C’est sous un ciel clair, malgré une fraîcheur matinale en ce mardi 19 novembre, que l’équipe médicale du secteur de la santé a investi la mechta d’El Hmaïde. Nichée dans une zone rurale à 15 km au sud-ouest de Constantine, cette localité de la commune de Aïn Smara, paisible et isolée, a été le théâtre d’une initiative sanitaire visant à rapprocher les soins des populations démunies.
Dans une ambiance empreinte de calme, les professionnels de la santé ont arpenté les modestes habitations, offrant des consultations médicales générales et spécialisées, assorties de campagnes de sensibilisation sanitaire. Amir Aïdoun, chargé de communication de la direction de la santé et de la population (DSP) de Constantine, a décrit cette action comme une composante essentielle de la troisième saison de la «caravane de santé». Placée sous le slogan «Votre service est notre devoir, votre santé est notre responsabilité», cette initiative s’étend du 19 novembre au 5 décembre 2024. Elle mobilise six établissements publics de santé de proximité (EPSP) pour couvrir 65 zones reculées.
Selon M. Aïdoun, cette caravane a pour objectif de prodiguer des soins médicaux, de sensibiliser au diabète et de promouvoir la vaccination contre la grippe saisonnière. L’action sur le terrain s’est appuyée sur une armada de médecins généralistes et spécialistes, parmi lesquels des pédiatres, des gynécologues et des dentistes, afin de répondre aux besoins spécifiques des habitants. Les phases précédentes témoignent d’une mobilisation croissante : la première, organisée entre février et mars 2024, a permis d’enregistrer 2751 consultations, tandis que la seconde, tenue en août, a comptabilisé 1676 consultations dans 53 zones.
Les habitants, bien que chaleureux et accueillants, révèlent des lacunes importantes en matière de culture sanitaire. Dans certaines maisons rudimentaires, souvent bâties avec des matériaux précaires, l’équipe médicale a noté un intérêt manifeste pour la vaccination antigrippale. En une matinée, 17 personnes ont ainsi été vaccinées dans une seule localité. Cependant, une tendance inquiétante persiste : les consultations médicales ne sont souvent envisagées qu’en cas de pathologies graves.
Absence de la notion de soins dentaires
Une femme atteinte de tuberculose cervicale confie les difficultés d’accès aux soins : elle doit parcourir un kilomètre pour prendre un bus en direction d’Aïn Smara, même pour une simple injection. Le cas d’une autre résidente souffrant de graves troubles visuels et de déformations articulaires a nécessité l’intervention d’une psychologue clinicienne pour comprendre l’importance de cette visite médicale. La psychologue souligne également les barrières socioculturelles : certaines familles, malgré leur accès aux moyens de communication modernes, négligent les soins ou se heurtent à des interdits, comme le refus d’un père de laisser sa femme sortir pour faire vacciner ses trois enfants. Malgré les efforts déployés, il apparaît que la sensibilisation reste insuffisante dans ces régions reculées, notamment concernant des pathologies autres que celles touchant la santé générale. Un constat préoccupant émerge : une grande partie de la population tend à négliger les soins dentaires, considérés comme secondaires face à d’autres priorités sanitaires.
Pour beaucoup, une dent douloureuse n’est qu’un problème à résoudre par une extraction immédiate. Pourtant, comme l’explique le Dr Ibtissem Zaier, chirurgienne-dentiste à l’EPSP Larbi Ben M’hidi, la santé buccodentaire joue un rôle central dans le maintien de l’équilibre général de l’organisme. «La cavité buccale constitue la porte d’entrée des aliments et des médicaments indispensables à la santé. Lorsque cette dernière est délaissée, les répercussions sur la santé globale deviennent inévitables», souligne-t-elle dans un entretien accordé à El Watan. Elle ajoute que cette négligence a des implications graves, notamment sur les maladies cardiaques : «Les infections telles que l’endocardite infectieuse ou la septicémie, par exemple, sont souvent liées à des problèmes d’origine buccodentaire.
Environ 30% des cas d’endocardites infectieuses sont attribuables à des pathologies dentaires, qu’il s’agisse d’abcès, d’inflammations gingivales, ou d’une mauvaise hygiène buccale.» Le Dr Zaïer insiste également sur la gravité de certaines de ces complications : «Une gingivite mal soignée ou une mauvaise hygiène buccale peut engendrer une septicémie, une infection grave qui se propage dans le sang. Ce type de choc septique, avec des températures pouvant atteindre des niveaux critiques comme 52°C, représente un véritable danger vital.» Elle conclut toutefois sur une note d’espoir : «Grâce à une sensibilisation accrue, nous espérons que ces communautés adopteront progressivement des pratiques plus adaptées et prêteront davantage attention à leur santé buccodentaire.»
En dépit des efforts de l’Etat en matière de raccordement aux réseaux d’eau, d’électricité et de gaz, les infrastructures routières et les moyens de transport restent dramatiquement insuffisants. Pour les habitants, se déplacer pour des soins relève souvent d’un parcours du combattant, particulièrement durant l’hiver. Les routes impraticables entre les maisons et l’absence de transports publics exacerbent les riverains, surtout pour les personnes âgées. Mis à part les accès principaux, le reste est à revoir. Les doléances des habitants, adressées aux autorités locales, semblent rester lettre morte. Les rares visites des responsables locaux sont souvent perçues comme des opérations de façade, limitées aux axes principaux aménagés pour l’occasion.