Pr Noureddine Yassaa. Membre du Bureau du (GIEC), Commissaire aux Energies Renouvelables et à l’Efficacité Energétique (CEREFE) : « Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité»

17/03/2022 mis à jour: 07:09
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Photo : D. R.

Pr Noureddine Yassaa. Membre du Bureau du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Commissaire aux Energies Renouvelables et à l’Efficacité Energétique (CEREFE)  :  « Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité »

Le nouveau rapport «Changement Climatique 2022 : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité», publié le 28 février 2022, en tant que contribution du Groupe de travail II au sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), examine les impacts du changement climatique sur la nature et l’humanité partout dans le monde. 

Il étudie les effets futurs à différents niveaux de réchauffement et les risques qui en découlent, et présente diverses options pour renforcer la résilience de la nature et de la société face au changement climatique en cours, lutter contre la faim, la pauvreté et les inégalités et faire en sorte que la Terre reste vivable pour les générations actuelles et futures. Le rapport a été approuvé par les représentants des 195 pays membres du GIEC dont l’Algérie à l’issue d’une session d’approbation virtuelle de deux semaines (du 14 au 27 février 2022) à laquelle j’ai participé en tant que membre du bureau du GIEC. 270 auteurs, représentant 67 pays, ont contribué à l’élaboration de ce rapport. 

Le Résumé Destiné aux Décideurs (qui sera traduit en six langues à l’ONU), le Résumé Technique ainsi que la version intégrale du rapport peuvent être téléchargés via le lien suivant : https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/ Le rapport, qui reconnaît l’interdépendance du climat, de la biodiversité et des populations humaines et intègre davantage les sciences naturelles, sociales et économiques, montre que les éléments scientifiques cumulées sont sans équivoque : le changement climatique est une menace pour le bien-être de l’humanité et la santé de la planète. Tout retard supplémentaire dans une action mondiale concertée manquera une fenêtre d’opportunité courte et qui se referme rapidement pour assurer un avenir vivable.

La vulnérabilité de l’Algérie aux changements climatiques (sécheresse, aridité, vagues de chaleur, feux de forêts, pertes de rendement des cultures, menaces sur la sécurité alimentaire et hydrique, …) a été particulièrement mise en lumière dans les sections spéciales consacrées aux « terres arides et déserts » et « la Méditerranée ». 

Les éléments clés de ce rapport sont détaillés comme suit : Impacts, Risques et Vulnérabilité

  • 1. Le réchauffement climatique actuel de 1,1°C a déjà provoqué des perturbations dangereuses et généralisées dans la nature et affecté la vie de milliards de personnes, malgré les efforts d’adaptation.

Les extrêmes climatiques de plus en plus fréquents et graves ont causé des impacts étendus et généralisés sur les écosystèmes, les personnes, les communautés et les infrastructures.

Les impacts des extrêmes climatiques et météorologiques sont de plus en plus attribués au changement climatique induit par l’homme. La fréquence, l’intensité et la durée accrues de ces extrêmes ont entraîné des mortalités massives (par exemple, la perte d’arbres et de coraux) et des centaines d’extinctions locales. Les pertes et les dommages aux écosystèmes ainsi qu’aux vies et aux moyens de subsistance des populations ont augmenté en raison de l’intensification des cyclones tropicaux, de l’élévation du niveau de la mer et des fortes précipitations. 

Certaines pertes attribuées au changement climatique sont déjà irréversibles, comme les premières extinctions d’espèces provoquées par le changement climatique. Environ la moitié des plantes, des animaux et des espèces marines étudiées dans le monde se déplacent vers les pôles ou, sur terre, vers des altitudes plus élevées pour trouver des conditions dans lesquelles ils peuvent survivre. Environ la moitié de la population mondiale connaît actuellement une grave pénurie d’eau à un moment donné chaque année, en partie à cause du changement climatique. 

L’augmentation du réchauffement, les vagues de chaleur et les sécheresses entravent les efforts visant à atteindre les objectifs de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de « faim zéro » et « de l’eau pour tous ».Des extrêmes croissants ont exposé des millions de personnes à des pénuries aiguës de nourriture et d’eau, en particulier en Afrique, en Asie, en Amérique Centrale et du Sud, sur les petites îles et dans l’Arctique.

Dans toutes les régions du monde, le changement climatique a affecté la santé des populations. Les décès pendant les périodes de chaleur extrême ont été attribués aux vagues de chaleur d’origine humaine. Le changement climatique a entraîné une augmentation de diverses maladies. Les traumatismes associés aux conditions météorologiques extrêmes, telles que les vagues de chaleur, les sécheresses, les tempêtes et les inondations, ont un impact négatif sur la santé mentale des personnes. 

Des événements extrêmes tels que des inondations ont affecté les services de santé. La santé, la vie et les moyens de subsistance de plus de la moitié de la population mondiale qui vit dans les villes et autres zones urbaines, ainsi que les modes de transport et les services essentiels, tels que l’eau et l’électricité, ont été compromis par le changement climatique. Les impacts sont amplifiés dans les villes, par exemple : les vagues de chaleur peuvent se combiner avec l’effet d’îlot de chaleur urbain et la pollution de l’air. Les personnes les moins capables de faire face – par exemple les personnes vivant dans des quartiers informels – sont les plus touchées.

Dans l’ensemble, les impacts économiques négatifs attribuables au changement climatique sont de plus en plus identifiés. L’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’énergie et le tourisme font partie des secteurs exposés au climat qui ont subi des pertes économiques. Les moyens de subsistance ont été affectés par la baisse des rendements des cultures, les impacts sur la santé et la sécurité alimentaire, la perte de maisons et d’infrastructures et la perte de revenus.

  • 2. La destruction de l’habitat, la perte de biodiversité, l’urbanisation croissante, les inégalités et la marginalisation causées par l’homme se combinent avec le changement climatique induit par l’homme pour accroître les menaces qui pèsent sur les écosystèmes et les personnes, aujourd’hui et à l’avenir.

L’utilisation non durable des ressources naturelles, la déforestation, la dégradation et la destruction des écosystèmes et la pollution non seulement présentent des menaces pour les écosystèmes et les personnes qui en dépendent, mais réduisent également les capacités d’adaptation de la nature, des communautés et des individus. Ces menaces devraient se poursuivre sous l’effet du changement climatique, entraînant la perte et la dégradation d’une grande partie des forêts, des récifs coralliens et des zones humides côtières basses du monde.

3,3 à 3,6 milliards de personnes en Afrique occidentale, centrale et orientale, en Asie du Sud, en Amérique centrale et du Sud, dans les petits Etats insulaires en développement et dans l’Arctique sont considérées comme très vulnérables au changement climatique. Dans les régions à faibles capacités d’adaptation, les décès dus aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes étaient 15 fois plus élevés par événement que dans les régions et les pays plus résilients au cours de la dernière décennie.

La consommation intensive de l’énergie, l’urbanisation mal planifiée, le manque de financement et l’accent mis sur des solutions d’ingénierie lourdes exacerbent la vulnérabilité de communautés déjà marginalisées. La vulnérabilité future se concentrera là où les gouvernements, les communautés et le secteur privé sont le moins en mesure de fournir des infrastructures et des services de base tels que l’eau potable, l’assainissement, les soins de santé et l’éducation.

L’assainissement, l’eau, la santé, les transports, les communications et l’énergie seront de plus en plus vulnérables si les normes de conception ne tiennent pas compte des conditions climatiques changeantes. A mesure que de plus en plus de personnes se déplaceront vers les zones urbaines, celles qui vivent dans des établissements informels et dans des petites communautés à croissance rapide seront les plus vulnérables. Dans les zones rurales, la vulnérabilité sera accrue par une combinaison de facteurs, notamment un plus grand nombre de personnes qui quittent la zone, des conditions de vie plus difficiles en raison du changement climatique et la forte dépendance à l’égard des moyens de subsistance tels que l’agriculture. La vie sur les îles basses et les îles atolls très vulnérables et dans certaines zones montagneuses deviendra de plus en plus difficile.

  • 3. Nous serons confrontés à de multiples aléas climatiques inévitables au cours des deux prochaines décennies avec un réchauffement climatique de 1,5°C, mais la manière dont ceux-ci affecteront la nature et les personnes dépend de la manière dont les plantes, les animaux et les personnes s’adaptent.

Le risque de perte de biodiversité dans les forêts, le varech et les herbiers, la banquise arctique et les coraux d’eau chaude devrait augmenter. Le nombre de personnes menacées par le changement climatique et la perte de biodiversité associée augmentera progressivement. Cependant, les risques pour la nature et les personnes dépendent davantage de leur vulnérabilité et de leur exposition aux aléas climatiques que du niveau de réchauffement. Les risques sont les plus élevés pour la nature et les habitants des régions connaissant les températures les plus élevées, ceux qui vivent le long des côtes, dans les régions gelées du monde, le long des rivières et là où d’autres menaces existent, mais celles-ci peuvent être modérées dans une certaine mesure. L’élévation du niveau de la mer exposera les personnes vivant dans les villes et les établissements côtiers à un plus grand risque d’inondation et les écosystèmes côtiers de basse altitude, tels que les mangroves, seront submergés et perdus. Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C réduirait sensiblement les pertes liées au climat, mais elles ne peuvent pas être totalement éliminées.

Pr Noureddine Yassaa
Membre du Bureau du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Commissaire aux Energies Renouvelables et à l’Efficacité Energétique (CEREFE

A suivre 

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