Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU : Ce que veut l’Afrique

12/06/2024 mis à jour: 05:17
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Ahmed Attaf a souligné que la réforme réclamée par l’Afrique vise d’abord à lever l’injustice historique qui lui est imposée - Photo : D. R.

Le continent africain est le seul absent aux sièges permanents du Conseil et le moins représenté aux sièges non permanents au sein du même Conseil.  Conformément au Consensus d’Ezulwini, l’Afrique réclame ainsi deux membres permanents avec droit de veto et cinq autres non permanents.

La réforme du Conseil de sécurité de l’ONU est plus que jamais nécessaire pour réparer l’injustice historique infligée à l’Afrique. Les Etats africains expriment à nouveau leur détermination à aller jusqu’au bout de leur revendication pour que le continent soit dignement représenté au sein de cette institution internationale.

Une réforme sérieuse et rapide, c’est ce qu’ont réclamé les participants à la 11e réunion ministérielle du Comité des dix chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (C10) sur la réforme du Conseil de sécurité. Cette réforme revêt aujourd’hui un «caractère prioritaire», a affirmé le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf.

S’exprimant lors de cette réunion qui s’est tenue, mardi, au Centre international des conférences à Alger, le chef de la diplomatie algérienne a relevé le fait que cette réforme est certes «souhaitée et revendiquée par tous», mais «pas avec la même mesure ni avec les mêmes objectifs nobles et constructifs sur lesquels repose la position africaine commune».

La réforme réclamée par l’Afrique, a-t-il souligné, vise d’abord à lever l’injustice historique qui lui est imposée.  Le continent africain est, a-t-il ajouté, «le seul absent aux sièges permanents du Conseil et le moins représenté aux sièges non permanents au sein du même Conseil».

La réforme demandée par les Etats africains vise aussi à placer cet organe onusien à l’abri des tiraillements, des divisions et des polarisations qui ont occulté son rôle à un moment où l’on peut dire que le monde entier a besoin, plus que jamais, de ce mécanisme onusien central, en tant que garant de la légitimité internationale et des principes du droit international et en sa qualité de premier responsable de la sécurité du monde.

Déséquilibre des forces

Ahmed Attaf a fait état de nombreux exemples qui témoignent de «la situation grave et exceptionnelle» que traversent les relations internationales à l’heure actuelle, citant le cas édifiant de Ghaza qui «fait face à une guerre génocidaire depuis plus de huit mois, sans que le Conseil de sécurité puisse mettre fin à l’agression israélienne féroce qui lui est infligée ou tout au moins lui fournir les moyens de secours et de survie».

C’est ce contexte international d’une gravité et d’une complexité extrêmes, a-t-il insisté, «qui a remis au premier plan des priorités impérieuses, le dossier de la réforme de l’organe central de notre organisation onusienne».

Le ministre des Affaires étrangères a relevé dans le même sillage la situation inquiétante que traverse l’Afrique, avec notamment «une recrudescence des foyers de tension et de conflit qui affectent ses cinq régions, sans exception, au milieu des risques croissants d’ingérence étrangère devenue désormais un élément clé pour attiser les conflits et nourrir les divisions entre les enfants d’une même nation et d’une même organisation».

Le monde dans sa globalité, a-t-il noté, «connaît un déséquilibre des forces, un recul des valeurs et un recours croissant et préoccupant à la force au détriment des intérêts communs et du respect mutuel selon les principes de l’intérêt général international». Ce constat fait que la réforme du Conseil de sécurité, a affirmé M.Attaf, «s’impose aujourd’hui et pas demain».

Cette réforme «n’aura de sens que si elle place au cœur de ses objectifs la satisfaction des revendications de l’Afrique, en distinguant le prioritaire de l’accessoire», a-t-il enchaîné, estimant que «c’est tout le système international qui est lésé à travers la marginalisation de l’Afrique au sein de ce conseil». Donner à l’Afrique toute sa place dans cette institution internationale ne pourrait être que la renforcer et rendre son rôle efficace dans la gestion des conflits et l’instauration de la paix dans le monde.

Rendre le conseil de sécurité opérant

«L’Afrique veut à travers cette réforme rendre le rôle du Conseil efficace dans le traitement des crises et des conflits successifs qui s’accumulent, aux niveaux régional et international et face à la stérilité des initiatives diplomatiques pour l’élaboration des solutions et règlements escomptés», a ajouté M. Attaf tout en rappelant les positions équilibrées et judicieuses de l’Afrique et son engagement total en conformité avec les règles régissant les relations internationales.

L’Algérie, à travers son chef de la diplomatie, estime que les revendications africaines, telles qu’énoncées dans le consensus d’Ezulwini et dans la déclaration de Syrte, «ne doivent pas rester otages de l’impasse actuelle dans les négociations gouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité en raison des positions divergentes des autres blocs, qu’il est difficile voire impossible de concilier».

«Il est grand temps de mettre un terme à cette injustice de sorte à permettre à l’Afrique de se positionner comme acteur influent qui contribue en toute responsabilité à la préservation de la paix et de la sécurité internationales», a conclu M. Attaf pour lequel «la force de l’Afrique n’est pas seulement dans ses richesses naturelles considérables et ses ressources humaines extraordinaires, mais elle réside particulièrement dans l’unité de ses positions et de ses rangs».

De son côté, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de la Sierra Leone, Musa Timothy Kabba, a appelé les chefs d’Etat et de gouvernement en Afrique à accélérer les négociations visant à réaliser la réforme escomptée.

Le ministre, dont le pays préside le C10, a insisté sur l’importance de «maintenir l’unité de la position africaine et de déceler les raisons profondes de cette injustice afin d’y remédier». «Nous ne pouvons pas avoir une représentation équitable sans une présence permanente de l’Afrique au sein de ce Conseil», a-t-il affirmé.

Deux poids, deux mesures

Le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’UA, Bankole Adeoye, a, pour sa part,  salué le rôle de l’Algérie qui porte la voix de l’Afrique au niveau international. M. Bankole a par ailleurs fustigé la politique de deux poids deux mesures à laquelle se livrent certains pays à l’égard de plusieurs questions, notamment celle de la Palestine.

Il a insisté dans ce contexte sur l’application du Consensus d’Ezulwini, la Déclaration de Syrte et la feuille de route d’Oyala. Le consensus d’Ezulwini, conclu lors de la 7e session extraordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine en mars 2005, prévoyait de demander pour l’Afrique un minimum de deux sièges permanents avec le droit de veto et cinq sièges non permanents.

A cela s’ajoute le fait que l’UA se réserve le droit de choisir ses représentants à élire au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, pour agir en son nom et pour son compte. La Déclaration de Syrte, en Libye, le 5 juillet 2005, réaffirme le ferme attachement des chefs d’Etat africains au Consensus d’Ezulwini.

Idem pour le plan d’action d’Oyala, issu du cinquième sommet consultatif du Comité des dix chefs d’Etat et de gouvernement sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, tenu le 24 novembre 2023 à Oyala, en Guinée équatoriale. Le problème du Conseil de sécurité est l’usage du droit de veto.

Les décisions sont adoptées avec une majorité de 9 voix parmi les 15 voix des membres du Conseil, mais toute décision est rejetée dès lors qu’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) fait usage de son veto. 



 

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