Prévention contre les feux de foret : Le figuier de barbarie, un coupe-feu naturel

13/05/2023 mis à jour: 00:33
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Une vaste opération de plantation de figuiers de barbarie est prévue prochainement dans la wilaya de Tizi Ouzou, et le choix de cette plante en particulier n’est pas anodin. Elle est justement connue pour être le pare-feu idéal. Explications.  

Dans le cadre des actions préventives et de lutte contre les feux de forêt, une opération de plantation de quelque 9000 m2 de figuier de barbarie, de son nom scientifique Opuntia, sera bientôt lancée dans la wilaya de Tizi Ouzou. 

La Conservation des forêts a d’ailleurs indiqué que cette opération porte sur la réalisation de haies de figuier de barbarie qui constitueront un obstacle naturel à la propagation des incendies au niveau de la circonscription forestière d’Azazga, à l’est de la wilaya. Et il faut dire que le choix de cette plante n’est pas anodin. En effet, le figuier de Barbarie ou Opuntia ficus indica est une plante qui présente plusieurs avantages. Cette plante d’origine mexicaine s’est particulièrement adaptée au Maghreb et particulièrement en Algérie. 

Elle est présente dans différentes régions du pays et est connue de tous. «Les utilisations de celle-ci sont multiples, que ça soit pour les formations de haies, le fourrage pour animaux en période de disette, la production de fruits, et depuis peu, de vinaigre et d’huile de pépins», affirme Djamel Belaid, ingénieur agronome, spécialisé en vulgarisation des techniques innovantes. 

Cette plante est également utilisée, selon le spécialiste, en milieu steppique. «Dans les années 1990, le Haut-Commissariat au développement de la steppe a réalisé des plantations de grande ampleur dans la région de Tébessa. La rusticité de la plante lui a permis de prospérer dans un milieu dégradé par le surpâturage. Sur des sols peu profonds l’opuntia a réussi à développer un réseau racinaire sur plusieurs mètres de long», ajoute-t-il. 

Précisant que le fait que la plupart des espèces d’opuntia possèdent des épines, cela les protège de la dent des animaux d’élevage dans les zones de vaines pâtures. En ce qui concerne sa réputation de plante pare-feu ou plante ignifuge, elle a été constatée en de nombreuses localités lors des incendies de ces derniers étés. En milieu rural, les fermes et habitations entourées de haies d’opuntia n’ont pas été touchées par les flammes. «Pour qu’un objet inflammable prenne feu, il faut qu’il soit porté à une certaine température au-delà de laquelle démarre la combustion. 

Or, dans le cas de l’opuntia, les raquettes sont riches en eau et en un gel mucilagineux qui retarde ce processus de combustion», explique M. Belaid. Selon ce dernier, on considère qu’un hectare d’opuntia peut renfermer jusqu’à 180 tonnes d’eau. Même si les raquettes perdent une partie de leur eau en été, la teneur en eau de leur tissu reste bien plus élevée que la plupart des autres végétaux. 

Et dans le but d’optimiser l’effet pare-feu, il est important de réaliser un débroussaillement qui est une opération annuelle et obligatoire pour protéger les écosystèmes et leur biodiversité contre la propagation des feux où au moins diminuer leur intensité. «Cela est d’autant plus important que les plantations d’opuntia peuvent être totalement détruites par des ravageurs. L’un des plus redoutables est la cochenille qui se nourrit de la sève de la plante. L’un des moyens de lutte est de saupoudrer les plantes de terre de diatomée», recommande M. Belaid. Une fois que les 9000 m2 de figuier de barbarie plantés, combien de temps est-il nécessaire afin que ces plantations soient «opérationnelles» contre les feux ? 

A en croire Djamel Belaid, il faut compter un minimum de trois ans. Et pour cause : plantés en alignement pour former des haies, «il faut une hauteur suffisante pour faire barrage aux flammes», explique le spécialiste. Toutefois, plusieurs paramètres sont à prendre également en compte. Le premier concerne la largeur de la haie. Plus celle-ci sera importante et plus l’effet pare-feu sera, selon M. Belaid, notable. Vient ensuite le mode de plantation. Selon le chercheur, pour gagner en hauteur, il est possible de planter jusqu’à 5 raquettes attachées les aux autres. A cet effet, le chercheur assure que la réalisation d’une tranchée avec ameublissement du sol «permet également une plus grande vitesse de reprise». De même que la pratique de l’irrigation, un apport d’engrais et un désherbage favorisent, selon le spécialiste, la croissance. 

En effet, il est connu que l’opuntia aime les sols drainants, c’est pourquoi, il est important d’éviter les plantations dans les sols où l’eau peut stagner. En revanche, dans les sols en pente, il est conseillé de réaliser les plantations dans des cuvettes ou contre un muret de pierres sèches afin de retenir l’eau qui ruisselle. Selon M. Belaid, «traditionnellement, la méthode la plus employée pour planter de l’opuntia est de poser une raquette à même le sol et à poser une pierre». La raison est que les racines émergent du milieu des raquettes et non pas de leur base. Cependant, si cette méthode de plantation est rapide, «la croissance de la haie est réduite la première année», prévient le spécialiste. «Il s’agit d’une multiplication végétative ou bouturage». 

C’est pourquoi, le chercheur assure qu’avant de replanter des raquettes, il est conseillé de faire sécher les raquettes plusieurs jours. Puis à la plantation, il est conseillé d’arroser abondamment. «Les raquettes doivent être enfouies dans le sol d’un bon tiers. Il est également possible de couper des raquettes en 4 pour disposer de plusieurs boutures», insiste-t-il. Des semis à partir de graines sont aussi possible ; toutefois, leur enveloppe est, selon le chercheur, épaisse. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est aussi conseillé de les frotter sur une toile abrasive. 
 

Changement climatique 

A noter que les plantations de printemps sont celles qui obtiennent le plus de réussite. A noter que quatre forêts domaniales sont ciblées par cette vaste opération de plantation dans la wilaya de Tizi Ouzou, à savoir Ath Ghovri (canton de Tinkicht) dans la commune d’Azazga, Taksebt (canton du même nom) à Zekri et l’Akfadou (canton de Bouadga) dans la commune d’Idjeur, à raison de 3000 m2 d’opuntia par forêt, a précisé la conservation. 

Par ailleurs, tous les spécialistes s’accordent à dire que maîtriser une éclosion de feu relève aujourd’hui des missions les plus difficiles aussi bien en Algérie que dans plusieurs régions du monde. Les feux sont non seulement devenus plus fréquents en raison du changement climatique mais également plus ravageurs et plus puissant car la végétation est trop sèche et les forêts ne reçoivent pas de pluviosité parfois pendant six mois. «Ces paramètres génèrent un combustible très sec et des sols très pauvres en humidité», affirme Brahim Bouchareb, enseignant chercheur à l’Ecole nationale supérieure agronomique d’Alger. 

Selon lui, si nos forêts sont particulièrement vulnérables, c’est en raison de plusieurs aspects et caractéristiques. Le premier est qu’elles se situent généralement dans les montagnes et les pentes sont réputées d’être amies de feu. 

Le second paramètre est la végétation buissonnante et résineuses est particulièrement pyrophorique ce qui n’arrange pas les choses. Et enfin, «la cause principale, selon moi, est que nos forêts ne sont pas aménagées comme il le faut et souvent sans travaux de débroussaillement pouvant nous faire éviter les grandes propagations et les incendies ravageurs», ajoute-t-il. Le chercheur précise par ailleurs qu’en fonction du degré et de la puissance de feu, la possibilité de régénération est remise en question. 

A cet effet, il explique : «Il faut savoir qu’une forêt parcourue par un feu maintient ses chances de revenir à un état d’équilibre si le passage de feux est faible et qu’il a été vite maîtrisé contrairement à deux feux intenses qui compromettent toute sorte de régénération naturelle ou artificielle et c’est ce qui se passe généralement quand l’intervention n’est pas rapide». Finalement, les opérations de plantation de figuiers de barbarie, connu pour être un parfait pare-feu, sont une bonne initiative. Celle-ci devrait être précédée par des opération de débroussaillement afin d’évacuer tous les déchets et autres plantes mortes pouvant devenir un combustible. 

Ces opérations visent donc à rompre la continuité végétale qui favorise la puissance au feu et permettre à l’incendie de se répandre. Débroussailler, c’est aussi faciliter les accès et les actions à entreprendre pour éteindre un feu surtout dans les forêts situées dans des reliefs de montagnes, cas des parcs nationaux de Chréa et du Djurdjura. 

Sofia Ouahib
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