Pr Mustapha Khiati. Président et fondateur de la Forem : «Le cancer constitue l’un des problèmes majeurs de santé publique»

24/10/2024 mis à jour: 00:46
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Photo : D. R.
  • Selon le registre national des cancers de l’enfant et de l’adolescent, 837 nouveaux cas de cancer ont été recueillis en 2020, dans les structures de prise en charge des cancers de l’enfant et de l’adolescent du Réseau Centre. Selon le registre des tumeurs d’Alger, 112 117 cas de cancer ont été enregistrés à Alger et cela sur une période de 20 ans. Comment expliquer cette hausse ?

Le cancer constitue aujourd'hui l’un des problèmes majeurs de santé publique. Le nombre de cas est estimé entre 50 et 55 000 cas par an. De nombreux facteurs favorisent cette hausse, notamment le vieillissement de la population, la malbouffe, la pollution... Le fait que le Registre du cancer d’Alger montre une augmentation très sensible des moyennes annuelles entre 2000 et 2011 où on enregistrait 4069 cas par an, et entre la décade 2012 et 2021, durant laquelle la moyenne annuelle est passée à 7143 cas par an, n’est pas en fait très surprenant. On peut penser que depuis 2012, les nouveaux cas sont plus sérieusement recensés.

La moyenne des dernières années correspond plus à l’estimation annuelle des cas puisque Alger représente environ le 9e de la population nationale. Il est à remarquer cependant qu’il existe toujours une sous-estimation. Les cancers de la peau, les cancers urologiques, les cancers sanguins ne paraissent pas être comptabilisés, ce qui fait que les chiffres réels sont certainement plus élevés que ne laissent paraître le Registre du cancer d’Alger. Il est regrettable que le Plan cancer, qui a bénéficié de moyens importants au cours de sa première phase, n’ait pas jugé important de mettre en place une plateforme d’enregistrement de tous les cas de cancers à travers tout le pays.

  • Chez les hommes, le cancer colorectal est passé en première position devant celui du poumon. Pourquoi, selon vous  ?

Le cancer colorectal est en tête chez l’homme bien avant le cancer du poumon, un fait constaté depuis une quinzaine d’années. Outre le vieillissement, la mauvaise alimentation joue un rôle crucial dans l’augmentation de ce type de cancer, avec la pauvreté de notre alimentation, notamment en légumes. Le cancer du poumon, qui occupe la 2e place chez l’homme, reste préoccupant avec un nombre de fumeurs qui ne veut pas diminuer et un prix bas du tabac, mais aussi la non-application des interdictions de fumer dans les espaces publics.

Chez les femmes, le cancer du sein est loin en tête, suivi par celui de l’endomètre. Aussi bien chez l’homme que chez la femme, le Plan cancer prévoyait dans sa première formule des études pour comprendre les causes à l’origine de ces cancers et des mesures de prévention adaptées pour réduire les nouveaux cas. Malheureusement, ni les premières ni les secondes n’ont été mises en place. Aucun bilan n'a été publié et discuté à la fin de la première phase. Comment alors tirer des conclusions ?

  • Le nouveau Plan cancer pourra-t-il remédier à ces insuffisances ?

L’Agence nationale de sécurité sanitaire pourrait jouer un rôle plus actif dans l’identification des causes des cancers et, par conséquent, leur prévention.

  • Selon le registre national des cancers de l’enfant et de l’adolescent, 837 nouveaux cas de cancer ont été recueillis, en 2020,  dans les structures de prise en charge des cancers de l’enfant et de l’adolescent du réseau centre. Un commentaire ?

Les cancers de l’enfant sont relativement plus rares que ceux de l’adulte. Ils ne représentent environ que 2% de l’ensemble des cancers enregistrés annuellement en Algérie. Ils sont constitués principalement par les leucémies (28% des cas), les tumeurs du système nerveux central (25%) et les lymphomes (11%).

La particularité de ces tumeurs est qu’un quart d’entre elles sont inexistantes chez l’adulte. Si des facteurs de risque génétiques peuvent intervenir dans le développement de tumeurs pédiatriques, comme c’est le cas avec certains rétinoblastomes, l’enfant serait aussi exposé à d’autres facteurs de risque, comme les pesticides, durant la grossesse ou lors de la petite enfance. Le rôle des rayons ultra-violets est soupçonné dans les leucémies aiguës lymphoblastiques.

Diagnostiqués tôt, ces cancers répondent bien au traitement. Il faut savoir que 92% des enfants atteints de cancer sont encore en vie un an après le diagnostic, et 82% le sont encore cinq ans après, même s’il existe une variation suivant le type de cancer. Le taux de survie à 5 ans est passé de 30% dans les années 1970 à plus 80% actuellement. Comme chez l’adulte, les traitements peuvent ainsi allier chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie. Mais les cancers de l’enfant sont différents de ceux de l’adulte, ils touchent des organismes en plein développement et atteignent des tissus en cours de maturation.

La croissance des tumeurs est par conséquent souvent très rapide. La mise au point de traitements dits «ciblés» spécifiques, qui agissent directement sur les cellules cancéreuses en y bloquant une protéine ou un mécanisme moléculaire particulier, semble améliorer le traitement.

  • Y a-t-il un lien établi entre l’environnement et les cancers de l’enfant ?

Il existe, en effet, un lien établi entre l’environnement et certains cancers chez l’enfant, mais le mécanisme intime de cette relation n’est pas encore élucidé. En raison de leur âge caractérisé à un développement en cours de certains de leurs organes, les enfants peuvent être particulièrement sensibles aux substances toxiques présentes dans leur environnement.

C’est le cas notamment d’une exposition au tabagisme passif, qui est associé à un risque accru de développer une leucémie et des cancers du système respiratoire. Il y a aussi l’exposition aux pesticides et autres produits chimiques agricoles. Il faut savoir que les enfants vivant à proximité de zones agricoles où des pesticides et d’autres produits chimiques sont utilisés peuvent être exposés à des substances potentiellement carcinogènes.

Des études ont suggéré des liens entre cette exposition et l’apparition de leucémies. Il a aussi été établi que l’exposition à des polluants atmosphériques, comme les particules fines et les composés organiques volatils, ainsi qu’à des produits chimiques toxiques présents dans les aliments ou l’eau potable peut augmenter le risque de certains cancers chez les enfants.  
 

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