Selon des documents officiels repris par le site Mediapart 17 Octobre 1961 : De Gaulle savait tout du crime d’Etat

08/06/2022 mis à jour: 00:10
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Le massacre du 17 octobre restera à jamais impuni, judiciairement et politiquement

De Gaulle connaissait l’ampleur du massacre du 17 Octobre 1961. C’est ce que révèlent des archives inédites de la Présidence française, publiées par le site d’investigation Mediapart, prouvant que le président français de l’époque, Charles de Gaulle, savait tout du crime d’Etat perpétré le 17 Octobre 1961 à Paris, où plusieurs dizaines d’Algériens avaient été tués lors de la manifestation. 

Selon les documents cités, le président français avait demandé par écrit que les «coupables» soient poursuivis, ce qui n’a jamais été fait. Mieux encore, le préfet Papon et les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont été maintenus en poste. Plusieurs décennies durant, la version française officielle indiquait qu’il y a eu, ce soir-là, deux morts «français musulmans d’Algérie» et «un mort français».
 

Grâce à un arrêté gouvernemental de décembre 2021, le média d’investigation en ligne Mediapart a eu accès à de nouvelles archives déclassifiées datant de l’automne 1961. Dans une première note révélée par le média d’investigation et reprise par l’AFP, le conseiller du général de Gaulle, Bernard Tricot, écrit, 11 jours seulement après les faits, qu’«il y aurait 54 morts». «Les uns auraient été noyés, les autres étranglés, d’autres encore abattus par balle. 

Les instructions judiciaires ont été ouvertes. Il est malheureusement probable que ces enquêtes pourront aboutir à mettre en cause certains fonctionnaires de police», explique le haut fonctionnaire au président de la République. 

Dans une seconde note datée du 6 novembre 1961, le même M. Tricot expose à Charles de Gaulle une «question d’ordre gouvernemental» : «Savoir si on se bornera à laisser les affaires suivre leur cours, auquel cas il est probable qu’elles s’enliseront» ou si les ministres de la Justice et de l’Intérieur de l’époque «doivent faire savoir aux magistrats et officiers de la police judiciaire compétente que le gouvernement tient à ce que la lumière soit faite». «Il importe beaucoup, semble-t-il, que le gouvernement prenne dans cette affaire une position qui, tout en cherchant à éviter le plus possible le scandale, montre à tous les intéressés que certaines choses ne doivent pas être faites et qu’on ne les laisse pas faire», poursuit Bernard Tricot. 

Sans décision de poursuites, il signale le risque de «laisser se développer dans la police un processus dont l’extrême danger s’est révélé au cours des dernières années dans d’autres formations». Cette seconde note est amendée au stylo bleu sur la partie gauche par le général de Gaulle lui-même, qui écrit : «Il faut faire la lumière et poursuivre les coupables» et «il faut que le ministre de l’Intérieur prenne vis-à-vis de la police une attitude d’autorité, qu’il ne prend pas». 

Aucune procédure à l’encontre de policiers n’a jamais été lancée. Les ministres de l’Intérieur, Roger Frey, et de la Justice, Bernard Chenot, ont été confirmés dans leurs fonctions, de même que Maurice Papon, qui a toujours nié quelque violence policière. En mars 1962, six mois seulement après les faits, une loi d’amnistie concernant tous les crimes et délits «en relation avec les événements d’Algérie» a été promulguée.
 

Dans une dernière partie, Mediapart s’attarde sur un rapport de décembre 1961, rédigé par le préfet de police de l’époque, Maurice Papon, et transmis au secrétariat général de l’Elysée. Celui-ci a nié jusqu’à sa mort les violences policières de ce soir-là. 
 

Dans le rapport, il s’attelle à décrédibiliser la parole des victimes qui ont porté plainte, les qualifiant de «convaincus de mensonges» par le FLN, qui aurait fait du «racolage» pour réunir tous ces signalements à la justice. Sur les actes de violence commis par la police, il écrit que leur «importance a été démesurément grossie», contredisant déjà à l’époque «l’étendue» des faits connus au sommet de l’Etat, toujours selon Mediapart. 
 

Il est à rappeler que le 17 Octobre 1961, quelque 30 000 Algériens ont manifesté pacifiquement à Paris à l’appel de la Fédération de France du FLN contre le couvre-feu qui leur était imposé. 

Le rassemblement, très sévèrement réprimé par la police française, a tourné au massacre. Aujourd’hui encore, le nombre de victimes n’est pas établi, allant de quelques dizaines à plus de 200, selon certains historiens.
 

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