Pr Rachid Djafer. Chef du service de toxicologie au CHU d’Annaba : «Les interdire aux mineurs et dans les salles de sport»

20/01/2025 mis à jour: 08:37
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Photo : D. R.
  • Quels sont les principaux dangers liés à la consommation de compléments alimentaires importés sans contrôles sanitaires stricts ?

Le problème majeur concerne les produits introduits clandestinement, souvent appelés «produits  cabas», qui échappent totalement aux contrôles sanitaires. En revanche, les compléments alimentaires importés légalement sont soumis à une réglementation rigoureuse supervisée par le ministère du Commerce.

  • Quels types de contaminants ou de substances nocives peuvent se retrouver dans ces produits ?

Certains compléments alimentaires illégaux peuvent contenir des substances actives interdites, comme des hormones pour favoriser la prise de poids ou des médicaments visant à augmenter la libido. Ces substances, dotées de propriétés pharmacologiques, sont strictement proscrites.

  • Peut-on établir un lien entre l’absence de contrôle et l’augmentation de problèmes de santé liés à ces produits ?

Plutôt que de parler d’une absence de contrôle, il serait plus juste de dire que les efforts actuels sont insuffisants pour couvrir l’ensemble des produits, qu’ils soient fabriqués localement ou importés.

  • Quelles sont les conséquences possibles d’une surconsommation de vitamines ?

Les vitamines sont essentielles à l’organisme, mais doivent être apportées par une alimentation équilibrée, car certaines, comme la vitamine C, ne peuvent être synthétisées par le corps humain. Une consommation excessive de suppléments vitaminiques peut cependant entraîner des effets secondaires graves :
• Vitamine D : toxicité provoquant une hypercalcémie, perte de poids, troubles du rythme cardiaque.
• Vitamine E : risque d’hémorragies, interférence avec la coagulation et AVC.
• Vitamine B3 : hypertension, douleurs abdominales, lésions hépatiques.
• Vitamine C : migraines à des doses supérieures à 6 g/jour.
• Vitamine B6 : troubles neurologiques, lésions cutanées et autres effets indésirables à long terme (1 à 6 g/j).
• Vitamine B9 : excès pouvant masquer une carence en vitamine B12 et affecter le système immunitaire.

  • Quelles sont les conséquences possibles d’une surconsommation de protéines ?

Les protéines, telles que le lactosérum, le soja ou la caséine, favorisent la prise de masse musculaire. Toutefois, une consommation excessive peut entraîner des effets secondaires comme des nausées, ballonnements, fatigue, maux de tête et, dans certains cas, une augmentation des selles.

  • Les acides aminés isolés peuvent-ils représenter un danger pour certains groupes, comme les jeunes sportifs ?

Oui, particulièrement pour les jeunes pratiquant la musculation et consommant parallèlement des boissons énergisantes. Cela peut causer des troubles de la mémoire et une perte d’appétit.

  • Quels sont les signaux d’alerte à surveiller lors de la prise de compléments alimentaires ?

Il est crucial de rappeler que les compléments alimentaires ne remplacent en aucun cas une alimentation variée et équilibrée. Respecter les posologies est indispensable pour éviter les risques de surdosage. L’automédication est fortement déconseillée : seul un médecin ou un pharmacien peut recommander ces produits en fonction des besoins spécifiques de chacun.

  • Quels groupes de population sont les plus exposés à la consommation de ces produits ?

Les jeunes sportifs et les jeunes femmes sont particulièrement vulnérables. Les premiers recherchent des performances physiques accrues, tandis que les secondes consomment parfois des compléments à base de phytohormones ou d’hormones de synthèse pour favoriser une prise de poids.

  • Y a-t-il des cas récents de pathologies ou d’intoxications liés à ces produits ?

Des études menées en Algérie ont rapporté des effets indésirables liés à la surconsommation de certains compléments, comme le zinc ou des complexes de vitamines B1 et B6, particulièrement durant la pandémie de Covid-19.

  • Comment sensibiliser le public, notamment les sportifs et les jeunes, aux dangers de ces produits ?

La sensibilisation passe avant tout par l’information. Il est également essentiel de réglementer la vente de ces produits, en interdisant leur commercialisation dans les salles de sport et leur consommation par les mineurs.

  • Quels conseils donneriez-vous pour identifier des compléments alimentaires sûrs ?

Achetez ces produits exclusivement en pharmacie, où ils respectent des normes sanitaires strictes. Evitez de les acquérir via les réseaux sociaux ou chez les vendeurs non autorisés.

  • Les étiquettes des produits importés sont-elles fiables ?

L’étiquetage en Algérie est encadré par une réglementation stricte. Il est, par exemple, interdit de faire figurer des allégations médicales telles que «crème anti-acné» ou «sirop contre la toux».

  • Comment les autorités sanitaires et les professionnels de santé peuvent-ils collaborer pour prévenir les abus ?

En 2022, le service de toxicologie du CHU d’Annaba a organisé un séminaire national sur les compléments alimentaires. Cette initiative a permis de sensibiliser le ministère du Commerce, qui a depuis renforcé la réglementation sur ces produits, notamment en matière de contrôle et d’étiquetage. Des campagnes de sensibilisation doivent être menées auprès des jeunes sportifs, des élèves des lycées et des malades chroniques, qui sont souvent influencés par des publicités mensongères diffusées sur certaines chaînes de télévision ou sur les réseaux sociaux.
 

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