Référendum sur la nouvelle constitution au Chili : Rejet massif du changement

06/09/2022 mis à jour: 08:09
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Les Chiliens ont massivement rejeté dimanche la proposition de nouvelle Constitution qui visait à remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), a rapporté hier l’AFP. Quelque 61,9% des électeurs, soit plus de 7,8 millions de personnes, ont glissé le bulletin «je rejette», contre 4,8 millions (38,1%) favorables à la mention «j’approuve», selon les résultats définitifs. 

Ce choix ne fait cependant que suspendre le processus de nouvelle Constitution entamé après le violent soulèvement populaire de 2019 réclamant plus de justice sociale, et rendait coupable de tous les maux du pays celle rédigée sous le régime militaire. «Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour construire un nouveau processus constitutionnel», a déclaré après les résultats le président de gauche Gabriel Boric, élu en décembre. Depuis le palais présidentiel de la Moneda, il a lancé «un appel à toutes les forces politiques pour qu’elles fassent passer le Chili avant toute divergence légitime, et qu’elles se mettent d’accord le plus rapidement possible sur les délais et les contours» de ce nouveau processus «dans lequel, bien sûr, le Parlement devra être le principal protagoniste». 

Célébrant la «défaite pour les refondateurs du Chili», le président du parti ultraconservateur UDI, Javier Macaya a déclaré, lors d’une conférence de presse, vouloir également «poursuivre le processus constitutionnel», comme s’y est engagée l’opposition durant la campagne pour faire barrage au texte proposé. «Président Boric : cette défaite est aussi la vôtre», a déclaré de son côté le leader d’extrême droite, Antonio Kast, qui s’est incliné lors du second tour de la présidentielle et admirateur de Pinochet. Un premier référendum en octobre 2020 a appelé à la rédaction d’un nouvelle Loi fondamentale (79%), et voir effacée l’ombre de Pinochet et d’un Chili ultra-libéral. 
 

Le nouveau texte est élaboré par les 154 membres d’une Assemblée constituante, élus en mai 2021. Il consacre un «catalogue de droits sociaux» dont l’Etat devra se porter garant. Pour schématiser, actuellement, seuls les employés cotisent au système de sécurité sociale. Selon la nouvelle constitution qui comprend 388 articles, les employeurs devront également y contribuer. Aussi, la proposition de Constitution établit le droit à un logement décent et stipule que l’Etat doit veiller au respect de normes minimales, notamment de surface, et garantir l’accès à la propriété ou à la location. Comme elle consacre le droit à «l’avortement volontaire».

 Le Parlement devra définir le nombre de semaines de grossesse maximal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) chirurgicale ou médicamenteuse. La Constitution en vigueur protège «la vie des enfants à naître», alors qu’en 2017, le Chili a dépénalisé l’avortement en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère ou de l’enfant. Le nouveau texte garantit la reconnaissance des différents peuples autochtones et établit également un nouvel ordre du système politique et judiciaire, ainsi qu’un nouveau mode de répartition du pouvoir avec la disparition du Sénat remplacé par une Chambre des régions. 

Il entend également consacrer le droit à l’avortement. La Constitution de 1980 ne fait aucune référence aux peuples indigènes qui représentent 12,8% de la population chilienne. Le projet proposé entend les reconnaître sous différentes nations à l’intérieur du pays, en parallèle l’Etat resterait «unique et indivisible». Une certaine autonomie leur serait accordée, notamment en matière judiciaire.
 

La hausse des tickets de métro à Santiago a déclenché un mouvement de contestation le 18 octobre 2019. Mouvement qui ne s’identifie à aucun parti politique ou syndicat. Malgré la suspension de cette décision et les mesures sociales proposées par le président conservateur, Sebastian Pinera, (augmentation de 50% du minimum vieillesse, cotisations des employeurs au régime de retraites, gel des tarifs de l’électricité entre autres), la contestation face aux conditions socioéconomiques et aux inégalités s’est étendue à d’autres régions et revendique une nouvelle Constitution. Car, le texte de 1980 limite l’action de l’Etat et consacre l’activité privée dans tous les secteurs, notamment l’éducation, la santé et les retraites, dans un pays où les inégalités sociales continuent à sévir.

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