Après une rude sélection, les membres du jury de la 13e édition du Prix littéraire Lorientales 2024 ont jeté leur dévolu sur l’écrivain franco-algérien Abdelkrim Saifi pour son roman Si j’avais un franc publié chez Anne Carrière en 2023, élu au deuxième tour avec 11 voix sur 18.
Le sixième prix, après ceux du Prix du roman de la Grande Mosquée de Paris, le grand prix national de littérature du Lions club et le prix des lycéens de la fondation Lagardère et Institut du monde arabe.
Après la publication d’une biographie Pasteur ou la rage de vaincre éditée en 1995 aux éditions La Voix du Nord, il publie son premier livre Si j’avais un franc, un roman dans lequel il raconte l’histoire d’immigrés venus d’Algérie dans les années 1950, inspirée de celle de ses propres parents. Ils sont arrivés de l’oasis de Biskra à Hautmont, dans le nord de la France, où Abdelkrim a grandi. Une histoire passionnante, émouvante, écrite avec le cœur d’un enfant d’émigrés.
D’ailleurs, les membres du jury n’ont pas tari d’éloges à l’égard du livre en le qualifiant de «un récit romancé, verve mais jamais victimaire, une ode de l’intégration, un livre qui porte l’’espoir, l’écriture est fluide et accessible, un récit avec les codes du roman et avec justesse de ton, un livre précieux, très positif porteur d’ouverture, une ode au sacrifice des parents pour la réussite de leurs enfants…»
Contacté à Paris, l’auteur a déclaré à chaud : «Je suis très heureux d’avoir été lauréat de ce prix prestigieux. C’est toujours agréable pour un auteur d’être distingué par des lecteurs, ou par un jury de spécialistes. Ce roman est basé sur une histoire vraie, que j’ai écrite avec les codes du roman. Je voulais rendre hommage à mes parents, bien sûr, mais au-delà à toute cette génération d’immigrés qui a sacrifié beaucoup de sa vie pour essayer d’avoir des jours meilleurs, pour eux et leurs enfants. J’en ai connu beaucoup, qui étaient des personnes magnifiques, et j’avais le ventre noué à l’idée qu’elles tombent dans l’oubli. Ces hommes et ces femmes avaient la nostalgie de leur pays, l’Algérie, qu’ils avaient dans leur cœur, dans leur âme, un attachement douloureux souvent tant leurs liens avec le pays étaient puissants, profonds, inaltérables.
C’est ce que j’ai voulu raconter, avec souvent une vie de misère à l’usine, sur les chantiers, dans les mines. J’ai un immense respect pour eux. Et pour elles, ces femmes dignes qui ont affronté la tête haute toutes les vicissitudes, la charge de l’éducation, dans l’éloignement, dans l’absence de lumière.» Et d’ajouter : «Et puis, j’ai écrit ce livre parce que je ne supportais plus ce discours ambiant, en France, contre l’immigration, qui nie l’histoire, celle d’une génération qui a contribué à bâtir, aux côtés de leurs camarades français, la France d’aujourd’hui... Une sorte d’ingratitude qui me révolte.
Je fais partie de ce qu’on appelle la deuxième génération, et je raconte aussi dans le roman les chemins de l’intégration en France, chemins sinueux pour la plupart. Avec les déchirements entre la fidélité à l’histoire, à la culture des parents, que nous bénissions, et l’attraction du pays d’accueil, qui a fini par être leur pays. Mais qui va nous enlever cette part d’Algérie qui est en nous ? Personne. Elle est là, dans sa lumière, même si cette lumière s’atténue avec le temps. J’ai toujours la même émotion, comme au premier jour, quand j’arrive à Alger, quand je vais prendre mon café sur la place de l’Emir Abdelkader, quand je foule le sable chaud de Lichana, à Biskra, comme mon père et ma mère le faisaient, comme mes ancêtres, en mangeant quelques dattes qui avaient pour eux le goût d’un paradis perdu. Et pour moi le goût d’un paradis retrouvé.»
Abdelkrim Saifi a été journaliste au «Nouvel Observateur» et à «La Voix du Nord» pendant 18 ans, enseignant à l’université de Lille, puis président d’une fondation de recherche. Créé en 2011 par Omar Taleb, algérien d’origine, médecin de formation, musicien et écrivain, le prix littéraire les Lorientales en référence de sa ville d’adoption, Lorient, est choisi parmi les romans publiés en France et édités dans les librairies en 2023, francophones, écrits en français ou traduits en français. Les auteurs pourront être de toutes les nationalités, mais le récit, les personnages et l’action doivent nécessairement se référer à l’univers oriental…