Pr Abdellatif Bouroubi. Chercheur à la faculté des sciences politiques de l’université Salah Boubnider (Constantine 3) : «Les réseaux sociaux constituent un outil complémentaire»

22/08/2024 mis à jour: 18:28
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Photo : D. R.
  • Qu’évoque-t-on en premier lieu lorsqu’il s’agit d’une campagne électorale ?

Lorsqu’on parle de campagne électorale, il est essentiel de se pencher sur le processus dans son ensemble. La première observation concerne le candidat lui-même, examinant son parcours, son CV et les objectifs visés par son programme.

La seconde étape se manifeste à travers la campagne électorale, où l’on s’intéresse notamment aux slogans, à la wilaya et aux publics visés. En troisième lieu, on aborde la question de subvention, et en quatrième, la concurrence entre les candidats, tout en évaluant l’impact que chacun exerce sur l’autre. La cinquième étape, tout aussi déterminante, concerne les recommandations liées à la morale politique.

Il convient de rappeler que la constitution du dossier administratif repose sur un contrat moral qui établit des limites. Ce que nous appelons les frontières politiques de la campagne électorale se traduit par un consensus sur certains aspects, notamment la politique extérieure, la politique sociale de l’Etat algérien, ainsi que les articles 7 et 8 de la Constitution.

Ces derniers stipulent que «le peuple est la source de tout pouvoir» et que «le pouvoir constituant appartient au peuple». Le principe est qu’il existe des limites pour tous. Cela reflète le consensus général qui encadre la campagne. Un point commun unit les candidats, celui de préserver l’Etat dans son rôle social, en garantissant des droits essentiels, tels que le logement, l’emploi, l’éducation et la santé, des axes stratégiques que l’Etat algérien doit impérativement maintenir.

  • Comment évaluez-vous la campagne depuis son début, en particulier les efforts déployés par les candidats pour promouvoir leur programme ?

J’ai une remarque que j’avais déjà soulevée lors de plusieurs émissions télévisées. Pendant une campagne, il faut se concentrer sur le mécanisme électoral en lui-même.

Il est crucial d’expliquer aux citoyens l’importance d’une élection présidentielle, une dimension que je n’ai pas suffisamment observée durant les cinq premiers jours de la campagne à la télévision, où les candidats ont principalement axé leurs interventions sur leur programme, certes positif, mais sans mettre en lumière l’impact direct de ces élections sur la vie quotidienne et l’avenir des Algériens.

Il n’existe pas d’autre mécanisme pour accéder au pouvoir que par le biais des élections.

  • Pourquoi les candidats privilégient-ils les supports numériques et est-ce suffisant ?

L’importance d’internet est devenue cruciale, voire primordiale, dans la vie quotidienne des citoyens. Son impact se fait sentir dans de nombreux domaines économique, social, culturel, et désormais politique. Il est important de préciser que le rôle d'internet ne se limite pas aux réseaux sociaux. Internet en soi constitue une vaste plateforme d'information et d'interaction.

Depuis 2013, on parle de citoyen électronique, qui s'informe et interagit activement avec la société par le biais des technologies numériques. En réponse à votre question, internet est un «Open Space», un outil libre et accessible à tous, à tout moment, qui dépasse le cadre établi par l’autorité indépendante des élections.

Cette dernière a réparti un temps d’antenne de 72 heures pour chaque candidat à la radio et 72 heures à la télévision, soit un total de 144 heures. Dans ce contexte, la flexibilité offerte par les réseaux sociaux est cruciale et plus persuasive.

Si l’on adopte une approche quantitative, on constate que des millions de téléphones mobiles et de lignes téléphoniques sont utilisés en Algérie, ce qui permet à de nombreuses personnes de rester connectées, sans être contraintes de rester assises devant un poste de télévision.

  • Les réseaux sociaux peuvent-ils remplacer un travail de proximité ?

Non, les réseaux sociaux constituent un outil complémentaire.

  • Qu’en est-il de la manipulation des déclarations des candidats dans des vidéos et publications sur Facebook, souvent sorties de leur contexte ou tronquées ?

Au contraire, l’impact des réseaux sociaux est fondamental, car ils permettent d’exploiter trois formes de communication : la photographie, la vidéo et l’audio, sans oublier l’écrit. Ces divers médias rendent l’information plus claire et nette. Pourquoi cet impact est-il si primordial ?

Parce qu’à travers eux, d’autres objectifs peuvent être atteints. Internet, en particulier les réseaux sociaux, ne sont qu’un outil, et non une fin en soi. L’objectif est de faire évoluer l’opinion des Algériens dans un contexte de concurrence, en les incitant à choisir un candidat plutôt qu’un autre.

Dans ce cas, l’impact des réseaux sociaux est équivalent à celui de la radio et de la télévision, puisqu’il incite les Algériens à faire un choix. Tout simplement, internet, notamment à travers les réseaux sociaux, bien qu’il ne puisse pas remplacer entièrement la vidéo diffusée à la télévision, se révèle plus consistant que les médias traditionnels, les ayant même surpassés. 
 

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