Pr Chelghoum, président du Club des risques majeurs : «L’Algérie perd chaque année jusqu’à 40 000 hectares de forêt»

14/08/2024 mis à jour: 09:24
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 C’est un épisode saisonnier en Algérie et même dans le monde : les feux de forêt. Aggravés par les épisodes caniculaires, manifestation directe des changements climatiques, ces incendies constituent aujourd’hui  un véritable problème.

 «Depuis 1998, l’Algérie perd chaque année entre 30 000 et 40 000 hectares de forêt, selon des données de la Protection civile et de la Direction générale des forêts (DGF). En 2021, l’ampleur des dégâts a été particulièrement sévère, avec plus de 150 000 hectares détruits, principalement en Kabylie et dans les régions de Mila et d’El Tarf. 

L’année suivante, la région d’El Tarf a de nouveau été touchée, avec près de 90 000 hectares brûlés», souligne le Pr Abdelkim Chelghoum, président du Club algérien des risques majeurs lors de son passage, hier, sur les ondes de la Chaîne III. L’invité de la rédaction ne mâche pas ses mots et remet en question l’efficacité de la prévention. « Bien que la loi n°04-20 de 2004 définisse clairement les mesures préventives telles que les tranchées pare-feu et le débroussaillage, leur application reste insuffisante.  Si ces mesures étaient correctement mises en œuvre, le risque d’incendie pourrait être réduit de 80%», affirme-t-il. 

Comparant la situation de l’Algérie avec celle des pays méditerranéens comme l’Espagne et la Grèce, ainsi qu’avec la Californie, Pr. Chelghoum souligne l’importance d’adopter des pratiques scientifiques avancées pour la gestion des incendies. «La situation en Algérie est différente. Nos massifs forestiers sont habités, notamment en Kabylie ou dans les Aurès. La solution ne consiste pas seulement à interdire la construction dans les zones à risque, mais également à sensibiliser les citoyens et à renforcer les mesures préventives sur le terrain. Il est crucial de prévoir des pistes carrossables, des points d’eau accessibles et d’intégrer pleinement les citoyens dans ce processus de prévention», souligne le Pr. Chelghoum, avant d’insister sur l’importance d’une cartographie des zones à risque. «Une cartographie multirisque est indispensable. Elle permettrait à toutes les autorités, du président de la République aux directeurs généraux, d’accéder rapidement à des informations cruciales. Malheureusement, en Algérie, nous avons des cartographies par risque, mais elles ne sont pas suffisamment interactives ou intégrées. Il est essentiel de développer des modèles numériques pour évaluer et circonscrire les risques», détaille-t-il. Pour l’invité de la rédaction, il est impératif également pour la direction générale des forêts d’opérer une révision complète de sa stratégie de gestion et de prévention des feux de forêt. Pour lui, il serait préférable de rattacher la DGF au ministère de l’Intérieur pour une meilleure coordination. 

Pour ce qui est de la contribution des facteurs climatologiques dans ces incendies, le Pr. Chelghoum dresse un tableau assez pessimiste. Selon ses propos, le réchauffement climatique et les phénomènes de sécheresse devraient aggraver les risques d’incendies dans les années à venir. Malgré le sérieux de la menace, il estime qu’y faire face est simple mais nécessite une implication accrue des citoyens dans la prévention des feux. Il recommande, dans ce sens, le nettoyage des terrains privés et la plantation d’arbres coupe-feu, en plus de la création d’une grande commission nationale de gestion de crise. 

Dans le même ordre d’idées, il revient sur la nécessité de mettre en place un parcours universitaire en gestion des risques majeurs. 

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