Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ont déposé une résolution condamnant le manque de coopération de l'Iran dans le dossier nucléaire, malgré une mise en garde de Téhéran, au premier jour hier d'une réunion de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à Vienne, rappelle l’AFP.
Paris, Berlin et Londres (E3), associés à Washington, ont formellement soumis le texte en vue d'un vote probablement aujourd’hui par le Conseil des gouverneurs, qui compte 35 Etats membres, selon des sources diplomatiques. La présentation de cette résolution, à portée symbolique à ce stade, intervient juste après une visite de Rafael Grossi en Iran.
Il s'est rendu sur deux importants sites nucléaires en Iran et a rencontré la semaine dernière le président iranien Massoud Pezeshkian, qui affirme vouloir lever «doutes et ambiguïtés» sur son programme nucléaire controversé. Selon un rapport confidentiel de l'AIEA, Téhéran a initié des préparatifs pour stopper l'expansion de son stock d'uranium hautement enrichi. Un gage de bonne volonté accueilli avec «scepticisme» par Washington et ses alliés de l'E3, a confié un haut diplomate. Las d'attendre des mesures concrètes, ils ont donc décidé d'aller de l'avant avec la résolution, quelques mois à peine après une démarche similaire en juin.
Le texte final «réaffirme qu'il est essentiel et urgent» que le pays fournisse des «réponses techniques crédibles» concernant la présence de traces d'uranium inexpliquées sur deux sites non déclarés près de Téhéran, Turquzabad et Varamin. Et réclame un «rapport complet» à l'AIEA «d'ici au Conseil des gouverneurs de mars 2025 ou au plus tard au printemps». Selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui s'est entretenu avec son homologue iranien, «l'escalade nucléaire» de l'Iran est «très préoccupante et comporte des risques majeurs de prolifération».
«La France, avec ses partenaires allemand et britannique, poursuit ses efforts pour un retour à des négociations», a-t-il ajouté dans un communiqué. De son côté, le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, a prévenu que son pays «réagira en conséquence» à la résolution déposée à l'AIEA par des pays européens et les Etats-Unis. Si ces pays «ignorent la bonne volonté (...) de l'Iran et mettent des mesures non constructives à l'ordre du jour de la réunion du Conseil des gouverneurs par le biais d'une résolution, l'Iran réagira en conséquence et de manière appropriée», a-t-il indiqué lors d'un appel téléphonique hier avec le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, rapporté par l'agence officielle IRNA.
«Beaucoup à faire»
Un peu plus tard, ce dernier a salué un engagement «concret» de l'Iran, après la mise en place par Téhéran de préparatifs pour stopper l'expansion de son stock d'uranium hautement enrichi. «Je pense que c'est un pas concret dans la bonne direction», et ce, pour la première fois», a-t-il déclaré devant la presse au premier jour du Conseil des gouverneurs de l'instance onusienne à Vienne. «Nous avons là un fait qui a été vérifié par nos inspecteurs», a-t-il ajouté.
Il a reconnu qu'il reste «beaucoup à faire» pour améliorer la coopération après des années de tensions. Il a qualifié «d'important le fait que pour la première fois, l'Iran prenne une direction différente (...) et dise OK, on arrête». Selon lui, la République islamique n'a posé «aucune condition», mais il «ne peut exclure» qu'elle revienne sur son engagement si la résolution critique est votée. Selon un rapport de l'AIEA, ses experts ont pu constater sur les sites nucléaires de Natanz et Fordo «que l'Iran a commencé à mettre en œuvre des préparatifs visant à stopper l'augmentation de son stock d'uranium enrichi à 60%».
Ce seuil est proche des 90% nécessaires pour élaborer une bombe atomique. Téhéran conteste avoir de telles ambitions sur le plan militaire et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie. En 2015, l’E3 ainsi que les Etats-Unis, la Chine et la Russie ont conclu avec l'Iran un accord sur le nucléaire à Vienne. Ce pacte dit JCPOA prévoyait un allégement des sanctions internationales contre Téhéran, en échange de garanties que l'Iran ne cherche pas à acquérir l'arme atomique. Téhéran nie farouchement avoir de telles ambitions sur le plan militaire et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie.
En 2018, Donald Trump, alors Président, a retiré unilatéralement les Etats-Unis de l'accord auquel se conformait Téhéran, selon l'AIEA et rétabli de lourdes sanctions. En représailles, le pays a considérablement augmenté ses réserves de matières enrichies et porté le seuil à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme atomique. Le JCPOA, désormais une coquille vide que des négociations ont échoué à ranimer en 2022, plafonnait ce taux à 3,67%.
D'après l'AIEA, l'Iran est le seul Etat non doté d'armes nucléaires à enrichir de l'uranium à ce niveau élevé, tout en continuant à accumuler d'importants stocks. Ses réserves de matière enrichie à 60% se situent désormais à 182,3 kg. Soit suffisamment pour produire plusieurs bombes en vertu de la définition de l'instance onusienne. En 1970, l'Iran a ratifié le Traité de non-prolifération, qui fait obligation aux Etats signataires de déclarer et placer leurs matières nucléaires sous le contrôle de l'AIEA. Selon l'AIEA, l'Iran est le seul Etat non doté de l'arme atomique à enrichir l'uranium au niveau de 60%, tout en accumulant d'importants stocks, suffisants pour produire plusieurs bombes. Le total s'élevait à 6604,4 kg fin octobre, selon le rapport de l'AIEA, soit plus de 32 fois la limite autorisée par l'accord international de 2015.