Qualité des formations médicales continues en Algérie  : Réflexions et perspectives

14/01/2025 mis à jour: 23:33
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La Formation médicale continue (FMC) est au centre d’un grand débat dans les milieux de la santé. Il est reconnu qu’aucun professionnel de la santé ne peut prétendre exercer son métier avec les seuls acquis de sa formation médicale ou universitaire initiale. Si cela est vrai pour toutes les activités professionnelles, il reste crucial dans le domaine médical. 

Tout médecin constate que l’exercice professionnel révèle des besoins d’apprentissage complémentaires, notamment face à l’évolution rapide du domaine de la santé, tant sur le plan des connaissances que des techniques et des compétences médicales. La FMC est sans aucun doute l’investissement le plus sûr qui permettra d’améliorer la qualité des services de soins offerts à la société et de rehausser le niveau des pratiques et des compétences dans tous les domaines disciplinaires ou de spécialisation. 

Pour ce faire, les organisations de formation doivent impérativement prêter une attention particulière aux impacts et retombées positives de la FMC sur les pratiques des professionnels de la santé et sur la qualité des services de soins offerts aux patients et à la société, en général. 

La nécessité d’implémenter des apprentissages complémentaires ne fait que débuter et devra se poursuivre durant toute la carrière d’un professionnel de la santé. Sans cela, il sera difficile pour un professionnel de la santé de demeurer au fait des dernières données scientifiques disponibles, en raison du renouvellement rapide des connaissances. En d’autres termes, la FMC est le lieu idéal pour la mise à jour des connaissances et des compétences, favorisant le transfert des apprentissages et la formation aux pratiques et techniques de soins les plus récentes. D’une manière générale, la FMC répond à des objectifs de perfectionnement et de développement des compétences et des habiletés professionnelles requises pour assumer la fonction de soins. En contrepartie, il reste du devoir éthique et moral du médecin, qui s’engage en FCM, de s’assurer de l’accréditation de cette formation par un organisme autonome et compétent pédagogiquement.  


La simple présentation par l’organisation de la formation d’une autorisation administrative d’exercice professionnelle n’est pas suffisante à cet effet. Il est également du droit élémentaire du médecin de consulter les critères pédagogiques qui démontrent la qualité des apprentissages et des enseignements, en plus des compétences du formateur, tant pédagogiques que disciplinaires. Plus clairement, il ne suffit pas au formateur d’être expert dans son domaine médical, mais il devrait également se doter d’expertise pédagogique. Cela permet d’assurer des enseignements de qualité avec des impacts concrets sur la pratique médicale et la qualité des soins de santé.  


Pour le contexte algérien, il serait prétentieux d’avancer qu’il existe une grande culture de FMC. Toutefois, cette dernière est en plein essor, grâce aux multiples offres des différentes organisations de formation, notamment privées, intéressant tous les champs disciplinaires en sciences de la santé. La gestion académique et pédagogique de ce «bassin en expansion» de fournisseurs de FMC pose de nombreux problèmes de reconnaissance institutionnelle et surtout de qualité des apprentissages et des enseignements en FMC.


En de termes plus responsables, la profusion des offres FMC donne matière à réflexion quant à la valeur de leurs finalités pédagogique, médicale et sociale. Il y a également matière à réfléchir sur la conception des curriculums de formation, des programmes disciplinaires et de la qualité de ces formations en termes des apprentissages et des enseignements. Il en est de même de l’absence d’évaluation de ces formations par un organisme autonome, compétent et doté d’expertise pédagogique reconnue au niveau local. En résumé, il y a un vaste champ de réflexion et d’action pour analyser et améliorer les aspects réglementaires et pédagogiques de l’offre de FMC en Algérie. 


Une première analyse montre qu’aucun programme en contexte de la formation continue n’est reconnu directement par le ministère de la Santé. Les offres de formation qui prétendent l’être sont en vérité reconnues seulement à l’intérieur de leur organisation, d’une manière tacite ou implicite. Elles manquent toutefois de toute évaluation par un organisme autonome et compétent dans le domaine de la conception des programmes et des curriculums de formation. Sur le plan didactique et pédagogique, ces formations opèrent le plus souvent sur un mode informationnel et unidirectionnel, dénuées souvent d’activités d’apprentissages, ce qui aura un impact médiocre sur le transfert des apprentissages. 

On observe également des lacunes de planification méthodique et pédagogique des enseignements et des apprentissages qui «contextualise» adéquatement les FMC en tenant compte des particularités de chaque domaine professionnel des soins de santé. 

Par conséquent, les connaissances acquises par les professionnels de la santé lors de ces formations se traduisent rarement, sur le terrain, par une transformation concrète des attitudes, des comportements et des compétences ou des pratiques cliniques en milieu de santé.

Un autre aspect critiquable est la valeur de l’attestation de FMC, ce document délivré par l’organisation de formation, qui reconnaît au titulaire un niveau de capacité vérifié par un contrôle ou une évaluation des apprentissages. Il est courant de voir des attestations FMC pour des formations s’étalant sur une à deux journées et totalisant en moyenne 8 à 16 heures de formation en présentiel. 

Dans notre contexte professionnel et socioculturel, une attestation de formation atteste le plus souvent de la participation à une action de formation et sans évaluation des apprentissages. Dans ce contexte, l’obtention et la délivrance d’une attestation de formation ne prouvent ni la profondeur des acquis ni la qualité des apprentissages. 

Cette analyse met en évidence la nécessité urgente de réformer la FMC afin d’assurer non seulement la crédibilité des certifications délivrées, mais aussi leur impact réel sur les pratiques professionnelles. L’établissement de normes et d’exigences concernant la certification pourrait constituer un levier essentiel pour l’amélioration globale de l’offre de FMC en Algérie. Le passage d’une simple attestation de formation à une «certification accréditée» est une réforme indispensable déjà implémentée par toutes les universités des pays anglo-saxons et les organismes d’accréditation à l’international. 

Un certificat en contexte de la FMC comptabilise plus de 120 heures d’apprentissage, une durée suffisante pour s’assurer de la qualité et de la profondeur des apprentissages, et du transfert des acquis. De plus, un certificat de formation est parachevé par des évaluations formatives et continues des apprentissages, selon les normes docimologiques en vigueur, et suivi de rétroaction formative.  

En d’autres termes, un certificat de formation assure que l’apprentissage repose sur un programme structuré selon une approche par compétences, des objectifs d’apprentissage précis et clairement définis, et des critères d’évaluation cohérents, aboutissant à une note finale et une lettre de suivi des apprentissages pour chaque apprenant. Le cas échéant, le certificat FMC peut faire partie d’un curriculum ou programme de formation intégral, à l’exemple de ce qui se fait dans les universités de l’Amérique du Nord.  

Cependant, cela ne comble pas l’absence d’un organisme autonome et compétent, accrédité par le ministère de la Santé, chargé de l’évaluation des programmes de FMC en Algérie. L’insuffisance de ressources humaines qualifiées pour assurer cette évaluation constitue, sans doute, l’une des causes principales de ce manque. 

Alors que ce vide juridique profite à certains fournisseurs de formations, il pénalise les organisations de formation sérieuses qui souffrent de l’absence d’un processus de reconnaissance académique et pédagogique de leurs programmes. Face à cette situation, certains organismes de formation algériens se sont tournés vers des institutions européennes et canadiennes, afin de faire reconnaître et valoriser leurs programmes de formation conformément aux normes pédagogiques en vigueur. 

A titre d’exemple, la Société de formation et d’éducation continues au Canada (Sofeduc) établit des standards précis pour reconnaître et valider une formation continue. Selon cet organisme, une formation continue est validée en respectant dix critères de qualité pédagogiques et administratifs. 

Les organismes fournisseurs de formation doivent impérativement satisfaire à ces normes pour être autorisés à délivrer des unités d’éducation continue (UEC). La Sofeduc définit une UEC comme correspondant à dix heures de participation à une activité de formation structurée, organisée et dirigée par une organisation accréditée, animée par des formateurs compétents et validée par une évaluation des apprentissages. 

Il est crucial que le ministère de la Santé comble le vide juridique en instaurant un organisme autonome chargé de la reconnaissance académique et pédagogique des programmes disciplinaires, suivant des critères préétablis de qualité. 

Cette initiative est fondamentale pour promouvoir une culture saine de la FMC, pierre angulaire du développement des compétences dans tous les domaines scientifiques et professionnels. De plus, la notion de certification qualité ou de l’assurance qualité en contexte de la formation continue doit être soutenue et promue comme outil de gestion des formations, tant sur le plan pédagogique que sur le plan administratif.  

Finalement, on ne rappellera jamais assez que le «bricolage» et «l’amateurisme» dans la gestion pédagogique de FMC doivent cesser pour donner la chance aux ressources humaines compétentes de faire valoir leur savoir-faire et savoir agir dans le domaine de la gestion de formation. 

 

Par Dr Lardjane Dahmane  , Conseiller et concepteur en pédagogie
des sciences de la santé
Par Dr Haïreche Mohamed Amine , Consultant et formateur en recherche clinique

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