Projets débloqués et incitations économiques : Le retour des capitaines d'industrie

22/12/2022 mis à jour: 16:32
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Par Omar Berrbiche

L’économie nationale a payé un lourd tribut aux pratiques de règlements de comptes érigé par l’ancien système de Bouteflika en mode de gouvernance. L’objectif étant d’intimider, faire taire les voix qui lui sont hostiles : des hommes d’affaires, des capitaines d’industrie, des médias qui ont commis le crime de lèse-majesté de ne pas soutenir son programme, qui l’ont combattu, ou affiché des sympathies à l’endroit d’autres personnalités lors des différents scrutins présidentiels. Des groupes privés florissants, cités en exemple, en Algérie et à l’étranger, des success stories, dans divers domaines d’activités, à l’instar de l’entreprise Cevital, se sont vus stopper net dans leur dynamique de développement et réduit à un état quasi végétatif. Leurs projets de diversification et d’extension de leur activité furent gelés au profit de concurrents proches de l’ancien pouvoir, leurs patrons ruinés et livrés à la justice, sur la base de dossiers vides, pour nombre cas. De la même façon, la presse, du moins les titres qui se sont montrés critiques vis-à-vis des choix politiques, économiques et sociétaux de la gouvernance de Bouteflika, qui ont dénoncé son autoritarisme, l’appropriation du pouvoir par les forces extraconstitutionnelles à la suite de la maladie de l’ex-Président jusqu’à sa démission, ont subi toutes sortes de représailles. Harcèlement judiciaire, pression fiscale et parafiscale, interdiction d'accès à la publicité institutionnelle, et autres blocages administratifs… Tout a été entrepris pour pousser à la faillite des entreprises de presse économiquement viable et à l’audience reconnue. Cette politique de la chasse aux sorcières qui a touché des entités économiques, des cadres marginalisés, parce qu’ils n’ont pas fait montre d’assez d’enthousiasme et de zèle, attendus d’eux, pour défendre le système en place, a occasionné des dégâts incommensurables pour l’économie du pays, décourager les investisseurs, les bâtisseurs de l’Algérie. Des entreprises, par milliers, sont poussées à mettre la clé sous le paillasson, croulant sous les dettes,  pour des raisons, préfabriquées, qui n’ont rien à voir avec la performance économique et la sanction du marché. Un véritable gâchis ! Relancer les entreprises fermées ou celles en difficulté, qui ont résisté au prix d’immenses sacrifices et qui se trouvent, aujourd’hui, dans un état déstructuré, exige un environnement économique apaisé et affranchi des pesanteurs du passé . 

De nombreux projets débloqués

Le patriotisme économique vanté par tous les pouvoirs qui se sont succédé n’a pas dépassé le stade des discours, des incantations politiques. Il est heureux aujourd’hui de constater que les engagements de l’Etat se traduisent concrètement sur le terrain, et mieux encore, que des délais sont rigoureusement fixés pour leur mise en œuvre. Si le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a inscrit au titre de ses priorités le déblocage des nombreux projets en souffrance hérités de la gestion passée, c’est que le mal est profond et le préjudice occasionné au pays lourd, en termes de perspectives économiques ratées, de confiance rompue entre l’Etat et le monde des affaires, sans compter le mauvais signal lancé aux investisseurs étrangers. Le médiateur de la République et ses représentants au niveau des wilayas ont réussi, en un court laps de temps, la gageure de lever les entraves bureaucratiques de toutes natures : d'accès au foncier industriel, de financement, de formalisation du dossier d’investissement, qui ont empêché des milliers de projets de voir le jour. Le dernier bilan de l’ancien médiateur de la République, Brahim Merad, devenu ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, faisait état de 802 projets d’investissement débloqués, dont 605 projets sont entrés en production, sur un total de 915 dossiers. L’opération a permis la réintégration de 34 000 travailleurs à leur poste. Pour sa part, le ministre de l’Industrie avait annoncé, lors d’une visite dans la wilaya deTipasa, que 15 entreprises publiques à l’arrêt, sur 51 groupes industriels reprendront leurs activités avant la fin de l’année. Des plans de sauvetage d’entreprises en difficulté sont élaborés et doivent être soumis devant le Conseil de participation de l’Etat, avait annoncé le ministre, citant notamment le groupe TonicEmballage, l’Unité de construction et de maintenance navale (Ecorep) de Bouharoun, l’Entreprise de détergents de Sour El Ghozlane, à Bouira, du Complexe des pâtes alimentaires de Bouchegouf, à Guelma… Le dossier de la récupération du foncier industriel inexploité, une des revendications récurrentes des investisseurs, semble également bien avancé. Les commissions locales présidées par les walis sont à pied d’œuvre et l’on annonce déjà la reprise en main de quelque 2000 hectares octroyés pour des projets fictifs dont certains sur des terres agricoles. Rien que dans la wilaya de Tipasa, il a été récupéré 107 hectares de foncier industriel. C’est dire le potentiel énorme qui existe et qui ne demande qu’à être exploité. Encore faudrait-il qu’il soit attribué aux véritables investisseurs qui créent de la richesse et non aux spéculateurs, comme cela s’est fait par le passé. Signe de la nouvelle économie politique du pays, aujourd’hui, c’est l’Etat qui propose et démarche les investisseurs potentiels en leur offrant des opportunités de disposer d'assiettes foncières pour lancer des projets ou accueillir des extensions de leurs investissements. C’est ce qu’a fait le président de la République lors de l’inauguration de la Foire de la production nationale devant les responsables du complexe laitier Soummam de Béjaïa auxquels il a exprimé la disponibilité de l’Etat de mobiliser jusqu’à 10 000 hectares dans le sud du pays pour développer l’activité d’élevage de l’entreprise. 

Le grand mal de l’Algérie, par le passé, vient du mélange des genres entre le pouvoir politique et le champ économique. Dans les démocraties, la sensibilité politique d’un homme d’affaires n’est pas un motif d’excommunion, de bannissement, quelle que soit la majorité politique au pouvoir. L’Algérie qui a besoin de tous ses enfants pour construire le pays, a tout à gagner à rompre avec le règne de l’inquisition, marque de fabrique de la gouvernance passée, pour libérer les initiatives . 

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