Projet d’accord sur un cessez-le-feu à Ghaza : Tractations décisives sur fond de pressions internationales

05/06/2024 mis à jour: 15:18
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Photo : D. R.

Le processus en cours, même s’il demeure frappé de beaucoup d’imprécisions, de confusion et de contradictions, est porté par un significatif forcing international.

L’ambiguïté et la confusion ont continué à marquer hier la position israélienne sur le projet d’accord sur un cessez-le-feu à Ghaza selon les termes présentés par le président américain vendredi dernier.

Le porte-parole des Affaires étrangères qatari, principale diplomatie de médiation dans le conflit, cité par la chaîne Al Jazzera hier, a signifié cependant qu’une proposition plus concrète du gouvernement Netanyahu a fini par parvenir aux instances de négociations et que celle-ci a été transmise immédiatement aux représentants du Hamas. Majed El Ansari a révélé que la substance du document transmise par Tel-Aviv ne s’écarte pas des principes énoncés par le discours de Joe Biden il y a quelques jours et qu’il était désormais permis de penser que les pourparlers peuvent reprendre sur des bases plus favorables à un accord dans le court terme.

Plus tôt dans la journée, l’AFP donnait un autre son de cloche en citant le même diplomate qatari. Ce dernier a déploré l’absence de réponses claires du côté israélien et du côté du Hamas. «Nous n’avons pas encore vu de position très claire de la part du gouvernement israélien sur les principes énoncés par Biden», reprend l’agence française.

Globalement, il était clair en fin de journée d’hier que quelque chose de décisif se jouait et que d’heure en heure, la situation pouvait évoluer rapidement dans le sens d’un déblocage de la situation ou de son contraire. Les échos en provenance de Tel-Aviv ont continué à faire état d’une partie très serrée et tendue entre les partisans d’une reprise des négociations et ceux fermement opposés à «la capitulation» proposée par la Maison-Blanche.

C’est là la position de l’extrême droite israélienne perdant ses nerfs de plus en plus et accentuant la pression sur le Premier ministre pour l’amener à fermer la porte des pourparlers, sous peine de faire voler en éclats la coalition gouvernementale qui le maintient à la tête de l’Exécutif. Pour contrer l’offensive de l’extrême droite, Netanyahu, qui a visiblement fait le pari de ne pas trop entrer en conflit avec le président américain sur ce coup, a engagé des tractations au sein de son propre parti, le Likoud, pour en tirer le maximum de soutien et faire face à un éventuel coup de Jarnac de l’extrême droite.

Mais dans la journée, le parti ultra-orthodoxe Shass, rassemblant notamment la communauté Sépharade, et comptant 11 membres à la Knesset (Parlement israélien) et un ministre au gouvernement, a déclaré s’inscrire dans l’élan d’un accord pour libérer les «otages» israéliens. Sa composante réclamant l’exemption du service militaire, pour des «raisons religieuses», n’a pas apprécié la levée de cette dérogation par la Cour suprême en avril dernier, et semble donc intéressée par une fin de la guerre qui lui épargne une mobilisation obligatoire.

Mauvaise foi occidentale

Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, respectivement ministres des Finances, chargé également des colonies, et ministre de la Sécurité intérieure, ne dorment plus quant à eux leurs nuits ; ils multiplient les appels à poursuivre la guerre en menaçant de remettre en cause une combinaison politique, la plus à droite de l’histoire, qui le 21 décembre 2022 a permis à Netanyahu d’être pour la sixième fois Premier ministre.

Le pari semble désormais lancé pour les isoler, dans cette phase à tout le moins. Le chef de file de l’opposition, Yair Lapid, qui répète depuis des mois que la primature israélienne était l’otage de trois ou quatre ministres écervelés de l’extrême droite, est revenu à la charge hier pour assurer qu’un large consensus politique est dégagé dans l’Etat hébreu pour retenter la voie de la négociation. Ce qui est certain, c’est que le processus en cours, même s’il demeure frappé de beaucoup d’imprécisions, de confusion et de contradictions, est l’objet d’un significatif forcing international.

Les ministres des Affaires étrangères de cinq pays arabes, du voisinage ou impliqués directement ou indirectement dans le processus de médiation (Qatar, Egypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis), soulignent, dans une déclaration conjointe, «l’importance de s’engager sérieusement et positivement dans la proposition du président américain d’accepter un accord qui garantisse un cessez-le-feu permanent et l’acheminement adéquat de l’aide dans toutes les parties de la bande de Ghaza afin d’alléger les souffrances de sa population», indique le document, en appelant également à «la libération des otages et des détenus».

Les dirigeants du G7 ont, pour leur part, rendu public un communiqué commun pour soutenir le «plan Biden» pour un cessez-le-feu à Ghaza, ainsi qu’à «un processus de paix crédible conduisant à une solution à deux Etats».

Mais fidèle à un parti pris qui rend responsable le Hamas de bloquer les solutions négociées, le communiqué ne s’est pas empêché de faire du Joe Biden justement et d’appeler pernicieusement le mouvement palestinien à «accepter l’accord qu’Israël est prêt à mettre en œuvre» et demander «instamment aux pays qui ont une influence sur le Hamas de contribuer à faire qu’il soit appliqué».

Le président américain a, de son côté, dans une interview accordée au Times, réitéré hier que la résistance palestinienne à Ghaza est la seule responsable du blocage des processus de négociation et qu’il lui revenait entièrement de dépasser le statu quo en répondant favorablement à la nouvelle proposition. La même mauvaise foi a été exprimée par l’Elysée dans un communiqué diffusé après un entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahu. Le président français appelle à son tour le Hamas à agréer rapidement la proposition israélo-américaine.

Ces appels ont fait réagir hier un responsable du mouvement palestinien. Samy Abou Zahri, haut cadre politique du Hamas cité par Al Jazeera, réaffirme que le mouvement ne s’est jamais opposé à de vraies propositions de négociation, contrairement à Tel-Aviv qui multiplie les «manœuvres dilatoires et la désinformation, avec la complicité de Washington» pour poursuivre la guerre à Ghaza.

Attaf reçoit un appel téléphonique de Blinken sur la situation à Ghaza

Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a reçu hier un appel téléphonique du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, au sujet des développements de la situation dans la bande de Ghaza, a indiqué un communiqué du ministère.

Dans ce contexte, «les deux ministres ont procédé de manière toute particulière à un échange de vues sur l’initiative annoncée par le président des Etats-Unis, Joe Biden, visant la cessation des hostilités à Ghaza, le renforcement de l’accès de l’aide humanitaire et la préparation de la reconstruction dans ce territoire», a expliqué le communiqué. Les deux ministres ont, en outre, examiné les conditions d’une prise en charge de l'initiative américaine par le Conseil de sécurité, précise la même source.

M. Attaf a insisté, pour sa part, «sur la nécessité de saisir les opportunités offertes par cette initiative, de s’assurer qu’elle s’inscrive bien dans l’objectif d’un cessez-le-feu durable, qu’elle mette fin aux épreuves endurées par le peuple palestinien à Ghaza et, enfin, qu’elle constitue une étape vers le règlement définitif, juste et durable du conflit israélo-palestinien à travers l’établissement d’un Etat palestinien souverain et indépendant conformément à la légalité internationale et à la volonté de plus en plus affirmée de la communauté internationale», conclut le communiqué du ministère. (APS)


 

 

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