Quantités de gaz acheminées et fermeture du marché algérien aux produits espagnols : Le terrain économique continue de faire écho à la brouille diplomatique

17/04/2022 mis à jour: 19:05
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Le marché algérien serait fermé aux agriculteurs et opérateurs commerciaux espagnols

Le nuage de discorde diplomatique entre Alger et Madrid n’est pas près de se dissiper. Le choix du soutien du gouvernement espagnol au plan marocain sur la question du Sahara occidental a marqué une profonde cassure dans les relations entre l’Algérie et l’Espagne. 

Mais dans ses nouveaux calculs politiques, Madrid a omis de donner la pleine mesure aux échanges économiques et commerciaux et en premier lieu à l’apport énergétique important de l’Algérie. La brouille diplomatique s’est d’ailleurs soldée par la décision d’Alger de revoir les prix de vente du gaz à l’Espagne. 

Madrid perçoit d’ailleurs d’un mauvais œil le nouvel accord algéro-italien d’augmentation du niveau de transfert de gaz, qui signe «l’enterrement» de son projet de devenir un hub énergétique pour desservir l’Europe. L’Espagne s’est tournée vers les Etats-Unis afin de combler ses besoins en GNL et faire fonctionner ses centrales de regazéification. 

Ce pays a acheté en février dernier 32% de ses besoins en gaz américain et 21% du Nigeria. Mais le prix du GNL arrivant par méthaniers est par définition plus cher que le gaz exporté via gazoduc comme le Medgaz reliant l’Algérie à l’Espagne. 

Notre pays était le premier fournisseur du royaume ibérique à travers ce gazoduc géré par le contrat liant Sonatrach à la compagnie Naturgy. Après les interrogations sur la hausse des prix du gaz, des médias ibériques évoquent une nouvelle discorde liée cette fois-ci aux quantités de gaz devant être acheminées vers l’Espagne. 

En attendant la confirmation ou non par la partie algérienne, selon le média Okdiario, des «problèmes techniques empêcheraient l’envoi des quantités de gaz convenues par le contrat via Medgaz». Ce média cite des sources qui «reprocheraient à la partie algérienne d’invoquer des soucis techniques pour ne pas envoyer les quantités suffisantes de gaz, alors qu’il était convenu d’augmenter le flux de gaz depuis la fermeture en octobre dernier de la liaison du GME passant par le territoire marocain». 

Selon ce média, l’Espagne a «reçu en février 8801 GWh d’Algérie et pas un seul navire de gaz liquéfié n’est arrivé aux usines de regazéification… Le chiffre est inférieur à celui arrivé en janvier et ne représente que 23% du total, un chiffre inférieur aux 45% avant la fermeture du gazoduc GME». Il est utile de souligner qu’un accord a été signé entre les parties espagnole et marocaine pour la réutilisation du GME pour l’envoi de gaz de ces mêmes usines espagnoles de regazéification pour alimenter le Maroc.

Baisse de 20 à 30 euros des prix du bétail espagnol 

C’est d’ailleurs la ministre marocaine de la Transition énergétique qui vient d’annoncer que le royaume ibérique «mettra son infrastructure de regazéification de GNL à la disposition du Maroc et acheminera le gaz via le gazoduc GME dans le sens inverse», c’est-à-dire en direction du royaume alaouite.  

Madrid multiplie ainsi les pirouettes pour satisfaire son allié privilégié du moment, même si dans les discours, les responsables politiques du royaume ibérique insistent sur les liens stratégiques avec Alger. Force est de constater que sur le terrain économique, ce sont les faits qui comptent et ils disent que la discorde est bien installée.

Outre les retombées sur le secteur de l’énergie, le marché algérien serait fermé aux agriculteurs et opérateurs commerciaux espagnols. D’autres médias de ce pays du sud de l’Europe rapportent que les agriculteurs ibériques ont dû baisser de 20 à 30 euros le prix du bétail sur le marché intérieur du fait de la fermeture du marché algérien à leurs produits. 

Les mêmes agriculteurs critiquent la position de leur pays en faveur du plan marocain sur le Sahara occidental. «Quelques jours après l’annonce du soutien de l’Espagne à l’initiative marocaine d’autonomie du Sahara, l’Algérie a d’abord fermé son marché au bœuf espagnol, puis progressivement à tous les produits agricoles et commerciaux de la péninsule», rapportent des médias espagnols qui s’interrogent sur l’avenir des échanges entre les deux pays. 

L’Algérie, soulignent-ils, représente un des premiers marchés du bœuf espagnol en achetant quelque 20 000 tonnes par an, suivi par la Libye et le Liban. 

Les agriculteurs espagnols, qui ont déjà baissé leurs prix sur le marché local, envisagent de nouvelles baisses. «Le secteur de l’élevage, qui a été frappé cette année par des pénuries d’engrais et même des problèmes de transport, doit maintenant trouver de nouveau marchés pour remplacer les revenus précédemment reçus de l’Algérie», indique-t-on. Quelle suite sera donnée à la brouille entre les deux pays ? L’avenir nous le dira. 

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