Malgré l’incertitude qui les habite, leur faible représentation dans les instances politiques et des rapports compliqués avec les autorités, marqués par une «crise de confiance», les jeunes Algériens ont néanmoins le sens de la responsabilité et une certaine idée de la participation à la vie publique.
C’est ce qui ressort du récent rapport sur «l’engagement des jeunes Algériens, entre solidarité et résilience face à la pandémie», réalisé pour le compte de la Fondation Friederich Ebert et signé par Khadidja Boussaïd, Selim Kharrat et Saida Machat.
L’enquête met ainsi en avant une crise de confiance entre la jeunesse et les gouvernants, qui s’explique par une posture «paternaliste» à l’égard de cette frange de la population qui est en quête d’émancipation, d’autonomisation et d’apprentissage de la liberté.
«La jeunesse ne peut pas être entrevue qu’à partir des problématiques, certes objectives, mais sans cesse rééditées sous les mêmes schémas. Elle peut et doit être prise en compte, premièrement comme un indicateur des défaillances que connaissent les sociétés en termes de structures et fonctions sociales», lit-on.
Les rédacteurs recommandent de penser la jeunesse «comme une catégorie agissante, ou une force de progrès portant en elle des solutions face aux futurs défis et enjeux (économique, sanitaire, climatique, etc.) nationaux et mondiaux».
Il y a bien sûr ce que l’on sait déjà. Le rapport précise ainsi qu’une partie des jeunes se tourne vers l’immigration, qu’elle soit légale ou clandestine, précisant que, selon les données de l’Agence européenne des frontières, 55% des migrants clandestins vers les côtes espagnoles en 2020 étaient Algériens.
Il revient sur le mouvement populaire, le hirak, l’un des chapitres de l’histoire politique algérienne qui a vu un engagement des jeunes à l’heure où les analystes mettaient en avant le désengagement politique de cette frange de la société.
Selon les rédacteurs du rapport, les lois en vigueur ne semblent encourager ni la représentation des jeunes dans les instances de gouvernance, ni leur participation aux affaires publiques, citant un rapport de plaidoyer publié en 2020 par le Programme algérien des organisations de jeunesse «Sharek 2020» qui remet en question la condition d’âge légal minimal pour pouvoir se présenter comme candidat aux instances de gouvernance au niveau local et national.
Le même rapport affirme que la tranche d’âge des 15-35 ans est la moins représentée dans les instances de gouvernance et de prise de décision, bien qu’elle représente un tiers de la population algérienne.
Aussi le taux de jeunes déclarant adhérer à un parti politique est-il d’à peine 1%, le taux de jeunes qui déclarent prendre part à une activité partisane est de 3% et le taux de jeunes qui déclarent adhérer à un syndicat est de 0,2%.
«Malgré le désengagement apparent des jeunes, tout porte à croire que leur faible participation à la vie politique et associative n’empêche pas un certain éveil citoyen. L’engagement des jeunes dans les premiers rangs des manifestations du «hirak» en est la preuve la plus récente», écrivent les rédacteurs.
Ils remarquent néanmoins que les jeunes Algériens semblent rejeter les formes traditionnelles d’engagement, de représentation et de participation à la vie publique. Les réseaux sociaux deviennent ainsi le moyen privilégié d’information, de communication et d’engagement chez les jeunes.
Le rapport de la Fondation Fredrich Ebert note que dans leurs rapports avec les autorités, les jeunes Algériens semblent vivre une certaine «réserve». «La collaboration des jeunes avec les autorités se fait souvent quand cela est obligatoire, voire inévitable», écrivent les rédacteurs en notant une forme de «paternalisme» envers les jeunes.
Les interactions avec les structures étatiques telles que mentionnées par les jeunes aux enquêteurs de Friedrich Ebert relèvent le plus souvent des procédures administratives (notamment durant la pandémie): laisser-passer, autorisation de circulation ou d’accès aux institutions publiques, comme les hôpitaux.
La réponse et la réactivité des autorités à leurs requêtes sont en deçà de leurs attentes, selon le rapport, et les jeunes doivent le plus souvent avoir recours à des intermédiaires ou multiplier les relances afin d’obtenir satisfaction.
Pour autant, il est à souligner la mise en avant du sens du devoir qu’ont les jeunes Algériens, notamment à travers des initiatives citoyennes. Interrogeant les jeunes engagés dont la majorité était déjà active avant la crise sanitaire, le rapport éclaire sur le sens de la responsabilité qu’éprouvent les jeunes algériens.
«Pour les jeunes répondants au questionnaire, aider en temps de crise figure en deuxième lieu des devoirs de citoyen, après le respect des droits d’autrui.» Ensuite viennent le «respect de la loi», «le paiement de l’impôt» et le «vote», peut-on y lire.
Et de poursuivre : «Il apparaît que les devoirs citoyens qui nécessitent un socle de confiance citoyenne dans les pouvoirs publics sont ceux qui sont les moins cités par les jeunes. Interrogés sur les facteurs influençant le comportement solidaire, 34% des répondants pensent qu’il existe des facteurs pouvant influencer négativement les comportements solidaires et 46% estiment qu’il y a des facteurs pouvant l’influencer positivement.»
Néanmoins, il est à noter qu’il subsiste encore des inégalités dans la participation effective et dans les perspectives de participation des femmes à la vie publique dans le contexte algérien.