Les critiques suscitées par l’abandon de la population syrienne des régions du nord de la Syrie, durement frappées par le séisme de lundi dernier, semblent avoir produit leurs effets. Tant au niveau des instances internationales que des Etats de l’Union européenne. Les premiers jours de la tragédie, les pays de l’UE avaient posé des conditionnalités draconiennes en subordonnant leur aide au profit de la Syrie à la garantie que celle-ci ne soit pas détournée par le pouvoir syrien. Privées des secours d’urgence pour le sauvetage des vies humaines, la prise en charge sanitaire des blessés et des sinistrés en produits alimentaires, médicaments, tentes, les régions sinistrées du nord de la Syrie sont confrontées à une grave catastrophe humanitaire qui se profile à l’horizon s’il n’ y a pas rapidement une mobilisation internationale à la mesure de la tragédie que vivent les populations de cette région. En voulant provoquer un vaste mouvement de colère du peuple syrien contre le régime de Bachar Al Assad pour précipiter sa chute, on n’a pas hésité à maintenir cyniquement l’embargo sur la Syrie en restant sourd aux appels à l’aide d’enfants et des victimes piégés sous les décombres. Beaucoup ont succombé pour n’avoir pas été secourus à temps. Quelles que soient les raisons invoquées, on est carrément dans le registre de la non-assistance à peuple en danger qui relève, du point de vue du droit international, du crime contre l’humanité. Les rares équipes de secours étrangères, essentiellement arabes, présentes sur les lieux, en dépit de l’embargo, sont débordées par l’ampleur des dégâts. L’Algérie est l’un des premiers pays à envoyer, simultanément en Syrie et en Turquie, de l’aide et des équipes de sauvetage de la Protection civile, dès les premières heures de la catastrophe. La mobilisation se poursuit à travers le Croissant-Rouge algérien et les institutions pour collecter et acheminer des aides supplémentaires aux populations sinistrées. Aucune âme ne peut rester insensible face aux images choc d’enfants extraits de sous les décombres, le regard hagard, ne sachant pas ce qu'il leur arrive. Depuis ces 48 heures, avec la comptabilité macabre des décès, en constante augmentation, la communauté internationale semble prendre conscience de sa responsabilité face au drame syrien.
Pointé du doigt, Damas, à qui on a endossé la responsabilité des réticences exprimées pour l’envoi de l’aide internationale, a annoncé, hier, sa disponibilité à autoriser l’acheminement des dons et des secours dans le nord-ouest du pays ravagé par le séisme. Pour rassurer et lever toute équivoque, le gouvernement syrien a précisé que la distribution de l’aide humanitaire devra être «supervisée par le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge syriens, avec l’aide de l’ONU». L’offensive de la diplomatie humanitaire syrienne ne s’arrête pas là. Le président Bachar Al Assad a compris qu’il y avait un gros coup politique à jouer face à cette épreuve. A la fois, vis-à-vis de son peuple que les démons de la guerre, imposée de l’extérieur, ont poussé à la confrontation armée entre enfants d’un même peuple, et des capitales étrangères qui veulent sa tête. C’est le sens à donner à son initiative de rendre visite hier – pour la première fois depuis le séisme –, accompagné de son épouse, aux sinistrés dans les zones contrôlées par le gouvernement et l’armée régulière syrienne.
Opération de marketing politique
Le président syrien, dont la visite a été largement médiatisée par la télévision officielle, s’est rendu au chevet des blessés à l’hôpital d’Alep et a effectué une tournée dans les quartiers sinistrés de cette deuxième mégapole du pays durement éprouvée par le séisme de lundi dernier. Le bilan provisoire fait état de 1347 décès dans les secteurs contrôlés par l’Etat et plus de 2030 morts dans les régions échappant à son emprise.
L’étau commence à se desserrer sur la Syrie et les régions du nord-ouest endeuillées par le séisme, mais cela n’a rien à voir avec l’offensive diplomatique de ces dernières heures de Bachar Al Assad, dont il ne faudra pas attendre un quelconque geste d’apaisement de la part des dirigeants européens avec lesquels la rupture est consommée. Le haut-commissaire aux droits de l’homme, Volker Turk, a appelé, hier, à «un cessez-le-feu immédiat» en Syrie pour faciliter l’aide aux victimes, insistant sur le respect des droits humains et des obligations du droit humanitaire afin que l’aide puisse atteindre tout le monde. Le Programme alimentaire mondial (PAM), une agence spécialisée de l’ONU, a demandé, hier, 77 millions de dollars pour aider 874 000 personnes touchées par le séisme, qui a ravagé lundi dernier la Turquie et la Syrie. Le PAM précise avoir aidé jusqu’à présent 43 000 personnes en Syrie et 73 000 autres en Turquie, Un nouveau convoi d’aide de l’ONU est arrivé hier dans le nord de la Syrie sous contrôle des rebelles, rapporte l’AFP, citant un responsable du poste-frontière de Bab Al Hawa avec la Turquie. Mais ces maigres secours ont provoqué la colère des habitants et des militants dans cette région. Les Casques blancs, les secouristes qui opèrent en zones rebelles, ont exprimé leur «déception» jeudi, estimant que cette aide était «routinière» et non spécifique à la recherche de survivants sous les décombres. Plus de quatre millions de personnes vivent dans les zones sous contrôle des rebelles dans le nord et le nord-ouest de la Syrie.