Rien qu’une empreinte digitale récit de Mourad Brahimi : Amers parfums ou l’hymne aux larmes…

22/08/2023 mis à jour: 04:03
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Photo : D. R.

Les histoires individuelles sont comme les hirondelles qui ne font pas le printemps : elles ne font pas l’histoire et ne prouvent pas grand-chose. Ce qui n’empêche que, dans certains cas, elles méritent d’être racontées et doivent l’être, car chacun doit savoir ce qui peut un jour lui arriver…

J’étais sous le charme d’une rêverie mélancolique quand j’entendis crier mon nom». Début d’une galère. Prélude à une trajectoire qui allait bouleverser le destin d’un énarque au-dessus de tout soupçon.

Rien qu’une empreinte digitale est le récit émouvant d’un ancien haut cadre d’Etat, arrêté un matin dans les années 1990, accusé à tort dans une affaire de détournement, période de la «chasse des compétences» alors qu’il s’apprêtait à se rendre à son travail, puis incarcéré dans une affaire incongrue où il finira par être innocenté.

Mais, que de mois perdus dans des cellules lugubres, avec un quotidien ponctué d’anxiété, de peur et d’inquiétude.

L’indignation face à ce qu’on appelle une monstrueuse erreur judiciaire. Un drame comme celui-ci est «exemplaire parce qu’on y voit la victime subir l’inhumanité d’un système – ce qui se passe quand les hommes oublient d’être des humains». L’auteur, avec le recul, narre son séjour carcéral avec douleurs… empreintes de sagesse.

C’est toute la force d’un être qui a failli être broyé par une machine inexorable, mais qui n’a jamais douté de son exemplarité, de son honnêteté intellectuelle, son dévouement pour sa patrie.

Dernière audience de la délivrance ou de la fin d’une vie : à la barre, le détenu, instinctivement, se retourne, regarde en direction de sa femme (dont il parle avec beaucoup d’amour, mais pudiquement.

Elle qui s’était battue pour le droit, pour  son époux jusqu’à sa libération) et ne la trouve pas, il crut que la foule, debout, l’empêchait de la voir «mais, je comprendrai, bien plus tard, habituée à n’entendre dans ces lieux que l’annonce de nouveaux malheurs, au premier mot du jugement, elle perdit connaissance, et ne sut qu’à son réveil que par ‘‘hakamat el mahkama’’ le tribunal mettait fin à une longue nuit de cauchemar».

Gardons le suspense !

Tout le long des 143 pages, publiées aux Editions Casbah, Mourad dépoussière sa mémoire avec un beau style littéraire pour se remémorer les procès, avec  précision, un peu d’humour aussi. Malgré ses déboires. «Je ne raconte dans mon récit que les cinq mois et vingt jours de privation de liberté.

Mais pendant tout ce temps et jusqu’au dernier Salon international  du livre d’Alger, je n’ai cessé de réécrire mon texte. Avec beaucoup de douleur et infiniment de plaisir quand je commençais à trouver le mot juste, le rythme et insuffler à une phrase, l’organisation d’un paragraphe.

Bref, la passion de l’écriture», confesse M. Brahimi. L’écrivain Yahia Belaskri résume les sentiments de l’auteur :  Cet ouvrage est aussi un hymne aux larmes… larmes d’impuissance devant une machine implacable, larmes aussi du sensible, du non renoncement, de l’espoir possible donc…

L’écrivaine Denise Brahimi, consternée après la lecture du manuscrit, confie à l’auteur ; «C’est évidemment très impressionnant, on sort de cette lecture remplis de consternation et d’effroi-admiration aussi pour la perfection de votre écriture». Le dramaturge Sid Ahmed Sahla pense que ce livre est un «plaidoyer pour la sauvegarde de l’Algérie» Roman de l’absurde ? Littérature d’évasion ?

Récit autobiographique ? Témoignage ? Une fiction ? Ce qui est sûr, c’est que c’est l’histoire incroyable de Mourad et la magie  du style de Brahimi. Rien qu’une empreinte digitale dont le cinéma pourrait en profiter, se lit d’un trait. Une belle œuvre, une thérapie pour les victimes d’injustices…   
 

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