Salim Kebbab. Docteur vétérinaire principal de l’administration territoriale : «Il ne faut jamais sous-estimer une plaie causée par un animal»

24/06/2024 mis à jour: 00:21
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Photo : D. R.
  • Comment reconnaître un animal atteint de la rage ?

Il faut savoir qu’il y a la rage humaine et la rage animale. Bien que dans les deux cas, c’est le système nerveux central qui est affecté, n’empêche que leur symptomatologie est un peu différente. En fait, chez les animaux, la rage se manifeste sous deux formes distinctes : la rage furieuse et la rage muette.

Dans le cas de la rage furieuse, l’animal devient furieux, très agité et manifeste de l’agressivité. Il peut attaquer et mordre tout autre animal, et bien évidemment les personnes qui s’approchent de lui. Parfois, l’animal a une hydrophobie (peur de l’eau), comme il peut y avoir, dans cette forme, un changement de la voix de l’animal (aboiement, miaulement…). Toutefois, le plus souvent, la rage furieuse se manifeste chez l’animal par une hyper-salivation associée à une difficulté lors de la déglutition.

C’est le signe de la paralysie de la gorge de l’animal, qui peut être un prodrome de la rage lors de la consultation vétérinaire. Ces manifestations sont suivies, en phase terminale, par une difficulté de l’animal à se relever. Il s’agit de la paralysie de ses pattes arrière qui précède, généralement la mort de l’animal.

En revanche, dans le cas de la rage muette, que l’on peut qualifier de plus redoutable du fait qu’elle soit moins connue par beaucoup de personnes, l’animal reste calme. Il change là-aussi de comportement, mais tout à fait à l’opposé de la forme furieuse. En effet, l’animal se replie sur lui-même, il se retire dans des endroits isolés et cherche à se cacher. Certaines espèces animales, les chats en particulier, deviennent affectueuses.

Quant aux animaux errants, ils deviennent plus craintifs. Lors de cette étape, l’animal éprouve également une difficulté à avaler. Les pattes arrière de l’animal sont paralysées et meurt après quelques jours, sans manifester aucun signe d’agressivité. Il faut aussi savoir que toutes les espèces animales ne se comportent pas de la même manière lorsqu’elles sont atteintes de rage et qu’il n’existe pas de signes pathognomoniques absolus de rage.

  • Qu’en est-il des animaux domestiques ?

Il est important de surveiller tout changement de comportement des animaux domestiques, plus précisément dans les deux cas antinomiques (agressivité et/ou retranchement avec excès d’affectivité). Une attitude inhabituelle de l’animal devrait être considérée comme un signe potentiel d’atteinte de rage. Et dans ce cas, une consultation chez le vétérinaire est fortement recommandée, sachant qu’il y a une citation, très reprise en médecine vétérinaire et par nos maitres, qui dit que «tout est rage, rien n’est rage» !

  • Comment se transmet le virus de la rage vers l’humain ?

Le virus de la rage est présent dans la salive des animaux infectés (chien, chat, mammifères sauvages et domestiques). La rage étant une zoonose virale, la transmission du virus vers l’homme survient via son contact direct avec la salive d’un animal contaminé. Cette transmission a lieu soit par morsure, griffure ou bien par léchage sur la peau présentant une égratignure, une lésion récente ou encore sur une muqueuse.

Les chiens représentent plus de 80% des cas de transmission de la rage aux humains et sont à l’origine de la plupart des cas mortels de rage humaine. Ils le sont également pour les cas de rage animale, en plus  des autres canidés, le chacal en particulier dans les régions rurales. A noter que la plupart des animaux (sauvages et domestiques) infectés peuvent transmettre le virus plusieurs jours avant l’apparition des symptômes.

  • Y a-t-il une période d’incubation ?

Concernant la rage animale, la période d’incubation, c’est-à-dire le délai entre l’introduction du virus dans le corps et le début des symptômes, varie généralement de 2 semaines à 6 mois pour les chiens et les chats.

Cela dépend de l’emplacement, de la gravité de la morsure mais aussi de la charge virale. Chez les autres espèces, domestiques et sauvages, le délai est moins connu. Mais, certaines données pratiques ont démontré qu’il dépend tant de l’espèce de l’animal mordeur que de l’espèce qui a été mordue.

En ce qui concerne la rage chez l’humain, on sait que l’incubation dépend de certains facteurs, comme la partie du corps qui a été exposée au virus et la gravité de la morsure ou de la griffure. Toutefois, selon la littérature, la durée d’incubation de la rage chez l’homme est habituellement de 2 à 3 mois, avec des variations qui peuvent s’étendre de 10 jours jusqu’à 1 an.

  • Comment diagnostiquer la maladie ?

En l’absence des signes avérés de la rage, comme l’hydrophobie ou la paralysie des pattes postérieures ou bien d’une blessure, griffure ou léchage par un animal suspect ou confirmé de rage, il est toujours très difficile d’établir le diagnostic clinique de la rage. Seul l’examen  virologique de laboratoire, entre autres via les antigènes viraux dans les zones infectées (peau, salive…), peut confirmer la rage.

Et particulièrement chez les animaux, le virus est détecté, soit à l’ante mortem ou au post mortem (lorsque l’animal meurt), au niveau de l’encéphale. Le diagnostic est généralement effectué, au bout de quelques jours, par l’inoculation de souriceaux ou bien par immunofluorescence.

Mais aujourd’hui les nouvelles techniques permettent aux biologistes d’effectuer le diagnostic de la rage en 24 heures. Ce qui permet un gain de temps et de répondre ainsi d’une façon meilleure et rapide aux lourdes contraintes de la prophylaxie de la rage, aussi bien chez l’homme que chez l’animal.

  • Quel comportement adopter en cas de griffures ou de morsure ?

En cas de morsure ou griffure par un animal, la personne doit immédiatement nettoyer la ou les plaies avec de l’eau et du savon, pendant 15 minutes.

Ceci pour éviter les risques d’infection due à des germes présents dans la salive de l’animal à l’origine de plusieurs maladies (pasteurellose, tétanos, maladie des griffes du chat…). Mais la maladie la plus dangereuse suite à une morsure ou griffure reste la «rage». C’est pour cela qu’il ne faut jamais sous-estimer une plaie causée par un animal, fût-elle légère, car l’animal peut être porteur du virus rabique.

Et donc, une fois la plaie nettoyée suivie d’une antisepsie soigneuse, la personne griffée ou mordue doit se diriger le plus rapidement possible vers le centre sanitaire le plus proche pour une prise en charge médicale qui comporte, selon le protocole national mais aussi selon l’évaluation du médecin, une vaccination et une administration d’un sérum antirabique. Ceci est valable même lorsqu’il s’agit d’un animal domestique vacciné contre la rage où les risques de transmission du virus sont réduits.

Car il arrive que les dates de rappels de vaccin prescrites par le vétérinaire ne soient pas respectées et donc, l’animal n’est pas totalement protégé. Par ailleurs, et sur le plan légal, tout en sachant qu’en Algérie, le chien est le principal vecteur de la rage, il est judicieux de rappeler que toute morsure canine doit être déclarée.

Le chien mordeur, quant à lui, doit faire l’objet d’une surveillance par un vétérinaire. En effet, le propriétaire doit présenter son animal mordeur à un vétérinaire, en général exerçant dans le secteur privé, pour sa mise en observation qui se déroule en 3 visites, étalées sur une période de 15 jours. L’objectif de cette surveillance est de vérifier que le chien mordeur n’est pas porteur de la rage.

  • Est-il vrai qu’une fois les symptômes apparus la mort est inévitable ?

Exact. Aucun traitement n’est disponible pour les animaux qui ont développé des signes de la maladie. La mort survient généralement dans les 10 jours qui suivent l’apparition des symptômes.

C’est également le cas pour la rage humaine ou l’issue est pratiquement fatale dès lors que les symptômes cliniques apparaissent. A cet effet, il faut savoir que la rage est l’une des plus graves maladies transmissibles à l’homme. Dans la législation vétérinaire, la rage fait partie des maladies à déclaration obligatoire (MDO).

Considérée comme étant une zoonose majeure, elle fait partie des dangers sanitaires réglementés, surtout que, désormais, de plus en plus d’Algériens élèvent des animaux. D’ailleurs, la loi 88-08 relative aux activités de médecine vétérinaire et à la protection de la santé animale a consacré son le plus long article à cette maladie, comprenant les volets sanitaires, médicaux et légaux liés à la rage. 
 

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