Remaniement ministériel en Tunisie : L’élection présidentielle en point de mire

27/05/2024 mis à jour: 20:00
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Le président Saïed a procédé samedi a un mini-remaniement gouvernemental

Le président tunisien Kais Saïed a décidé, avant-hier, d’un mini-remaniement de son gouvernement, en remerciant les ministres de l’Intérieur et des Affaires sociales, Kamel Fekih et Malek Ezzahi. Le président Saïed a également nommé un secrétaire d’Etat auprès du nouveau ministre de l’Intérieur. 

Les deux ministres remerciés ont été reçus par le Président tunisien après la décision, en présence du chef du gouvernement. Il s’agit d’un signal clair adressé à l’opinion locale et internationale, pour souligner que ces deux personnalités seraient appelées à d’autres fonctions puisque les précédents ministres limogés n’ont jamais été accueillis au palais présidentiel, le jour-même de leur départ. 

Plusieurs analystes politiques ont remarqué cette nuance que Kamel Fekih et Melek Ezzahi ont été reçus le soir-même de leur départ de leurs fonctions exécutives. Ainsi, Adel Chaouch, ex-dirigeant du parti Ettajdid et député opposant durant trois mandats parlementaires sous Ben Ali, a publié un poste sur sa page Facebook disant que «c’est la première fois qu’il démet un responsable et le reçoit». 

Pour sa part, le politologue Ali Ben Amor a remarqué que «Kamel Fekih et Melek Ezzehi sont les deux derniers politiques du gouvernement du président Saïed, leurs places sont évidentes dans la prochaine campagne électorale, politique par essence. Or, il ne faut pas faire de confusion entre la fonction exécutive et l’effort politique». D’autres analystes, à l’image de l’agence AFP, reprise par la chaîne Al Jazeera, ont plutôt vu un limogeage dans la décision d’écarter le ministre de l’Intérieur «des suites des dizaines d’arrestations ces deux dernières semaines d’avocats, de journalistes et militants des droits de l’homme ». 


Contexte politique 

La décision de remercier les ministres Fekih et Ezzahi survient à quelques semaines du lancement officiel de la campagne de l’élection présidentielle prévue à l’automne prochain, probablement au courant du mois d’octobre. L’appel aux électeurs sera lancé incessamment par le président Saïed qui serait normalement candidat à sa propre succession, lui qui est déjà favori puisqu’il a régulièrement bénéficié d’un pourcentage de satisfaction supérieur à 70% concernant sa gouvernance, lors des derniers sondages d’opinion opérés par les boites Sigma et Emrhod consulting. 

Les ministres partants, Fekih et Ezzahi, ont été très actifs lors de la campagne électorale du président Saïed en 2019 et s’ils veulent reprendre cette même fonction, politique, pour la campagne électorale de 2024, ils sont appelés à lâcher la fonction exécutive, pour ne pas faire partie de l’exécutif et du politique et éviter ainsi l’être accusés d’exploiter les moyens de l’Etat.  

Il est à rappeler qu’une dizaine de personnalités ont déjà exprimé le désir de se présenter à la prochaine élection présidentielle, hormis le président en exercice Kais Saïed, qui n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature. 

Il y a d’abord Mondher Zenaïdi, l’ex-ministre de Ben Ali. Zenaïdi est actuellement résident en France ; il est poursuivi en Tunisie dans l’affaire de cession de la concession d’Ennakl (Golf) que l’Etat tunisien a cédé en 2007 à Sakhr El Materi, le gendre de Ben Ali, pour la modique somme de 20 millions de dinars tunisiens (11,5 millions d’euros), alors qu’elle devait valoir plusieurs fois plus. Monsieur Zenaidi a régulièrement répliqué que c’était une décision du gouvernement, pas de son département. 


Il y a également Abir Moussi, leader du Parti Destourien Libre (PDL), aux arrêts depuis octobre 2023, poursuivie dans trois affaires. Le PDL a régulièrement affirmé que Mme Moussi est sa candidate naturelle. L’homme de communication Nizar Chaâri est, lui aussi, candidat à la présidentielle. Il s’est déjà présenté en 2019, avant de se retirer à la dernière minute au profit de Kais Saïed. L’islamiste et ex-ministre d’Ennahdha Abdellatif Mekki, aujourd’hui secrétaire général du parti ‘Travail et accomplissement’, est également candidat. Le secrétaire général du parti Républicain, Issam Chebbi, poursuivi dans le cadre de l’affaire ‘complot contre la sûreté de l’Etat’, est lui aussi candidat. 


Le dirigeant de NidaaTounes et ex-ministre de l’Education, Néji Jalloul, a également exprimé l’intention de se présenter à la magistrature suprême, tout comme Dr Lotfi M’raïhi, secrétaire général de l’Union Populaire Républicaine, et Olfa El Hamedi, la dirigeante du parti ‘la IIIe République’ et il y en aura sûrement d’autres candidats. 

C’est dire qu’il y aura encore une fois plein de candidats pour la magistrature suprême. L’actuel président Kais Saïed part toutefois largement favori, dès le 1er tour, selon les indices de satisfaction des instituts de sondage.

Tunisie 
De notre correspondant  Mourad Sellami

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