Une quinzaine de ministres de pays pro-nucléaires sont réunis à Paris hier pour une conférence internationale, sous l’égide de l’OCDE et du gouvernement suédois, destinée à mettre «en action» la relance du nucléaire, afin de tenir les objectifs climatiques mondiaux.
«Le temps est venu de passer à l’action (...) il reste encore beaucoup, beaucoup de travail à faire», a déclaré en ouverture de la conférence, William D. Magwood, directeur général de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE, le groupe des pays développés.
Cette seconde édition de «Roadmaps to New Nuclear 2024» (Feuilles de route pour le nouveau nucléaire) entend examiner les «moyens concrets d’honorer les engagements pris au niveau mondial afin d’accroître la production d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique». Une quinzaine de pays sont représentés - Etats-Unis, Canada, Japon, Corée du Sud, membres de l’Union européenne (France, Pologne, Bulgarie, Hongrie, Estonie, République tchèque), Ghana, ainsi que des industriels du nucléaire (EDF, Orano) et des acteurs des petits réacteurs modulaires (SMR). L’événement se tient à moins de deux mois de la conférence climatique de la COP29 en Azerbaïdjan, où l’accent sera mis sur la finance climatique.
Selon l’AEN, il faudrait tripler les capacités nucléaires mondiales d’ici 2050 pour respecter les objectifs de neutralité carbone, en combinant réacteurs existants, réacteurs de nouvelle génération mais aussi petits réacteurs modulaires (SMR). L’an dernier à Dubaï, lors de la COP28, une vingtaine de pays, dont les Etats-Unis, la France, le Japon et les Emirats arabes unis, s’étaient engagés à suivre cet objectif. L’AEN organise cet événement pour la seconde fois à Paris, avec comme co-organisateur cette année la Suède, fer de lance des énergies renouvelables, et un des pays qui a décidé de relancer la construction de réacteurs, pour «fournir une électricité stable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7». «Il y a là une fenêtre d’opportunité qui, si elle n’est pas saisie, nous donnera du fil à retordre pour parvenir à résoudre l’équation difficile» entre «objectifs climatiques élevés» et «croissance économique», a déclaré à la presse Ebba Busch, vice-Première ministre de la Suède, chargée de l’Energie.
Trois grandes priorités animent les discussions : chaînes d’approvisionnement, formation d’une main-d’œuvre qualifiée, financement : des sujets «essentiels pour passer de la rhétorique à l’action», selon la ministre. L’an dernier, la vingtaine de ministres présents avaient déjà lancé un appel commun à la finance internationale, encourageant «banques de développement» et «institutions financières internationales et régionales» à financer les projets nucléaires, souvent longs et coûteux. Cette année, deux déclarations communes - une des pays et une des industriels - sont attendues d’ici vendredi.
Tombé en disgrâce après la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima en 2011, le nucléaire, énergie peu émettrice de CO2, comme l’éolien et le solaire, connaît un regain d’intérêt dans le monde, poussé par les impératifs climatique et de sécurité énergétique. Selon l’AIE, l’agence pour l’énergie de l’OCDE, il faudrait plus que doubler les capacités nucléaires dans le monde d’ici 2050. «Le nucléaire fait un retour en force dans le monde», a assuré à l’AFP Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, en vantant les atouts du nucléaire, «ami de la sécurité énergétique» et «de la réduction des émissions de gaz à effet de serre». Mais relancer la construction de réacteurs nucléaires, pose de nombreux défis pour des pays qui n’en ont plus construit depuis longtemps.
En 2023, seuls cinq nouveaux réacteurs représentant une capacité totale de 5 GW ont été mis en service dans le monde, tandis que cinq unités ont été fermées (6 GW), soit une baisse nette d’un GW, selon un rapport sur l’état de l’industrie nucléaire publié jeudi. L’essentiel des constructions en cours (59 réacteurs) sont menées par la Chine, pour son marché intérieur, et par la Russie pour d’autres pays. «Rien que pour maintenir la capacité actuelle, il faudrait déjà mettre en service 10 réacteurs par an», c’est-à-dire doubler la cadence de 2023, ce qui est «industriellement improbable», a déclaré à l’AFP, Mycle Schneider, coordinateur de ce rapport critique sur le sujet.