Sécuriser les enseignants et sensibiliser les familles : La violence à l’école n’est pas une fatalité

17/01/2023 mis à jour: 21:09
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Elle ne date pas d’aujourd’hui mais elle prend des proportions inquiétantes, la violence en milieu scolaire, dont une de ses manifestations vient tout juste de secouer l’opinion publique. Il s’agit d’une enseignante de langue arabe agressée au couteau par l’un de ses élèves au CEM Amari Said, dans la commune de Taxlent, dans la wilaya de Batna. C’est peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Diverses organisations syndicales du monde de l’éducation demandent à ce que la loi sur l’orientation scolaire (n° 08-04 du 23 janvier 2003) soit revue notamment sur un de ses aspects concernant l’obligation de garder les élèves en milieu scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans même s’ils sont amenés à faire preuve d’insolence et de comportements déviants. Les syndicats et les professionnels, qui s’inquiètent pour leur sécurité sur leur lieu de travail, estiment qu’avec l’émergence d’une nouvelle génération d’éducateurs et l’esprit complexe des élèves d’aujourd’hui, il est plus qu’urgent de revoir et réexaminer toutes ces règles. C’est donc tout un débat qui doit s’ouvrir sur cette question épineuse. D’un côté, il doit prendre en charge l’état d’esprit des nouveaux enseignants et les caractères des jeunes d’aujourd’hui, si on considère qu’ils diffèrent de ceux des anciennes générations. De l’autre, il doit intégrer les métamorphoses de la société algérienne affectée par l’intrusion des réseaux sociaux, la percée fulgurante de divers maux sociaux (drogue, délinquance) et les métamorphoses rapides et souvent négatives des anciennes valeurs. Les pouvoirs publics n’ont pas répondu sur ce point essentiel qui est la révision de la loi sur l’orientation scolaire, mais le ministère de l’Education a affirmé qu’il prendrait des mesures visant à endiguer la violence dans le milieu scolaire. Il ne précise pas lesquelles, mais les professionnels restent sceptiques tant le mal est profond, nécessitant des remèdes lourds. Le mal c’est la dégradation à tous les niveaux de l’institution scolaire. En attendant, le ministère de l’Education a adressé une circulaire aux académies des différentes wilayas dans laquelle il fixe les conditions de réintégration des élèves ayant été exclus de l’école, précisant que le droit à l’enseignement est assuré jusqu’à l’âge de 16 ans, et 18 ans pour les élèves aux besoins spécifiques. Les élèves concernés par l’exclusion sont notamment ceux qui ont échoué aux examens du baccalauréat et du Brevet de l’enseignement moyen (BEM). Pour être autorisés à redoubler, ils doivent d’abord s’engager à être assidus durant l’année scolaire et respecter la discipline en classe et la bonne conduite avec les enseignants ainsi qu’avec tout le personnel administratif. Le redoublement reste toutefois tributaire de la disponibilité des places pédagogiques pour chaque établissement. Le nombre d’élèves qui ont quitté les établissements a dépassé les 500 000, dont le plus grand nombre a été enregistré dans les classes d’examen, soit la 4e année moyenne et la 3e année secondaire. Il faut rappeler que le taux d’échec au BEM de l’exercice 2021/2022 a atteint 40,84%, tandis que celui au bac était de 41,25%. 

Selon le syndicaliste et retraité de l’enseignement Bachir Hakemcite, au journal Le jeune indépendant, «la violence ne naît pas de rien, elle provient des familles et de la société et ne peut que se manifester dans les écoles». La recrudescence de ce phénomène est liée à plusieurs facteurs, dont la surcharge des classes ou du nombre trop limité de surveillants qui font que les élèves échappent au contrôle de l’administration. «La transmission du savoir ne peut avoir lieu dans un environnement caractérisé par un climat électrique, où des enseignants mal formés se retrouvent face à des élèves difficiles, et ce, sans aucune assistance administrative.» «Les enseignants sont aujourd’hui soumis à la volonté d’enfants omnipotents qui profitent de cet état de fait pour commettre des agressions verbales ou physiques, avec le soutien de la famille et le regard complice de l’institution, laquelle préfère ne pas faire de vagues», a-t-il souligné. «Aujourd’hui, au nom de la loi, l’élève ne peut être puni et l’enseignant, pour ne pas avoir de problème avec l’administration ou les parents, ne joue plus son rôle d’éducateur», a-t-il regretté, ajoutant que tout éducateur qui ne se contente pas d’enseigner se retrouve confronté aussi bien à l’administration qu’aux parents. Pour Bachir Hakem enfin, toujours dans Le jeune indépendant, «il faut redonner de l’autorité pédagogique à l’enseignant et responsabiliser les parents par des lois sévères». «L’élève doit respecter son enseignant qui doit être son exemple, et pour cela, il faut revoir le statut de l’enseignant, notamment le volet financier. Si l’élève est pris en charge dans le primaire, du côté pédagogique et disciplinaire, nous aurons limité au maximum la violence, même en dehors de l’école, et la drogue ne circulerait pas à l’intérieur de l’école», a-t-il souligné. 

Rappelons que l’Unicef a récemment rendu public un rapport sur les conditions de vie des Algériens âgés entre 15 et 24 ans intitulé «Note thématique : transition vers la vie adulte». Concernant l’accès à la qualité de l’instruction, le document souligne que «7% des jeunes Algériens n’ont pas complété le cycle primaire, tandis que 48% d’entre eux n’ont pas terminé le cycle obligatoire, soit neuf années d’études». Qualifiant ces taux d’«alarmant», l’instance onusienne précise que «les jeunes les plus vulnérables sont ceux issus du milieu rural». «Le taux de décrochage scolaire varie aussi en fonction du niveau d’instruction des parents : il est de 14,9% parmi les jeunes dont les parents ont suivi un enseignement supérieur, contre plus de 50% chez ceux dont les parents ont suivi un enseignement primaire ou n’ont pas été à l’école», explique le rapport. Unicef Algérie souligne aussi l’existence «d’un écart important entre le taux de décrochage scolaire chez les hommes et chez les femmes (56% pour les hommes, contre 40% pour les femmes)». Les disparités, ajoute le document, varient aussi selon la richesse : «18,2% des enfants du quintile le plus pauvre n’achèvent pas l’enseignement primaire, contre 1,8% des enfants du quintile le plus riche». La qualité de l’instruction reçue par les jeunes, se basant sur des standards internationaux, est, note le rapport, «basse». «Néanmoins, dans le temps, la performance de l’Algérie marque une tendance à l’amélioration», nuance l’Unicef.

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