Salima Ayadi expose au Musée des antiquités à Alger : La peinture sur soie, un art à l’état pur

24/01/2022 mis à jour: 00:06
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L’artiste peintre Salima Ayadi / Photo : D. R.

L’artiste Salima Ayadi produit des œuvres uniques sur soie à travers exclusivement des foulards, des étoles et des tableaux.

Le Musée des antiquités et des arts islamiques abrite jusqu’au 13 février prochain une exposition sur soie intitulée «Ma route de la soie». Un titre bien choisi et surtout un clin d’œil pour cette artiste au parcours atypique.

Salima Ayadi est une dame humble au profil discret et à la voix presque inaudible mais au talent incontesté. Elle manie avec dextérité la soie depuis trente sept ans déjà. 

Ce tissu luxueux et agréable à travailler n’a aujourd’hui aucun secret pour elle. Au fil des années, elle a appris à mieux apprivoiser cette forme noble. 

Ainsi, elle expose 19 tableaux et une trentaine de foulards en soie aux couleurs chatoyantes. Salima Ayadi est diplômée de l’Ecole des beaux-arts d’Alger. 

Elle a obtenu en 1984 un diplôme en communication visuelle. Une fois son diplôme en poche, elle enseigne le dessin durant deux ans dans un collège mais à la naissance de son deuxième enfant, elle décide d’arrêter son activité professionnelle pour mieux se consacrer à l’éducation de ses enfants.

La soie, une matière noble

Elle nous explique que c’est lors d’un voyage qu’elle a rencontré un ami qui lui a montré la technique de la soie. En rentrant à la maison, elle commence à faire des essais. 

Elle est tout de suite séduite par cette technique pointilleuse. Elle décide de s’y consacrer entièrement. Cela fait aujourd’hui presque quatre décennies qu’elle s’intéresse à cette technique qui lui permet à coup sûr de s’évader. 

Elle se considère comme une pure autodidacte. Elle ne sait pas si c’est un don mais elle est toutefois convaincue qu’elle a aimé cette étoffe dont elle ne peut plus se passer. 

Elle se plaît à travailler le matin très tôt dans son atelier. Salima Ayadi signe sa première exposition sur soie en 1994 au palais Moufdi Zakaria de Kouba à Alger, suivie de plusieurs autres expositions en Algérie et à l’étranger, notamment en Libye, au Maroc et en Iran. Dans un passé récent, l’artiste a beaucoup travaillé sur des commandes de tableaux et de foulards avec des institutions nationales, notamment avec le Sénat, l’APN, Sonatrach Sonelgaz, Air Algérie, la CNEP... 

«Au début, dit-elle, je peignais la nature morte, mais quand j’ai commencé à travailler avec les institutions, là, j’ai été obligée de m’adapter aux besoins. Je travaillais sur le patrimoine car les tableaux et les foulards qu’ils achetaient, ils les offraient à leurs partenaires étrangers. Une fois dans ce domaine, j’ai trouvé qu’il y avait une richesse étonnante de notre patrimoine. Je dirai sans prétention que je peins sans m’en lasser».

Valorisation du patrimoine ancestral

En effet, les foulards et les tableaux de Salima Ayadi viennent conter et valoriser notre riche patrimoine culturel ancestral à travers entre autres La Casbah d’Alger, le Tassili N’Ajjer, l’architecture musulmane, les carreaux de céramique ainsi que les motifs berbères. 

Mais en quoi consiste au juste la technique personnalisée de notre artiste pour arriver au produit final ? Comment précède-t-elle quand elle a le bout de soie entre les mains ? Si certains artistes refusent de divulguer leur technique de travail, Salima Ayadi en parle volontiers sans détour et avec beaucoup de passion.

D’emblée, elle précise que travailler sur de la soie reste une discipline assez difficile. Sans conteste, il est très agréable de travailler sur la soie, mais selon elle, c’est une étoffe capricieuse et noble à la fois. 

Pour notre interlocutrice, il faut d’abord préparer le dessin et faire un trait avec le serti pour soie, communément appelé gutta. 

Le serti est une pâte de consistance épaisse à l’aspect translucide. Il permet de réduire la diffusion de la couleur hors d’une zone précise. De ce fait, l’artiste peut créer des motifs et superposer plusieurs coloris sans risque d’obtenir un mélange peu esthétique à la fin de l’ouvrage. 

«C’est, reconnaît-elle, un petit peu la technique de l’aquarelle, mais quand on fait une erreur sur la soie, on ne peut pas la rattraper. Il faut faire très attention. Après, il faut fixer la soie et la faire cuir à la vapeur. Une fois que je traite la soie, ensuite il faut la laver à l’eau froide, la reloûter à la main, la sécher et la repasser. Par la suite, certains foulards sont encadrés à ma manière»

Et d’ajouter : «C’est une technique très délicate. Il faut vraiment aimer la peinture sur soie et avoir beaucoup de patience. Toutes ces étapes ne m’ont pas laissé aller vers un autre support. Je suis restée seulement sur la soie».

Il va de soi que le foulard en soie est un matériau noble et délicat à la fois qui n’est pas à la portée des potentiels intéressées. Il est considéré comme un produit de luxe. Salima Ayadi n’omet pas de nous préciser qu’elle achète la matière première, à savoir la soie, la peinture et le serti, de l’étranger. 

«C’est pour cela que j’ai travaillé avec les institutions qui offraient des cadeaux à leurs partenaires. Pour les particuliers, ce n’est pas toujours le cas. Ils connaissent la valeur du tissu mais avec l’inflation mondiale et la crise sanitaire, le fossé s’est creusé davantage», note-t-elle. 

Si aujourd’hui notre artiste arrive difficilement à écouler ses foulards haut de gamme, elle ne désespère pas pour autant car elle est en train de préparer un livre d’art sur le patrimoine algérien à travers la soie. Sa publication est prévue d’ici une année et demie.

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