Une enquête, menée par le mouvement Tournons la page et le CERI de Sciences Po., dévoile un rejet massif de la politique française en Afrique. Réalisée auprès de militants du Bénin, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Gabon, du Niger et du Tchad, elle met en lumière une volonté d’émancipation et une rupture jugée irréversible avec l’influence française.
Les participants rejettent le terme «sentiment anti-français», préférant parler d’un «sentiment anti-Françafrique». Un militant tchadien explique : «Ce n’est pas un rejet des Français, mais de la politique malsaine de la France en Afrique.» Ce rejet s’ancre dans des faits contemporains, tels que les contrats déséquilibrés hérités de l’après-indépendance et l’incapacité de la France à écouter les critiques. Pour un participant nigérien, «la France peut changer si l’Afrique la met dehors».
L’intervention française au Sahel est perçue comme un échec. Les participants estiment que les troupes françaises n’ont pas stabilisé la région et, au contraire, ont contribué à la dégradation de la sécurité. Un militant au Cameroun évoque une «bellicisation généralisée», tandis qu’un autre au Gabon soupçonne un «agenda caché», accusant la France de soutenir des groupes armés pour exploiter les ressources. Les bases militaires françaises sont également critiquées.
Symboles d’une souveraineté bafouée, elles sont vues comme destinées à protéger les intérêts français et ceux des régimes soutenus par Paris, plutôt que les populations locales. L’hégémonie économique de la France est particulièrement dénoncée au Gabon, où elle est jugée omniprésente.
Le franc CFA, unanimement critiqué, reste un «marqueur essentiel» de dépendance. «L’économie passe par la monnaie, et l’indépendance monétaire est cruciale», affirme un militant tchadien. En matière de droits humains et de démocratie, la France est accusée de pratiquer un «double standard». Elle est également accusée d’imposer des valeurs étrangères, comme la «théorie du genre».
Ces ingérences renforcent l’image d’un Etat français «peu fiable», y compris dans sa défense de la démocratie, un domaine où trois quarts des répondants expriment un manque de confiance. Selon l’enquête, «le statu quo n’est plus possible». Le rejet de la politique française en Afrique illustre une demande croissante de souveraineté et une volonté de rééquilibrer les relations avec la France.