissent à la façon dont elles souhaitent changer, le rapport de McKinsey décrit cinq priorités qui, bien qu’elles ne constituent pas une liste exhaustive, peuvent servir de pistes de réflexion.

Il s’agit, en premier lieu, d’exploiter la technologie et l’IA pour améliorer la productivité, la gestion des talents et la fourniture de produits et de services. Cela inclut l’application de l’IA et de l’analytique avancée pour déployer l’automatisation des processus, les plateformes et les écosystèmes.

Parmi les autres principes associés à la réussite, le rapport cite le fait de fonctionner davantage comme une entreprise de technologie pour faire évoluer la livraison de produits et de services ; cultiver une architecture basée sur le cloud et orientée plateforme ; et l’amélioration des capacités de gestion des risques technologiques.

Le développement et le déploiement de technologies distinctives deviendront de plus en plus un facteur de différenciation essentiel pour les banques, souligne-t-on. En deuxième lieu, il s’agit d’assouplir et même dissocier le bilan.

La flexibilité implique l’utilisation active de la syndication, des modèles d’origine à la distribution, des bilans de tiers (par exemple, dans le cadre d’applications bancaires en tant que service) et un regain d’intérêt pour les dépôts. Comme troisième priorité, il s'agit de faire évoluer ou quitter l’activité transactionnelle. «L’évolutivité d’un marché ou d’un produit est la clé du succès, mais elle peut avoir de multiples facettes», estiment les rédacteurs du rapport.

Les institutions peuvent trouver un créneau dans lequel aller en profondeur, ou elles peuvent chercher à couvrir un marché entier. Les banques peuvent rechercher de manière agressive des économies d’échelle dans leurs activités de transaction, notamment par le biais de fusions et acquisitions ou en faisant appel à des partenaires pour les aider à sortir de l’entreprise.

La quatrième priorité est d’améliorer la distribution pour vendre aux clients et les conseiller directement et indirectement, notamment par le biais de la finance intégrée et des places de marché, et en offrant des conseils numériques et basés sur l’IA.

Et enfin, la priorité liée à l’adaptation à l’évolution des risques. En effet, et partout dans le monde, les institutions financières devront rester à l’affût de l’évolution constante de l’environnement des risques. Dans le contexte macro-économique, il s’agit notamment de l’inflation, de perspectives de croissance peu claires et de problèmes de crédit potentiels dans des secteurs spécifiques tels que l’exposition à l’immobilier commercial.

D’autres risques sont associés à l’évolution des exigences réglementaires, aux risques de cybersécurité et de fraude, ainsi qu’à l’intégration de l’analytique avancée et de l’IA dans le système bancaire. Pour gérer ces risques, les experts du cabinet conseil estiment que les banques pourraient envisager d’élever la fonction de risque pour en faire un véritable facteur de différenciation. 


 

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