Pr Mustapha Khiati. Président de la Forem : «Dans le cas de la diphtérie, le meilleur traitement reste la prévention par la vaccination»

29/09/2024 mis à jour: 02:15
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Des cas de diphtérie et de paludisme sont apparus dans trois wilayas de l’extrême Sud de l’Algérie, a indiqué vendredi le ministère de la Santé, qui a annoncé avoir dépêché sur les lieux une commission médicale ainsi que des médicaments. 


Dans cet entretien, le professeur Mustapha Khiati, président de la Forem, explique les particularités de cette maladie.


Propos recueillis par Sofia Ouahib

 

Comment se transmet la diphtérie ?

La diphtérie se transmet habituellement par des gouttelettes de salive lesquelles sont émises lorsque la personne tousse, éternue ou même parle à voix haute. Ces gouttelettes peuvent toucher des personnes situées à proximité ou même distantes de quelques mètres. Il existe donc un contact direct. Il faut aussi mentionner que la transmission peut se faire par des vêtements de personnes malades ou même par le lait de vaches contaminées. En l’absence de traitement, les personnes atteintes peuvent contaminer d’autres pendant deux à quatre semaines. Si la personne porteuse de bactéries diphtériques est traitée par un antibiotique, la contamination cesse après 48 heures.

A quoi est elle due ?

La diphtérie est une maladie provoquée par la bactérie Corynebacterium diphtheriae qui réalise chez l’être humain une atteinte des voies respiratoires supérieures principalement une pharyngite ou amygdalite qui s’accompagne d’un mal de gorge, la personne éprouve une gène à la déglutition (dysphagie), un mal de tête mais peu ou pas de fièvre. Une plaque se forme sur les amygdales puis s’étend vers l’intérieur de la gorge, un œdème va accompagner la progression de ces fausses membranes, il s’étend à la trachée et aux bronches. Souvent la personne atteinte arrive à résister et la membrane est rejetée après quelques jours, le traitement précoce peut abréger cette période. 

Il existe aussi une forme de diphtérie appelée diphtérie cutanée dans les régions chaudes et arides comme le Sahel. Elle prend la forme de lésions cutanées variables pouvant aller d’une simple pustule à un ulcère mais caractérisées toutes par leur aspect traînant, chronique qui ne guérit pas. Il faut également remarquer que d’autres bactéries comme Corynebacterium ulcerans et C. pseudotuberculosis peuvent avoir un gène qui leur permet de sécréter la toxine diphtérique. 

Ces deux bactéries sont présentes surtout chez les animaux (bovin, chiens, chats…) mais peuvent se transmettre à l’homme et réaliser une véritable diphtérie humaine. Dans certains pays développés où la vaccination contre la diphtérie n’est pas obligatoire, la contamination par des animaux de compagnie représente un risque réel.

Quels sont ses symptômes ?

Au début, les symptômes sont ceux d’une pharyngite ou d’une angine, à savoir fièvre, douleur à la gorge, fatigue et mal de tête. La toxine produite par la bactérie diphtérique va détruite la muqueuse de la gorge et le revêtement des amygdales entraînant l’apparition d’une membrane grisâtre au niveau de la gorge, laquelle devient épaisse laissant sourdre du sang lorsqu’on essaie de la racler avec un abaisse langue. A ce moment-là, des signes de gène respiratoire deviennent patents et évoluer vers l’asphyxie en l’absence de traitement.

Est-elle dangereuse ?

La gravité de la maladie diphtérique vient d’une part d’une atteinte respiratoire grave. Les fausses membranes apparues au niveau du pharynx vont s’étendre vers l’arrière gorge, le larynx, la trachée et les bronches et réaliser une obstruction mécanique des voies aériennes entraînant une asphyxie, c’est ce qu’on appelle un croup ou diphtérie laryngée ; et d’autre part du fait que la bactérie responsable de la diphtérie secrète une exotoxine qui est responsable d’une atteinte de nombreux organes, des signes de défaillance organique vont apparaître : cœur (atteinte du muscle du cœur réalisant une myocardite), rein, nerfs (névrite ou neuropathie), atteinte parfois généralisée qui peut être fatale

Quelles précautions prendre pour l’éviter ?

La diphtérie fait partie des maladies «tueuses de l’enfance» avec la coqueluche et le tétanos. Elle est combattue par la vaccination qui a permis presque de l’éradiquer au point que beaucoup de pays ne rendent plus obligatoire la vaccination. L’Algérie a institué une vaccination obligatoire contre ces maladies dès 1969. Le développement du programme élargi de vaccinations a permis de réduire de façon drastique ces infections. Le dernier cas de diphtérie signalé en Algérie remonte à 2007. 

L’apparition de foyers à Tamanrasset et Tinzaouatine dans les populations en situation irrégulière dans le Sud du pays est liée à l’épidémie qui sévit depuis une année dans le Sud du Sahel au niveau des frontières entre le Mali et le Niger. 

Ce phénomène a aussi été observé en Suisse en août 2022 dans le centre fédéral d’asile de Berne, où plusieurs cas ont été détectés. Il a aussi été noté dans de nombreux pays qui reçoivent des émigrés. 
Ces foyers apparaissent au milieu de populations non immunisées. En cas d’apparition de cas dans une zone donnée, il faut s’assurer que la population est bien vaccinée. Si elle ne l’est pas, il faut déclencher rapidement une campagne de rattrapage vaccinal.

En cas de contamination, comment la traiter ?

En cas d’apparition d’un foyer, il convient de traiter les malades par l’administration d’antitoxine diphtérique à laquelle on ajoute un antibiotique comme la pénicilline, l’érythromycine ou une céphalosporine, pour détruire les bactéries et arrêter la production de toxine. Le meilleur traitement reste la prévention par la vaccination par le vaccin triple DTCop (diphtérie, coqueluche et tétanos). Ce vaccin est habituellement donné en même temps que d’autres vaccins comme celui de poliomyélite. Il est donné à l’âge de 2, 4, 6 et 18 mois avec un rappel à l’entrée à l’école. Certains pays font un rappel à 11 et 19 ans pour maintenir une immunisation active. 


En cas d’épidémie ou de l’existence d’un foyer, il convient de rappeler qu’il est recommandé de protéger les personnes en contact avec les malades par des injections benzathine-pénicilline G ou en cas d’allergie par l’érythromycine par voie orale. Les personnes en contact des malades ce sont toutes les personnes qui vivent avec lui et ne présentent pas de signes mais également le personnel médical et paramédical appelé à les traiter ou tout autre personnel chargé de le convoyer, de le protéger.

La bactérie responsable peut-elle être détruite ?

Il faut signaler que les bactéries responsables de la diphtérie peuvent être détruites par certains désinfectants (la chlorhexidine, l’hypochlorite de sodium à 1%, à l’éthanol à 70%, au glutaraldéhyde, au formaldéhyde…). Ceci est d’autant plus intéressant à savoir que Corynebacterium diphtheriae peut vivre sur des surfaces sèches inanimées de 7 jours à 6 mois.


 

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