- Une grande panique règne ces derniers jours après la hausse fulgurante des cas de contamination. Jugez-vous en tant que médecin et coordinatrice du centre Covid que nous avons atteint le seuil critique ?
En tant que directrice des activités médicales et paramédicales de l’EH Didouche Mourad et coordinatrice de l’espace Covid, je tiens d’abord à féliciter, solennellement, l’ensemble des médecins généralistes y travaillant : médecins généralistes affectés au niveau des UMC et au niveau de l’unité Covid chirurgie ainsi que le personnel paramédical.
Pour votre interrogation, la panique est la conséquence de l’inconscience de nos citoyens et même celle de nos confrères non vaccinés encore. Cependant, et Dieu merci, nous n’avons pas encore, comme vous le dites, atteint le seuil critique.
Nous travaillons dans une organisation telle que nous ne sommes pas encore saturés, malgré le nombre important de consultants Covid dans notre hôpital. Nous sommes passés, de 10 à 15 consultations/jour de Covid durant la période d’accalmie, à plus de 80 consultations par jour durant cette période.
- La décision surprise de fermer les établissements scolaires a également créé un climat de peur. Ne fallait-il pas prendre cette décision bien avant, dès l’apparition des premiers cas Omicron, afin d’éviter la propagation à travers les enfants ?
La décision de fermeture des établissements scolaires, des universités et des résidences aujourd’hui est bien réfléchie, surtout que nous assistons à la propagation des cas Covid parmi les enfants, qui font des formes bénignes.
Mais, qui (les enfants) sont responsables d’une plus grande circulation de la Covid. Je ne pourrais estimer le temps propice de la prise de cette décision, mais il faudrait être strict dans son application, surtout que nous assistons actuellement à la sortie massive des enfants dans les rues ou avec leurs parents dans les centres commerciaux, ou ailleurs.
La fermeture des établissements devrait servir d’exemple aux parents, pour laisser les enfants à l’intérieur profiter des révisions et ne pas considérer cette action comme une période de vacances. C’est maintenant que nous pouvons craindre le pire s’il n’y a pas de prise de conscience par les parents.
- Plusieurs parents affirment la contamination de leurs enfants, présentant en premier lieu des symptômes d’angine ou de rhume. Pourrons-nous dire que cette catégorie est plus vulnérable au variant Omicron qu’à celui de Delta ?
Nous sommes en pleine période de grippe, de rhume, de bronchiolites. Toutes ces pathologies ont des symptômes très similaires à la Covid et il est impossible de les différencier que par des examens approfondis. Je dirais le test RT-PCR pour confirmer l’infection par le SARS-CoV-2. Les mutants Delta et Omicron ne peuvent être affirmés que par séquençage, qui se fait uniquement à l’Institut Pasteur.
Cette recherche se fait après une forte suspicion de ces mutants et ne pourrait être généralisée pour le moment. C’est pour ces raisons et d’autres que nous ne pouvons pas affirmer avec exactitude si les enfants ont contracté la Covid ou pas.
Nous devons rester vigilants en respectant les gestes barrières. Les enfants sont plus à risque d’être des vecteurs de l’infection durant cette 4e vague; qui s’annonce très contagieuse.
- Il y a une certaine contradiction des tests Covid, où des personnes au début sont testées négatives et suite à un deuxième test effectué après aggravation de leur état se révèlent positives dans trois jours ou une semaine après. Quelle est votre explication et que dites-vous à propos de la fiabilité des tests fournis par les laboratoires, avec la propagation de l’Omicron ?
Il n’y a pas de contradiction dans la lecture des tests RT-PCR. Cependant, il faut savoir les réaliser ou les demander au moment opportun de l’infection. Ça ne sert à rien de les réaliser avant l’installation réelle de l’infection ou une dizaine de jours après. Le seul test diagnostic clé reste la RT-PCR. Devant des symptômes douteux d’infection Covid, les tests antigéniques ne sont pas aussi sûrs.
Un test antigénique négatif n’élimine pas une infection à la Covid-19. Dans ce cas, il y a intérêt de réaliser une PCR. Les sérologies, quant à elles, n’indiquent que des informations sur la présence ou pas d’anticorps. La preuve, la sérologie n’est reconnue nulle part comme un test diagnostic d’infection à la Covid.
- Dans une situation pareille, quelles mesures préconisez-vous en tant que spécialiste dans le domaine, et où certains citoyens estiment que la vaccination ne suffit pas actuellement ?
On n’a pas le droit de penser que la vaccination ne suffit pas. Bien au contraire. La vaccination, certes, n’empêche pas de contracter la Covid, mais prévient des complications graves.
Il faut savoir que 95% des patients hospitalisés Covid au sein des hôpitaux ne sont pas vaccinés et présentent des formes graves, nécessitant une oxygénothérapie et des lits de réanimation dans la plus grande majorité des cas. Il est inconcevable de savoir que des milliers de doses de vaccins sont disponibles en Algérie et qu’il n’y a pas l’adhésion des citoyens.
- Faut-il aller vers une troisième dose et surtout la vaccination des enfants pour rompre la chaîne de propagation ?
Nous n’avons pas cessé de répéter à tout le monde que la vaccination est nécessaire pour toute personne sensée, toute personne ne voulant pas être la cause de nuisance à autrui. Pensons à nos parents, nos enfants, nos amis, nos patients. Il faut se faire vacciner pour éviter une catastrophe en Algérie.
Tout le monde parle d’immunité collective. Cette dernière aurait été possible, si l’adhésion à la vaccination était plus importante. Nous aurions pu éradiquer le Delta, mais ce dernier est encore présent et la crainte de certains spécialistes en virologie est la rencontre Delta-Omicron, l’un est agressif et l’autre très contagieux.
Soyons plus responsables, soyons sages et sensibilisons les autres pour cette vaccination. Il n’est pas interdit de penser que nous pourrons voir cette infection disparaître, par l’adhésion de tous. Oui, les vaccins ont aussi une vie d’existence. Le virus est nouveau, des vaccins ont été développés dans l’urgence et les doses de rappel sont nécessaires avec le temps.
Ne faut-il pas faire un vaccin par an contre la grippe ? Et nous le faisons. L’infection par la Covid-19 est une pathologie récente, et les chercheurs persistent pour la contenir et la cerner.
Les vaccins doivent suivre pour pouvoir maîtriser cette infection. Nous devrions continuer à sensibiliser, à informer, à faire connaître les méfaits de cette infection et les conséquences désastreuses, qui peuvent en découler s’il n’y a pas de vaccination. Ailleurs, les moins de 18 ans se font vacciner sans aucun problème et nous sommes ici en train de parler d’efficacité ou pas.
Soyons réalistes, le vaccin est nécessaire et si ça ne tenait qu’à moi, il devrait être obligatoire, surtout dans certains endroits. Je citerais les établissements à plus haut risque de contracter le virus. Le relâchement de notre population a fait que la 4e vague s’annonce très dure. Armons-nous de courage et espérons que l’armée blanche puisse contenir cette vague.