Risques majeurs et maillons faibles

04/06/2023 mis à jour: 12:54
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Photo : D. R.

Le gouvernement vient de proposer un avant-projet de loi relatif à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes. 

La mouture proposée abroge la loi 04-20 élaborée en 2004 et vise à en combler les insuffisances et à intégrer le paramètre des changements climatiques, suivant les engagements pris par le pays dans le cadre d’accords internationaux. 

Il prend en charge, également, de nouvelles catégories de risques tels que ceux liés aux extrêmes climatiques, les menaces biotechnologiques et cybernétiques. Dans le même élan, l’Institut national d’étude de stratégie globale (INSEG) a réuni les experts, avant-hier, lors d’un séminaire consacré à la problématique des inondations. 

Ce focus institutionnel intervient quelques jours après la commémoration du 20e anniversaire du séisme meurtrier de Boumerdès, le 21 mai dernier, et à la fin d’une semaine qui a vu des inondations frapper plusieurs wilayas du pays et nécessiter l’intervention des pouvoirs publics pour dégager des routes endommagées, secourir et indemniser des sinistrés. La préoccupation des risques s’invite d’elle-même donc sur la liste des constantes priorités et impose la mise à jour périodique des instruments législatifs et opérationnels de prévention et d’intervention. 

La sismicité à risques du Nord algérien est connue de tous. La population a dû le vérifier dans sa chair, cycliquement, pour que ça ne soit plus qu’un objet d’étude pour les sismologues du CRAAG. Les feux de forêt ravageurs subis par le couvert forestier et son voisinage habité sont marqués, ces quelques dernières années, par une régularité qui doit pour sa part inquiéter. 

Le pays fait, par ailleurs, l’expérience répétée de l’aléa climatique, à des seuils certes modérés, dans ses deux manifestations que sont la sécheresse et les inondations. Sur le sujet, la nature ne peut pas être plus démonstrative : quelques semaines avant que les crues subites n’emportent une gamine à Guelma, ou dévastent un port à Tipasa, il était question de trouver le moyen de sauver des cultures agricoles, dans ces mêmes régions, de la menace d’un stress hydrique aigu. 

Les près de trois années de crise sanitaire mondiale, liée à la Covid-19, doivent aussi avoir suffisamment instruit les pouvoirs publics et la société sur les traumatismes que peut coûter une impréparation aux extrêmes sanitaires globaux. 

Changer le cadre législatif pour une plus grande adaptation des instruments d’évaluation et de prévention, près de vingt ans après la promulgation de la loi 04-20, ne peut être que bienvenu, surtout que le changement promet de porter de «nouvelles visions stratégiques fondées sur une approche proactive et préventive», selon la conception de la délégation aux risques majeurs auprès du ministère de l’Intérieur. Sauf que les textes sont faits pour se décliner en instruments opérationnels agissant sur le terrain. 

Lors du séminaire de l’INSEG, les cadres et les experts ont une nouvelle fois martelé, fort des bilans des intempéries de la semaine dernière, que le non-respect des recommandations et des interdits en vigueur en la matière, continue de vulnérabiliser le tissu urbain et des portions du territoire vis-à-vis du risque inondation. Il faudra donc corriger rapidement cette difficulté à faire appliquer la loi et situer la hiérarchie des responsabilités.

La formation d’une conscience collective du risque reste pour sa part un objectif qui doit mobiliser la collectivité. L’architecture législative prévoit des cycles continus de sensibilisation et d’informations sur les risques, dans lesquels l’école, les médias, la société civile… doivent apporter leurs contributions. 

Mais l’on continue à avoir l’impression, malheureusement, que la prévention et la prise en charge des sinistres demeurent d’abord l’affaire des agents de la Protection civile et des ambulanciers. 

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