Plusieurs zones d’ombre entourent la prochaine rentrée scolaire : absence d’une date fixe pour la reprise, maintien ou pas du plan d’enseignement par alternance, moyens mis en place pour l’introduction de la langue anglaise au cycle primaire...
Le ministre de l’Education nationale, Abdelhakim Belabed, a mis l’accent, lundi, sur la nécessité de bien préparer la prochaine rentrée scolaire à travers «le suivi de toutes les opérations y afférentes», indique un communiqué du ministère.
Le ministre, qui présidait, par visioconférence, les travaux d’une conférence nationale des cadres de son administration, a affirmé que la prochaine rentrée «sera d’autant plus exceptionnelle que le secteur de l’éducation connaîtra d’importantes nouveautés, ce qui en appelle à une préparation minutieuse, une présence sur le terrain et davantage de vigilance».
A moins de 15 jours de la rentrée sociale, les élèves et leurs parents ne connaissent toujours pas la date exacte de la reprise scolaire. Ils ne savent pas si l’enseignement par alternance sera maintenu pour la 3e année consécutive. Beaucoup de questions sont posées aussi quant à l’introduction d’une deuxième langue étrangère dans le primaire.
Ceci sans compter les problèmes habituels de chaque rentrée, à savoir la vente des manuels scolaires, la prime d’aide sociale de 5000 DA, les travaux de réhabilitation des écoles, la surcharge et bien évidemment le manque d’encadrement administratif et surtout pédagogique. Dans ce flou autour de la date de la rentrée, plusieurs hypothèses sont avancées : le 4 septembre pour le staff administratif, le 11 pour les enseignants et le 18 ou le 20 pour les élèves.
«Depuis l’indépendance, c’est la première fois que la date de la rentrée scolaire n’est pas fixée pour les trois paliers. En tant qu’Association nationale de parents d’élèves (ANPE), nous nous demandons quelles sont les causes de ce retard», s’interroge Fatiha Bacha, vice-présidente de l’Association nationale de parents d’élèves (ANPE).
Cette dernière plaide pour la suppression du système exceptionnel d’enseignement par alternance. Elle estime que la situation sanitaire actuelle ne nécessite plus ce plan exceptionnel : «Toutefois, nous savons très bien que cette décision revient aux hautes autorités de l’Etat étant donné qu’elles sont les seules habilitées à le maintenir ou revenir à l’ancien système suivant l’évolution de la situation sanitaire du pays. Il ne faut toutefois pas négliger le problème récurrent de la surcharge des classes, où nous avons dépassé de loin les normes internationales. En tant que parents d’élèves, nous estimons que c’est le cause principale de la déperdition scolaire.»
Pour la nouveauté de l’anglais au primaire, Mme Bacha ne cache pas sa «satisfaction» concernant la décision, mais reste néanmoins sceptique quant à la «bonne préparation» de cette réforme et de son application sur le terrain. Elle explique sa crainte par le manque flagrant d’enseignants en langues étrangères. «Si nous avons du mal à assurer l’enseignement en langues étrangères dans le moyen et le secondaire, comment allons-nous satisfaire le besoin en enseignants de langue anglaise au primaire dans les 58 wilayas ?» s’interroge-t-elle.
Autre nouveauté contestée par l’ANPE est le livre numérique au primaire. La vice-présidente déclare son «opposition catégorique» à cette solution. L’introduction des tablettes dans le cycle primaire, selon elle, va «robotiser» les enfants, qui ont besoin d’abord d’apprendre à lire, écrire et compter. La solution défendue depuis des années par l’association est la «concentration» de tout le programme dans un seul manuel pour chaque trimestre.
«Manque de prévision »
Les partenaires sociaux de Abdelhakim Belabed ne mâchent pas leurs mots. Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste), considère que les perturbations ont commencé avant même que la date de la rentrée scolaire ne soit fixée. «Justement ce flou qui entoure pour la première fois dans l’histoire la date de la rentrée est une immense perturbation. Le plan d’enseignement qui sera adopté cette année n’est également pas adopté. Il en est de même pour le recrutement des enseignants où le ministère continue dans sa stratégie de pérennisation de la contractualisation.
Nous récolterons les fruits de ces décisions avec la rentrée», souligne-t-il. Selon nos sources, les directives du ministère vont vers l’établissement de deux variantes d’emplois du temps, où les deux plans d’enseignement seront pris en considération. Pour l’enseignement de l’anglais en 3e année primaire, le ministre de l’Education déclare «la pleine disponibilité» du secteur à prendre en charge ce dossier, dans tous ses aspects, dès la prochaine rentrée scolaire, en application de la décision du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Il ne donne toutefois aucun détail sur le livre, le nombre d’enseignants recrutés ni sur le programme.
Dans la première version de la nomenclature des articles scolaires publiée par le ministère, il n’est point fait référence à l’anglais pour les élèves de 3e année primaire. Elle a été vite modifiée et publiée hier dans la matinée en incluant deux cahiers pour l’apprentissage de cette langue. «Toutes les appréhensions sont permises car le flou règne sur l’année scolaire 2022/2023 du point de vue date de rentrée, puis du système d’enseignement par groupes ou retour à l’enseignement par classes.
Les établissements scolaires seront confrontés au manque d’eau indispensable pour l’hygiène des élèves et pour cuisiner aussi», s’offusque Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), qui estime que cette rentrée scolaire sera «aussi perturbée» que les précédentes non pas pour cause sanitaire mais plutôt pour «manque de prévision et d’organisation réelles et dans les temps».